A l’occasion de la troisième Table ronde de Chine organisée par le centre de réflexion de China.org.cn (think.china.com.cn) sur le thème « Opportunités et défis de l’Asie du Nord-Est », cinq experts ont analysé la décision de Donald Trump d’annuler sa rencontre prévue le 12 juin avec Kim Jong-un. Les experts invités étaient: Liu Jiangyong, professeur au département des relations internationales contemporaines de l’Université Tsinghua;  Zhao Kejin, directeur adjoint de l’Ecole des sciences sociales de l’Université Tsinghua; Wang Junsheng, directeur du département de stratégie diplomatique de l’Institut de recherche stratégique sur l’Asie-Pacifique et le monde, relevant de l'Académie chinoise des sciences sociales; Li Yonghui, directeur adjoint du département russe de l’Institut d’études sur la Russie, l’Europe orientale et l’Asie centrale et Hu Biliang, directeur de l’Ecole des marchés émergents de l’Université normale de Beijing.

Zhao Kejin: « Trump pourrait tout aussi bien décider de rencontrer Kim Jong-un que de ne pas le rencontrer »

Si l’on prend en compte la personnalité Donald Trump, il y a dans sa volonté de rencontrer Kim Jong-un un fort désir de prouver qu’il est capable de réussir là où ses prédécesseurs Bill Clinton, Barack Obama et George W. Bush ont échoué, en résolvant la question nucléaire de la République populaire démocratique de Corée. Maintenant que la Corée du Nord a démantelé son site d’essais nucléaires à Punggye-ri et que Kim Jong-un a accepté une rencontre, il pense avoir déjà résolu une partie du problème.

Cependant, les voix qui s’élèvent actuellement à Washington contre la Corée du Nord sont très fortes,les partisans de la ligne dure et les faucons néoconservateurs s’opposent à cette rencontre. Donald Trump sait qu’il sera difficile de serrer la main de Kim Jong-un, il est évident qu’il y a des obstacles et des hésitations.

Trump pense qu’il est préférable d’annuler cette rencontre si elle est peu susceptible d’aboutir à des résultats, c'est sa mentalité d'homme d'affaires.

D’un côté, il y a les inquiétudes face à l’opposition des partisans de la ligne dure et les faucons qui préconisent le conflit, ainsi que sur l’issue incertaine du sommet; de l’autre, le désir de Donald Trump de prouver qu’il peut réussir là où les autres ont échoué. Dans ce dilemme, Trump pourrait tout aussi bien décider de rencontrer Kim Jong-un que de ne pas le rencontrer.

Liu Jiangyong: « Trump craint de perdre la domination absolue »

Le conseiller américain à la sécurité nationale John Bolton a exprimé le souhait que la RPDC abandonne son programme nucléaire conformément au modèle libyen, or nous connaissons tous le sort de la Libye. Après une guerre civile, la Libye a subi des frappes militaires, et son dirigeant Mouammar Kadhafi a été tué. Cette évocation du modèle libyen était donc une provocation. Lors d’une conférence de presse à la Maison-Blanche, Trump a ouvertement réfuté les propos de son conseiller à la sécurité, et a pris un engagement public sur la sécurité personnelle de Kim Jong-un, en assurant que son pays ne subira pas le sort de la Libye sous le régime de Kadhafi, « à moins qu’un accord ne puisse être conclu ». Le vice-président Mike Pence a à son tour mentionné le modèle libyen, en disant que « s’il est impossible de parvenir à un accord », la Corée du Nord connaîtra probablement par un sort similaire à ce pays. L'incohérence des opinions exprimées aux Etats-Unissert en partie à faire pression sur la Corée du Nord, mais cela suscite aussi des remous sur le statut de la présidence Trump.

Donald Trump a annulé le sommet en partie en raison de facteurs internes, mais aussi d’éléments externes. Sur ce dossier, les Etats-Unis veulent depuis le début exercer une domination absolue, comme on l’a vu avec la sélection du lieu du sommet. Les Etats-Unisne cherchaient pas à choisir Singapour en particulier, ils ont voulu empêcher la Corée du Sud de prendre l’avantage, car ils se sont mis à craindre de perdre leur place dominante.

Wang Junsheng: « Si son objectif ne peut être atteint, Trump préfère annuler la rencontre »

L'objectif de l'administration Trump est clair: la Corée du Nord doit être complètement dénucléarisée à court terme. Il y a trois termes clés dans cet objectif: à court terme, de manière substantielle, et une dénucléarisation complète.

Si Donald Trump a annulé le sommet, c’est simplement parce qu'il ne peut pas atteindre son objectif. Je pense que la question la plus importante n’est pas de savoir si le prix Nobel de la paix peut ou non lui être attribué; ce qui intéresse véritablement Donald Trump, c’est de parvenir à une dénucléarisation complète à court terme, et cette politique n'a pas changé depuis l'année dernière.