Le « commandement militaire de l’espace » de la France rend-il la militarisation de l’espace irréversible ?

Le président français Emmanuel Macron a annoncé le 13 juillet que la France allait créer un « commandement militaire de l’espace » en septembre et que l’armée de l’Air deviendra à terme « l’armée de l’Air et de l’Espace ». Avec cette décision, la France devient la deuxième puissance occidentale à déclarer sa volonté d’établir un commandement de l’espace et de développer une armée de l’Air et de l’Espace, juste après les Etats-Unis. Cela montre que la concurrence dans le domaine spatial sera de plus en plus vive à l’avenir.

Avec le développement des technologies spatiales, l’importance de l’espace a été globalement reconnue. Considéré comme le « quatrième territoire » après la mer, la terre et l’air, l’espace devient une nouvelle « arène » pour chaque pays. Suite à la compétition sans cesse accrue entre les grands pays, la question de la possibilité des conflits militaires à l’avenir dans l’espace est inévitable.

Bien que la Chine, la Russie et d’autres parties concernées aient appelé à plusieurs reprises à l’interdiction de la militarisation de l’espace pour assurer « une utilisation pacifique de l’espace » aux assemblées de l’ONU, au Comité des Nations unies pour l’utilisation pacifique de l’espace extra-atmosphérique (COPUOS), et à la Conférence du désarmement de l’ONU, il semble que la tendance actuelle à la militarisation de l’espace soit probablement irréversible.

Le gouvernement américain a exercé une influence négative sur la militarisation de l’espace. La capacité spatiale de premier rang des Etats-Unis leur permet d’avoir l’initiative dans la compétition entre grandes puissances. Mais Washington ne se contente pas d’être en tête, et recherche l’hégémonie, notamment après l’arrivée au pouvoir du président américain Donald Trump. 

M. Trump est obsédé par « America first » dans l’espace, et dès son accession à la présidence, il a affiché son intention de devenir le « père » de l’armée de l’Espace. Il a même proclamé à plusieurs reprises que la création d’une armée de l’Espace était indispensable. Il avait déclaré en mars 2018 que « l’espace est un champs de bataille, comme la terre, l’air et les océans. Nous avons besoin d’une force spatiale ». Le 18 juin 2018, M. Trump avait ordonné au Pentagone de créer une sixième branche de l’armée américaine, à savoir la « force spatiale ». Le 19 février 2019, il avait signé la quatrième directive spatiale de son mandat, qui met à l’ordre du jour l’organisation officielle de la force spatiale américaine.

Il est évident que M. Trump a montré le mauvais exemple, ce qui a conduit certains pays à prendre un « faux départ » devant la militarisation américaine de l’espace, certains pays se jetant bon gré mal gré dans la course aux armements dans l’espace. La France en est un exemple.

Lors de son discours du 13 juillet, M. Macron a indiqué que l’espace est un « véritable enjeu de sécurité nationale ». « Pour assurer le développement et le renforcement de nos capacités spatiales, un grand commandement de l'espace sera créé en septembre prochain » au sein de l'armée de l'Air qui « deviendra à terme l'armée de l'Air et de l'Espace », a déclaré le président français. Evidemment, cette décision peut être considérée comme la déclaration officielle de l’entrée de la France dans la compétition spatiale. Et suite à cette participation de la France à cette course, il est probable que de plus en plus de pays s’y jetteront, créant un cercle vicieux, et faisant de l’espoir de voir une « utilisation pacifique de l’espace » un objectif encore plus éloigné. 

Par ailleurs, l’établissement du commandement de l’espace montre dans un certain sens son « orgueil d’un grand pays ». Après la Seconde guerre mondiale, malgré sa puissance affaiblie et la baisse de son influence internationale, la France garde toujours son « orgueil » de grande puissance. Dans le domaine politique traditionnel, la France insiste toujours sur son influence en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En 2011, la France avait aidé à renverser le gouvernement de M. Kadhafi. Au cours des années suivantes, la France a été mêlée à des guerres civiles en Syrie et au Yémen.

Parallèlement, dans certains domaines non traditionnels, la France s’efforce aussi de gagner une position dominante. Lors du Forum sur la gouvernance de l’Internet (IGF) en novembre 2018, Emmanuel Macron avait prononcé un discours durant lequel il avait clairement déclaré son intention de relancer les négociations sur le code de conduite international sur l’Internet. Certains médias avaient estimé à l’époque que le but de la France pourrait être d’avoir le leadership dans la gouvernance de l’Internet dans l’Union Européenne, afin d’accroître le droit au chapitre en substance sur le plan international de l’UE sur ce sujet. Comme l’Internet, l’espace fait aussi quant à lui partie de la sphère de la haute technologie émergente. Le fait que la France prenne tôt ses marques dans l’espace signifie également qu’elle occupe une place de grande puissance non négligeable dans le concert des nations. 

En plus, l’établissement d’un commandement de l’espace en France montre que le pays va de plus en plus s’éloigner des Etats-Unis en matière de défense. De fait, en même temps qu’ils mettent l’accent sur le développement de leur force spatiale, les Etats-Unis n’ont jamais abandonné la stratégie d’alliances militaires spatiales avec les autres pays. Selon diverses sources, l’OTAN va formuler sa première stratégie spatiale afin d’affronter la puissance militaire non terrestre de la Russie et des autres pays qui ne cesse de se renforcer. 

En tant que leader de l’OTAN, les Etats-Unis avaient espéré qu’ils pourraient commander les forces spatiales de leurs alliés. Pourtant, en tant que promoteur de l’indépendance de la défense européenne, la France a ses propres considérations. La ministre française des Armées Florence Parly a rappelé toute l'importance stratégique du spatial militaire pour les armées. La décision de se doter d’un commandement de l’Espace et la création de la force spatiale montre également que la France ne veut absolument pas obéir au doigt et à l’œil aux Etats-Unis dans l’espace. 

(Texte traduit d’un commentaire en chinois de Lan Shunzheng, chercheur associé au think tank Yuanwang) 

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