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Elections au Parlement européen: les électeurs français sont plus rationnels et pragmatiques

French.china.org.cn | Mis à jour le 31. 05. 2019 | Mots clés : Elections,Parlement européen


Les élections législatives européennes ont eu lieu le 26 mai en France, et le Rassemblement national (RN) d'extrême droite a battu avec une courte avance le parti au pouvoir, La République en Marche (LREM) du président Macron. La particularité de cette élection est que les résultats restent essentiellement conformes à l’équilibre actuel des forces politiques. Bien que quelque peu frustré, M. Macron, élu président il y a plus de deux ans, reste au pouvoir et continuera à mettre en œuvre ses plans de réforme au cours de la seconde moitié de son quinquennat afin de se préparer à l'élection présidentielle de 2022. Le RN reste la principale menace pour la politique française. Si le populisme fait des émules en France, son influence reste limitée, et sa présidente, Marine Le Pen, a donc eu quelques scrupules et mis sous le boisseau ses propositions populistes. Elle est encore loin de réaliser son rêve d’accéder au pouvoir suprême lors de la présidentielle de 2022.

Les élections au Parlement européen ont lieu tous les cinq ans et les électeurs des pays membres de l'Union européenne votent directement pour leurs députés au Parlement européen. En France, l'élection du Parlement européen est l'une des cinq élections nationales (avec les élections présidentielles, les élections législatives, les élections régionales et les élections municipales). Les résultats des élections permettent de constater les forces et les faiblesses des principaux partis politiques en France. De plus, il est facile par comparaison d’observer l’évolution des attentes de la majorité des électeurs et des revendications politiques. Les résultats de cette élection au Parlement européen montrent également que les électeurs français sont devenus plus rationnels et pragmatiques.

Les électeurs ont une attitude rationnelle à l’égard du gouvernement de M. Macron

Avant ces élections parlementaires européennes, l'opinion publique était généralement convaincue que la présidence de M. Macron, qui fait face au mouvement de protestation des Gilets jaunes, serait « sévèrement sanctionnée » lors du scrutin. La sanction n’a cependant pas été sévère. Le parti de M. Macron, LREM, a recueilli 22,4 % des suffrages, ce qui est inférieur aux 23,3 % du RN, à seulement 0,9 points d’écart, les mettant tous deux presque à égalité. Comme le dit un conseiller présidentiel, on peut considérer ce résultat comme « acceptable ».

Il faut dire que ce résultat « acceptable » n’a pas été facile à obtenir. Depuis novembre dernier, le gouvernement français connaît une tempête rarement vue dans l’histoire, celle des Gilets jaunes, conduisant M. Macron à prendre rapidement des mesures pour y remédier avec le « Grand débat national » afin « de transformer la colère en solution ». Bien que cette initiative ait suscité des doutes auprès de l'opinion publique, elle a généralement eu des effets positifs. Le premier a été de retirer les bûches de dessous le chaudron du mouvement des Gilets jaunes en faisant baisser la pression de l’explosion sociale. Ensuite, M. Macron a écouté directement et largement les opinions de la base (et pas seulement celles des représentants élus) et ouvert des canaux pour le discours démocratique en dehors du vote et des élections. Enfin, M. Macron a également préparé les élections au Parlement européen par le biais du Grand débat national, affirmant clairement qu'il s'agissait d'une nouvelle campagne importante après sa participation à l'élection présidentielle de 2017.

Cette initiative créative et réformatrice de M. Macron a largement bénéficié de la reconnaissance des électeurs. Bien que le public comprenne les revendications des Gilets jaunes, il lui a été difficile de tolérer les nombreux problèmes sociaux causés par ce mouvement prolongé, en particulier les violents incidents émaillés de destructions et perpétrés tous les samedis à Paris et dans d’autres villes, ce qui a préoccupé les gens. Le Grand débat national de M. Macron a par conséquent mobilisé d’une manière unique un grand nombre de participants. Ce processus démocratique a récolté à la fois compréhension et soutien. Lors de cette élection, la population a continué d’apporter ses voix au parti au pouvoir (comme au premier tour de l'élection présidentielle): cela témoigne de la reconnaissance dont bénéficie la mise en œuvre des réformes effectuées au cours des deux années de la présidence de M. Macron et du soutien apporté à la réponse d'urgence aux grandes crises sociales. On peut voir que les électeurs qui avaient l'habitude par le passé de faire un vote de sanction deviennent maintenant rationnels et pragmatiques.

Les citoyens français font fermement barrage aux forces d'extrême droite

L'extrême droite française, représentée par Marine Le Pen, est une force politique populaire depuis ces dernières années: lors des élections au Parlement européen de 2014, le Front national qu’elle dirigeait avait remporté 25,5 % des voix, ce qui en faisait le premier parti de France. Cette victoire décisive aurait pu lui fournir l’élan nécessaire pour remporter la présidentielle de 2017, mais les électeurs française en ont décidé autrement. Au deuxième tour, 66 % des électeurs ont voté pour le jeune centriste Emmanuel Macron. Cela montre qu’ils sont lucides au moment crucial: lors des deux élections présidentielles de 2002 et 2017, les électeurs se sont pleinement mobilisés et ont voté contre le parti d'extrême droite prônant le racisme et s'opposant à l'intégration européenne. Au cours de ces dernières années, Marine Le Pen a apporté des modifications importantes à sa stratégie et à sa politique pour les élections: elle a rebaptisé le Front national en Rassemblement national et abandonné les revendications anti-Union européenne et anti-euro. Elle veut au contraire « réformer l'Union européenne ». Par ce genre de position modérée, elle a tenté d’obtenir davantage de soutien. Le mouvement des Gilets jaunes lui a également donné une occasion. L’opinion publique était généralement convaincue que le RN était susceptible d’effectuer une autre percée au Parlement européen. Cependant, à en juger par les résultats du vote, et même avec la victoire du RN, le fossé par rapport aux attentes reste large et on ne peut parler que de « petite victoire ». Cela montre que le populisme représenté par le Rn a un impact limité sur les Français et que la population garde toujours une vigilance politique vis-à-vis de Marine Le Pen. On peut dire que la plus grande garantie pour faire barrage aux forces d'extrême droite reste le peuple français.

La « France insoumise » inspire les gens, mais ne fait pas recette auprès des électeurs

Lors de ces élections législatives européennes, il y a eu deux petits « imprévus »: la défaite de la « France insoumise » qui avait pourtant le vent en poupe, et la victoire de la liste Europe Ecologie-Les Verts (EELV), qui se classe au troisième rang. La « France insoumise » est un parti radical de gauche séparé du Parti socialiste et fondé par Jean-Luc Mélenchon, un tribun de la politique. Il avait fait sensation lors de l'élection présidentielle de 2017 avec 19,58 % des voix au premier tour, entrant dans le carré des grands partis. Lors de cette élection, M. Mélenchon a tenté d'utiliser le mouvement des Gilets jaunes pour élargir la base de son électorat. La « France insoumise » n'a cependant recueilli que 6,3 % des suffrages. En deux ans, son parti est passé de 19,58 % à 6,3 %, une fluctuation substantielle qui reflète l’extrême l’instabilité de sa base politique et du corps électoral. Par ailleurs, EELV, allié du Parti socialiste, a réalisé 13,47 % des voix, contre 8,7 % lors des dernières élections en 2014. Certains analystes estiment que l'appel lancé par les Verts en faveur de la protection de l'environnement a attiré de nombreux jeunes électeurs, qui accordent plus d'attention à la résolution de problèmes concrets tels que la protection de l'environnement, plutôt qu’aux âpres discussions politiques.

M. Mélenchon est un orateur qui sait inspirer son auditoire et ses propositions ont un certain parfum de populisme. Il a maintes fois organisé des manifestations sans précédent à Paris et ailleurs, et dénoncé avec éloquence toutes sortes de mauvaises pratiques au sein de la société française, proposant de renverser le système en place pour instaurer la « Sixième République ». Ces discours radicaux ont attiré de nombreux électeurs, en particulier des jeunes, ce qui explique pourquoi il a été un temps soutenu à hauteur de 19,58 %. Cependant, les électeurs français sont rationnels, et les discours creux ne peuvent fournir de résolution aux contradictions économiques et sociales et contribuer à l’amélioration du niveau de vie. Les électeurs se sont donc détournés de la « France insoumise » au profit des Verts, qui préconisent la résolution des problèmes environnementaux et écologiques actuels. En passant de M. Mélenchon aux Verts, les électeurs ont adopté une attitude plus pragmatique à l’égard de la politique nationale.

Les élections au Parlement européen se sont déroulées dans un contexte de turbulences constantes en Europe, et les conditions nationales étant différentes selon les pays, l’impact du résultat des élections sur la situation politique sera également différent. La France est une république politiquement mûre, et les Français font preuve de détermination politique. Les résultats de cette élection sont relativement stables, reflétant la rationalité et le pragmatisme des électeurs français. Cela donne une assise à la France pour que le pays continue à jouer un rôle moteur dans le processus d'intégration européenne et un rôle de puissance majeure dans l'Union européenne.


(par Shen Xiaoquan, chercheur au Centre de recherche mondial des questions contemporaines mondiales de l'Agence de presse Xinhua)

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