La décision de Donald Trump sur Jérusalem est dangereuse

La vieille ville de Jérusalem, le 6 décembre 2013.

Cette décision a suscité un débat sur ce que les Etats-Unis pourraient avoir à gagner d'une décision sur laquelle les dirigeants de nombreux pays, y compris les alliés de Washington au Moyen-Orient, ont exprimé leurs mises en garde, et qui pourrait mener à des manifestations et à des éruptions de violence. Trois experts partagent leurs points de vue sur la question.

L'accent devrait être mis sur une solution de fin des conflits

Pendant la guerre froide, la Palestine a reçu beaucoup de soutien dans sa lutte contre Israël. Ce soutien s’est progressivement réduit après la fin de la guerre froide, et le conflit israélo-palestinien est aujourd’hui presque marginalisé au milieu de problèmes plus urgents au Moyen-Orient. En conséquence, le peuple palestinien se sent impuissant et encore plus désespéré. Toutes les conditions sont réunies pour que la haine et l'extrémisme augmentent.

Le fait que le Hamas, qui préconise apparemment la violence pour régler le conflit israélo-palestinien, ait acquis une immense popularité en Palestine montre le niveau de désespoir des Palestiniens. Lorsque Jérusalem aura obtenu son nouveau statut, ils risquent de tomber dans un désespoir encore plus grand, et certains d'entre eux pourraient rejoindre les groupes terroristes visant à attaquer des cibles américaines.

Jérusalem est une ville sainte pour les Juifs, les Chrétiens et les Musulmans, et aucun d'entre eux n'abandonnera ses revendications sur cette terre. La reconnaissance officielle de Jérusalem comme territoire israélien ou palestinien est la question la plus sensible du processus de paix au Moyen-Orient.

Certains ont dit que Donald Trump a été soutenu par des groupes d’intérêt juifs dans sa course à la présidence américaine et pourrait donc adopter une position pro-israélienne. En déclarant Jérusalem capitale d'Israël, il pourrait inciter malgré lui les gens à enquêter davantage sur les raisons de cette décision.

Au lieu de se concentrer sur Jérusalem, les dirigeants mondiaux, y compris en Israël et Palestine, devraient faire davantage d'efforts pour mettre fin au conflit israélo-palestinien par des négociations pacifiques.

Zhao Guangcheng, professeur agrégé à l'Institut des études sur le Moyen-Orient à l’Université du nord-ouest de la Chine

Une décision qui risque d’inciter plus de jeunes à rejoindre les rangs des terroristes

En reconnaissant Jérusalem comme capitale d'Israël et en décidant d’y déplacer l'ambassade américaine, Donald Trump s’inscrit en rupture avec la politique présidentielle des Etats-Unis jusqu’ici. Le Congrès américain a adopté la loi de déplacement de l'ambassade vers Jérusalem en 1995, mais a donné aux présidents le pouvoir de retarder sa mise en œuvre. Depuis, tous les présidents ont signé des dérogations de six mois pour différer le déménagement, et ce pour de bonnes raisons.

Les fissures de plus en plus grandes entre les pays du Moyen-Orient pourraient avoir incité Trump à croire qu’il s’agissait du bon moment pour reconnaître Jérusalem comme « le siège du gouvernement israélien » et de tenir la promesse qu'il avait faite à ses électeurs pendant la campagne électorale. En dépit de leurs différends, les puissances du Moyen-Orient ont maintenu la question palestinienne au centre des affaires régionales. Toutefois, les enchevêtrements géopolitiques des dernières années ont fini par marginaliser la question israélo-palestinienne. Le fait que l'Arabie saoudite ait cherché à obtenir la coopération d'Israël contre l'Iran a pu amener Washington à supposer que, même offensés par la décision des Etats-Unis, les dirigeants musulmans pourraient ne pas se montrer solidaires dans l’opposition.

Israël considère Jérusalem comme sa « capitale indivisible », tandis que la communauté internationale considère Jérusalem-Est comme un territoire occupé. La décision de Trump de soutenir la « revendication souveraine » d'Israël sur Jérusalem pourrait faire fulminer le monde musulman et de nombreux autres pays et pousser les Palestiniens vers l'extrémisme, ce qui pourrait avoir des conséquences graves pour Washington.

Li Weijian, chercheur en politique étrangère aux Instituts d'études internationales de Shanghai

La Palestine pourrait se retrouver impuissante

De nombreux experts s'inquiètent que la décision de Donald Trump puisse nuire au processus de paix au Moyen-Orient. Mais il pourrait y avoir une raison derrière son annonce. En tant que président, il doit défendre les intérêts américains, et perturber le processus de paix israélo-palestinien n’y contribue pas.

Ses démarches antérieures, y compris la menace de fermer le bureau palestinien à Washington, montrent que Donald Trump pourrait vouloir qu'Israël et la Palestine parviennent à un accord de paix le plus tôt possible en mettant plus de pression sur les Palestiniens. Bien sûr, la fin ne peut pas justifier les moyens, et la décision pourrait freiner le processus de paix israélo-palestinien au lieu de le propulser. Puisque Jérusalem est une ville sacrée non seulement pour les Palestiniens, mais aussi pour tous les musulmans, elle pourrait susciter des réactions, peut-être violentes, dans toutes les parties du monde.

Aujourd’hui pourtant, la Palestine ne recevra peut-être pas le soutien adéquat du monde musulman, parce que Trump a choisi une période assez critique pour son annonce. Comme le montrent les conflits diplomatiques entre le Qatar et plusieurs Etats arabes, les pays de la région sont aux prises avec des conflits internes. En outre, ils ont besoin de l'appui des Etats-Unis pour garder l'Iran sous contrôle, car le pays a désormais une grande influence sur les

affaires du Moyen-Orient grâce à son rôle de premier plan dans la guerre contre l'Etat islamique. La Palestine pourrait cette fois-ci se trouver impuissante.

Yin Gang, chercheur en études sur le Moyen-Orient à l'Académie chinoise des sciences sociales