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France-Chine : inventons ensemble le multilatéralisme du XXIe siècle

French.china.org.cn | Mis à jour le 27. 03. 2019 | Mots clés : JEAN-PIERRE RAFFARIN, multilatéralisme, France-Chine


Le 17 septembre 2018, le 3e Forum culturel sino-français se tient à Xi’an sur le thème « La Ceinture et la Route : l’enrichissement mutuel et l’innovation des civilisations ».

 

Depuis la vision historique du général de Gaulle en 1964, 55 ans d’amitié ont marqué les relations franco-chinoises. Nous célébrerons cet anniversaire le 6 mars à Paris. Le président français avait mesuré que le peuple chinois était un grand peuple. Malgré les cicatrices de l’histoire, un grand peuple sait retrouver sa place à la table des grandes nations. De Gaulle avait anticipé « la renaissance chinoise ». En 55 ans, tous les présidents français, de Giscard à Chirac, de Mitterrand à Macron, tous, ont suivi la même politique que l’on pourrait résumer par « plus d’échanges pour plus de confiance ». Ainsi les domaines de coopération ont été très larges, nucléaire, aéronautique, automobile, villes durables, énergie, santé, agriculture, etc. Sur les grands dossiers du monde la confiance puis l’amitié se sont affirmées pour caractériser nos relations.

 

Comment leurs relations peuvent-elles évoluer dans l’avenir ?

 

L’année 2019 sera particulièrement stratégique parce que les deux chefs d’État feront d’importantes visites, chacun dans le pays de l’autre et de nombreuses occasions de dialogue sont programmées. Ces rencontres de haut niveau sont très utiles mais, aujourd’hui, dans un monde turbulent et sous tensions, l’imprévisibilité américaine les rend encore davantage nécessaires.

 

Observons la situation de notre coopération aujourd’hui. Notre relation est caractérisée par « les trois cercles ».

 

Le premier cercle est celui qui englobe nos systèmes sociétaux, c’est-à-dire « le vivre ensemble » de chacun de nos pays. C’est le cercle où il y a le plus de divergences politiques et sociales.

 

Nos systèmes sont différents et n’ont pas vocation à se ressembler. Les autorités chinoises ont rappelé leur attachement au « socialisme à la chinoise ». Elles confirment aussi la doctrine du leadership du Parti. La nécessité collective doit s’imposer. Dans ses livres, le président Xi Jinping a clairement annoncé les objectifs et les échéances fixés pour la nation chinoise. Ainsi la Chine est devenue dans ce monde complexe l’un des pays les plus prévisibles.

 

La France au sein de l’Union européenne s’affiche comme l’un des pays les plus attachés au modèle démocratique européen et à son système de valeurs. En Europe l’individualisme résiste au collectif.

 

Ceux, qui avaient pensé que la politique de réforme et d’ouverture conduirait la Chine sur les chemins de l’Occident, se sont trompés. Ainsi se juxtaposent deux modèles de modernité fondés sur des options différentes.

 

Dans cette diversité, la seule bonne coopération est celle construite sur le respect réciproque, la connaissance des systèmes culturels et le dialogue franc, direct par des canaux validés.


Le second cercle est celui de la vision du monde. Là nos positions sont voisines. Nous sommes favorables à un équilibre multipolaire du monde, le multilatéralisme est notre chemin de paix et l’avenir de la planète est notre préoccupation commune. Dans la période récente nous avons pu mesurer l’importance des choix de la Chine notamment par le soutien concret à l’Euro, lors de notre crise de la dette ou à l’occasion de l’Accord de Paris pour le climat. On peut aussi rappeler les attitudes positives de la Chine pour les organisations internationales telles que l’ONU ou l’UNESCO. L’objectif de « Communauté de destin pour l’humanité » peut rassembler.


Un grand chantier d’avenir pour notre coopération politique peut être le nouvel élan qu’il faut donner au multilatéralisme. Il est clair qu’il faut le réformer mais pas l’abandonner. Les règles qui gèrent nos relations internationales ont été établies par l’Occident à une période où ni l’Afrique, ni l’Asie n’occupaient les places qu’elles occupent aujourd’hui et occuperont demain. La France et la Chine peuvent contribuer, ensemble, à inventer le multilatéralisme du XXIe siècle.


Le troisième cercle est le marché. Le marché chinois est le moteur de la croissance mondiale. Ceux qui veulent faire la guerre commerciale à la Chine, à moyen terme, s’affaibliront eux-mêmes en se privant de l’oxygène nécessaire à leur propre respiration. Un grand industriel français disait récemment, à l’occasion de la première édition de l’Exposition internationale d’importation de Chine à Shanghai, « pour nous le marché chinois est impératif. On ne peut être mondial aujourd’hui si on n’est pas fort en Chine ». Les entreprises françaises sont nombreuses à être heureuses de leur coopération avec la Chine. Jean-Paul Agon, président de l’Oréal, était à la foire de Shanghai aux premières loges. Bien sûr il nous faut en permanence discuter de nos pratiques commerciales pour équilibrer cette double exigence que chacun assume : ouverture et souveraineté.


L’initiative « la Ceinture et la Route » peut permettre ce travail en commun pour rechercher l’équilibre des échanges et valoriser les projets et les entreprises de chacun. La Chine a dans la récente période multiplié les initiatives internationales pour affirmer une stratégie générale de coopération. Cette puissance inquiète souvent l’Ouest. Après avoir cherché, la France semble avoir trouvé sa place. L’accord entre les deux ministres des Affaires étrangères Wang Yi et J-Y Le Drian est une bonne piste d’avenir pour promouvoir une coopération par projets, notamment des projets communs en pays tiers, particulièrement en Afrique. Les réponses de l’Europe à l’initiative « la Ceinture et la Route » doivent être proactives. La chaise vide est rarement une stratégie constructive. C’est pourquoi le président français, à Xi’an, a annoncé officiellement la participation française à la construction dans le cadre de l’initiative, ajoutant « dans les deux sens », ce qui en chinois veut dire « gagnant-gagnant ».


Au total on peut être optimiste quant à l’avenir de la relation franco-chinoise car l’analyse des trois cercles nous montre que les espaces de coopération dominent le champ de nos intérêts. Enfin n’oublions jamais, quand nous parlons des partenariats sino-français, la place immense du dialogue culturel. Nos deux vieilles civilisations se respectent et s’admirent réciproquement. Le 4e grand Forum culturel franco-chinois en sera à nouveau une preuve vivante à Nice, en octobre de cette année, après Xi’an en 2018. La culture transforme la confiance en amitié


*Par JEAN-PIERRE RAFFARIN, ancien premier ministre français, représentant spécial pour la Chine, président de la Fondation prospective et innovation, président de l’ONG international « Leaders for Peace ».


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Source:La Chine au Présent