"Le prochain objectif d'Emmanuel Macron est de fissurer la droite", estime un politologue (INTERVIEW)

Par : Lisa |  Mots clés : France, politique, Interview
French.china.org.cn | Mis à jour le 16-05-2017

Le choix d'un Premier ministre issu des rangs de la droite s'inscrit clairement dans la volonté du nouveau chef de l'Etat français de diviser Les Républicains afin de mener à bien la recomposition du paysage politique qu'il a entamée avec son mouvement En Marche!, estime le chercheur Thomas Vitiello qui a piloté à Sciences Po le projet "La Boussole présidentielle 2017".

"Pour un question d'équilibre politique, le président Macron devait forcément choisir un Premier ministre du centre-droit", a-t-il estimé dans un entretien à Xinhua au lendemain de la nomination à Matignon d'Edouard Philippe, membre de LR.

Le secrétaire général du parti La République en marche (LRM) est Richard Ferrand, "un homme qui a été encarté au Parti socialiste pendant près de 27 ans. D'autres personnalités de premier plan de LRM, comme le maire de Lyon, Gérard Collomb, sont issus de la gauche", rappelle le chercheur de Sciences Po Paris, qui n'a pas été étonné par la désignation de M. Philippe.

"La nomination d'un homme de droite à Matignon n'est pas une surprise. C'est un choix de fond. Emmanuel Macron a fait ce qu'il a dit", a d'ailleurs déclaré mardi au micro de France Inter Richard Ferrand, jugeant que le profil du nouveau Premier ministre correspondait au désir de recomposition politique exprimé par les Français. Une analyse que partage globalement Thomas Vitiello.

"Emmanuel Macron a choisi quelqu'un qui, comme lui, a un profil atypique au sein de sa famille politique d'origine puisqu'il a commencé à militer au PS. A 46 ans, il est d'autre part l'un des Premiers ministres les plus jeunes de la Ve République. Et, comme le président, il cultive une certaine transgression. Il fait ainsi partie des rares députés UMP à s'être abstenus sur la loi sur le mariage pour tous. En 2015, à l'inverse de la quasi-totalité de son groupe à l'Assemblée, il a voté contre la loi renseignement", relève le politologue.

Edouard Philippe avait en effet déclaré en 2013, alors que la droite se crispait sur des questions sociétales: "Soyons clairs : nous pensons qu'un enfant peut être élevé, et bien élevé, par un couple homosexuel". Concernant la loi sur le renseignement, il s'était par ailleurs alarmé "des questions graves en matière de libertés individuelles" qu'elle posait selon lui.

"Le nouveau Premier ministre reste cependant issu du sérail. C'est un énarque comme le président. Ce choix traduit surtout la volonté de changement des pratiques et des méthodes de gouvernement. Mais cela reste à confirmer. Le renouvellement de la classe politique annoncé par Emmanuel Macron sera à examiner à la lecture de la liste définitive des candidats de LRM aux législatives", estime le chercheur.

L'arrivée d'Edouard Philippe à Matignon doit d'abord se comprendre d'un point de vue de "stratégie politique et idéologique", insiste Thomas Vitiello. "On peut considérer que le PS, sorti laminé du premier tour de la présidentielle, a déjà explosé. Le prochain objectif d'Emmanuel Macron vise à fissurer Les Républicains".

Un certain nombre de personnalités comme Bruno Le Maire et Jean-Pierre Raffarin ont déjà ouvert la voie, même si la direction du parti, jusqu'ici, fait bloc", note le politologue.

"LRM essaie de démarcher, a noué beaucoup de contacts dans les rangs d'Alain Juppé, dont Edouard Philippe était le porte-parole pendant les primaires de la droite. Dans les circonscriptions où se présentent des figures importantes de la droite, LRM n'aligne pas de candidats. C'est un signe clair", souligne-t-il.

Lundi soir, 22 élus LR mais aussi UDI (centre) ont d'ailleurs publié un communiqué de presse qui exhorte leurs formations politiques à "répondre à la main tendue". Cette nomination "représente un acte politique de portée considérable" et "la droite et le centre doivent prendre la mesure de la transformation politique qui s'opère sous leurs yeux", plaident ces élus, dont Benoist Apparu, Thierry Solère, Fabienne Keller, mais aussi Gérald Darmanin ou encore Christian Estrosi. Nathalie Kosciusko-Morizet a, dans la soirée, appelé à rejoindre ce mouvement.

"Dans cette phase de recomposition intense et profonde de la scène politique, l'explosion des Républicains n'est pas à exclure. LR ne devrait pas sous-estimer ce qui est en train de se passer", considère le chercheur.

"La droite au pied du mur", titrait d'ailleurs, dans son édito, mardi, le journal conservateur Le Figaro. "En nommant Edouard Philippe à Matignon, le président Macron a lancé le grand bouleversement de la scène politique française. Une partie de la droite s'en offusque, parle de débauchage et crie à la manœuvre politicienne destinée à dynamiter les Républicains", écrit le quotidien.

Et de poursuivre: "Certes, tous ces arguments sont recevables et chacun comprend bien l'avantage politique qu'entend retirer Emmanuel Macron de cette historique main tendue au camp d'en face. Cependant, les Républicains doivent-ils se contenter de s'indigner? Non, car après cette présidentielle rocambolesque, un autre scrutin s'annonce à l'horizon de quatre semaines. Ce sera -déjà- le tournant du quinquennat".

Le scrutin des 11 et 18 juin sera indéniablement crucial. Dans le contexte inédit provoqué par l'élection d'Emmanuel Macron, son issue incertaine est l'objet de toutes les spéculations. "A priori, ce type d'élection n'est pas favorable à un mouvement politique aussi jeune. Mais LRM devrait bénéficier de la dynamique de la présidentielle. Traditionnellement, les Français soutiennent le président aux législatives : ce serait ironique de l'élire pour ensuite ne pas lui donner les moyens d'agir", note M. Vitiello.

"Mais cela ne sera pas forcément suffisant pour avoir une majorité absolue. Qui sera le premier parti au Parlement? C'est bien là que tout peut se jouer. Cela va définir l'ensemble des rapports de force à venir", conclut le politologue.

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Source: Agence de presse Xinhua
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