France: le grand débat national marque un tournant dans le quinquennat Macron

Par : Vivienne |  Mots clés : France-grand débat
French.china.org.cn | Mis à jour le 31-01-2019

Quelle que soit son issue, le grand débat national initié par le Président français en réponse à la crise des "gilets jaunes", "une démarche au caractère totalement inédit", "marque un tournant dans le quinquennat Macron", estime dans une interview accordée à Xinhua Jean Garrigues, professeur d'histoire contemporaine à l'Université d'Orléans .

"Il n'y a jamais eu de consultation de ce type à une échelle aussi large, c'est vraiment une première", relève Jean Garrigues. "La dernière en date, c'est 1788, un an avant la Révolution française. Cela donne un caractère totalement inédit à la situation", ajoute-t-il. Quelle que soit son issue, "le grand débat national marque un tournant dans le quinquennat Macron", estime-t-il.

"Alors qu'en France, nous vivions un divorce qui se creusait entre la politique et le peuple, cette consultation montre la volonté de transformer en profondeur la démocratie en introduisant plus de participation. C'est la première étape du processus", considère l'historien.

"La taxe carburant, qui a déclenché la colère l'automne dernier, fait dans une certaine mesure écho à ces émotions totalement imprévisibles. Elles n'avaient pas forcément de leader, venaient de la base, et étaient provoquées par des mesures d'alourdissement fiscal", souligne le professeur.

"Les mouvements sociaux contemporains, depuis une centaine d'années, ont été beaucoup plus canalisés par des organisations syndicales et politiques. Ils répondaient à des mots d'ordre précis", souligne le président du Comité d'histoire parlementaire et politique.

"Quant à mai 68, c'est d'abord un mouvement étudiant qui ne concerne qu'une frange étroite de la population française sur la base de revendications générationnelles et qui va ensuite déboucher sur une phase sociale portée par les syndicats", rappelle Jean Garrigues.

"La profonde crise de confiance des Français envers leur classe politique, mais d'une façon plus générale envers tous les pouvoirs remonte à plusieurs décennies. Le Président Chirac parlait déjà de la 'fracture sociale'", rappelle-t-il.

"Emmanuel Macron a suscité beaucoup de désillusions. Après une campagne sous le signe des 'marcheurs' chargés de collecter les revendications des Français et les promesses d'un 'nouveau monde', sa méthode a laissé la place à une présidence beaucoup plus verticale qui a été très mal perçue", poursuit-t-il.

"Le Président français, contraint de lancer le grand débat national, renoue avec la méthode qu'il a employée pour monter son programme de campagne et son mouvement. Les idées sont produites par le peuple, tout comme à l'époque de la Révolution. En soi, cela va dans le bon sens car cela élargit le champ de la démocratie et répond à une revendication centrale d'horizontalité des 'gilets jaunes'", estime l'historien.

"Mais la méthodologie de la consultation suscite de nombreuses critiques, certains dénonçant un 'enfumage', jugeant le débat trop encadré par deux ministres et orienté par le pouvoir", poursuit-il.

"D'autre part, l'expérience de la démocratie participative à l'échelle locale montre que ce sont souvent les mêmes qui participent, alors que les jeunes et les classes populaires notamment ne s'y associent pas du tout", souligne-t-il.

"Enfin, si les résultats ne sont pas au rendez-vous et ne répondent pas aux aspirations à une société plus égalitaire, la crise risque d'être encore plus grave", relève-t-il. "L'enjeu central est de parvenir à une forme de co-production démocratique. Je pense qu'il faudra sans doute qu'un référendum soit organisé sur des questions multiples pour valider cette consultation ; ce qui serait une grande première", estime Jean Garrigues.

Interrogé sur son pronostic, l'historien se déclare "plus pessimiste qu'optimiste", soulignant que la marge de manœuvre du Président français est très étroite. "Si Emmanuel Macron garde son cap, il montre sa cohérence mais fait beaucoup de mécontents. S'il infléchit sa position dans le sens des revendications, il prend le risque de ne pas pouvoir mener à bien sa politique", conclut-il.

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Source: Agence de presse Xinhua
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