Destin partagé ou mentalité paléolithique? (COMMENTAIRE)

Les agents provocateurs de l'extrême droite américaine font leur miel des tensions commerciales avec la Chine, cherchant à freiner le développement de cette dernière.

Stephen Bannon, ancien stratège en chef de la Maison Blanche, a écrit un éditorial paru dans le Washington Post dans lequel il prétend que les Etats-Unis et la Chine sont engagés dans une guerre commerciale où aucune marge de manœuvre n'est possible.

Usant de la rhétorique musclée dont il est coutumier, M. Bannon désigne la Chine comme la plus grande menace économique et sécuritaire à laquelle les Etats-Unis aient jamais eu à faire face. Des mots qui font écho à des croyances exprimées auparavant selon lesquelles le pays asiatique serait en train d'affaiblir les Etats-Unis pour finir par les vaincre, comme si les deux nations étaient engagées dans un duel.

Suite à la publication de cet éditorial, le Washington Post a dû faire face à une réaction virulente de lecteurs, beaucoup se demandant bien pourquoi le journal avait pu offrir une tribune à ce hérault de l'extrême droite.

Une telle rhétorique est alarmante en soi, d'autant plus qu'elle a déjà réussi à cheminer dans les esprits jusqu'à la Maison Blanche, comme le prouvent les droits de douane punitifs qui frappent les biens chinois ou les mesures visant à empêcher les activités commerciales de la compagnie de télécommunications Huawei.

M. Bannon et les autres nationalistes d'extrême droite du même poil à Washington croient qu'une Chine en plein essor signifie une Amérique plus faible. Ce qu'ils n'arrivent pas à comprendre, c'est que la compétition est la clé d'une relation durable et bénéfique pour les deux pays.

Pour Zheng Yongnian, directeur de l'Institut d'Asie de l'Est à l'Université nationale de Singapour, cette compétition est inévitable. Les Etats-Unis comme la Chine devraient opter pour la compétition dans certains domaines, ce qui finira inévitablement par mener à la coopération.

Comme l'histoire le rappelle, les guerres commerciales ne sont dans l'intérêt de personne, car aucun ne les gagne. Une étude publiée par des économistes américains démontre que les nouveaux droits de douane imposés par l'administration Trump ont coûté l'an dernier 4,4 milliards de dollars par mois aux consommateurs et importateurs américains.

Les guerres commerciales ne nuisent pas uniquement aux intérêts des Etats-Unis ou de la Chine, mais à ceux du monde entier, à une époque où les pays sont de plus en plus interconnectés ou, comme le dit la Chine, partagent une communauté de destin, a poursuivi M. Zheng.

Au cours de ces 40 dernières années, des affirmations irrationnelles sur les relations sino-américaines se sont souvent faites entendre. Mais in fine, la rationalité l'a emporté.

Il est indéniable que les relations entre Washington et Beijing sont de nature complexe. Mais ainsi que l'histoire l'a démontré, les deux plus grandes économies mondiales ont tout à gagner à coopérer l'une avec l'autre.

Imaginant une relation sino-américaine mêlant engagement, compétition, rivalité et coopération, le diplomate américain chevronné Charles W. Freeman Jr. a dit que les deux pays devraient faire montre de la maturité nécessaire pour gérer cette complexité. Alors seulement la relation entre les deux pays sera en mesure de s'épanouir.