Une enquête approfondie sur Fort Detrick serait "intéressante", selon un expert américain (INTERVIEW)

Par : Yann |  Mots clés : USA-Detrick
French.china.org.cn | Mis à jour le 24-07-2021

"Une enquête approfondie sur tout ce qui s'est passé à Fort Detrick serait intéressante, mais difficile pour des raisons de confidentialité", a estimé Stephen Kinzer, chercheur à l'Institut Watson de l'Université Brown, dans une interview récemment accordée à Xinhua.

"Complexe énorme", Fort Detrick "a été pendant des décennies le centre de recherche militaire liée à la biologie des Etats-Unis", note cet ancien correspondant du New York Times. "Une partie de ce qui s'y passe est confidentielle. Depuis longtemps, les gens ont manifesté devant les portes de Fort Detrick contre des projets dont on ignore la nature".

L'un des projets confidentiels à Fort Detrick s'appelait MK-ULTRA et "visait à découvrir le secret du contrôle de la pensée", rappelle l'auteur du livre "Empoisonneur en chef" qui raconte la vie méconnue de Sidney Gottlieb, maître chimiste de la CIA et responsable de MK-ULTRA à partir de 1951.

Il avait non seulement le droit d'utiliser des prisonniers pour ses expériences aux Etats-Unis, mais aussi de capturer des civils pour ses expériences, jouissant du pouvoir équivalent à "un permis de tuer délivré par le gouvernement américain", selon M. Kinzer. Il "allait dans des pays étrangers et demandait à des agents du renseignement ou à la police militaire de lui procurer des prisonniers et pouvait procéder à des expérimentations sur ces hommes, jusqu'à leur mort s'il voulait".

Afin de "découvrir les limites de l'endurance humaine - comment tuer des gens, à quel moment meurent-ils, comment prendre le contrôle de leur corps et de leur esprits", Gottlieb et la CIA ont recruté des "médecins nazis ayant travaillé en camp de concentration et leurs homologues japonais", parmi lesquels le criminel de guerre Shiro Ishii, responsable d'une unité militaire de recherche bactériologique nommée Unité 731 qui s'est livrée à des vivisections "extrêmes et intenses" sur des humains à Harbin, dans le nord-est de la Chine.

Selon M. Kinzer, "Ishii voulait voir comment faire souffrir les gens et comment ils meurent suite à diverses tortures atroces. Il a donc demandé aux soldats japonais de capturer des gens dans la campagne" et de les emmener à l'Unité 731. "Aucun de ces captifs n'en est jamais sorti vivant", dit-il.

A la fin de la guerre, étant pourtant "l'un des criminels de guerre les plus effroyables", Shiro Ishii n'a jamais été poursuivi, relève l'écrivain et journaliste.

"Les Américains ont décidé : on va pas le pendre, on va l'embaucher", parce qu'il se sont intéressés à son trésor constitué de milliers de lamelles de microscope contenant des échantillons d'organes humains prélevés sur des personnes vivantes ou mortes lors de diverses expérimentations, raconte Stephen Kinzer.

Pour lui, Gottlieb et ses collègues de MK-ULTRA étaient sans aucun doute au courant des vivisections menées par Ishii, tout comme ils étaient conscients des crimes des médecins nazis.

Le projet MK-ULTRA "n'a jamais fait l'objet d'une enquête approfondie de la part du Sénat ou d'autres organes législatifs ou exécutifs. Il n'y a jamais eu d'enquête officielle sur la nature de MK-ULTRA ou sur ce que Sidney Gottlieb a fait", souligne M. Kinzer.

Selon lui, MK-ULTRA n'était que la partie émergée de l'iceberg par rapport à tout ce qui s'est passé à Fort Detrick et une analyse détaillée de Fort Detrick "serait fascinante".

Fort Detrick "est toujours le centre de toutes les recherches américaines sur la guerre biologique", ajoute-t-il en rappelant que la guerre biologique est "fortement limitée par les accords internationaux".

Les remarques de M. Kinzer interviennent sur fond de soutien croissant pour promouvoir une enquête sur les origines du SRAS-CoV-2 à l'échelle mondiale et d'opposition à la politisation de ce dossier.

Le 15 juillet, les ambassadeurs de 48 pays auprès de l'Office des Nations Unies à Genève ont adressé une lettre au directeur général de l'Organisation mondiale de la santé, Tedros Adhanom Ghebreyesus, dans laquelle ils ont souligné l'importance de la coopération sur la recherche de l'origine du virus SRAS-CoV-2, notant que cette recherche était "une question de science et devrait être menée dans le monde entier par des scientifiques".

Après l'apparition du nouveau coronavirus aux Etats-Unis, une pétition en ligne a été soumise l'année dernière sur le site internet de la Maison Blanche, demandant au gouvernement d'expliquer la véritable raison de la fermeture de l'Institut de recherche médicale sur les maladies infectieuses de l'armée de Terre, théâtre de plusieurs incidents par le passé, et de clarifier s'il y avait eu une fuite de virus à Fort Detrick.

"Si jamais les Etats-Unis voulaient développer une arme biologique, elle serait certainement fabriquée à Fort Detrick", estime Stephen Kinzer, car "c'est le seul endroit où elle pourrait être fabriquée, c'est là où tous les scientifiques et toutes les toxines se trouvent".

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Source: Agence de presse Xinhua
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