Après le Brexit, l'Union européenne décide de promouvoir l'intégration de la défense

Par : Vivienne |  Mots clés : Brexit,Union européenne,UE
French.china.org.cn | Mis à jour le 19-09-2016

Le 16 septembre, les chefs d'Etat de l'Union européenne se sont réunis pour un sommet dans la capitale slovaque Bratislava. Ce premier sommet organisé depuis le référendum britannique qui a décidé la sortie de l'Union a donc eu lieu sans la première ministre Theresa May. L'impact du Brexit semble aujourd'hui émerger, avec la décision de l'UE de relancer son programme d'intégration de la défense, longtemps freiné par le Royaume-Uni, et par les Etats-Unis en coulisse.

Une intégration européenne de la défense est évoquée depuis longtemps. En décembre 2007, l'UE a signé le Traité de Lisbonne pour déterminer le futur de l'intégration politique, et la défense était une question à aborder dans ce cadre. La mise en place d'un système de sécurité et de défense européen indépendant est depuis toujours l'un des objectifs du courant majoritaire des Etats de l'UE, qui ont fourni des efforts inlassables pour y parvenir. En novembre 1987, la France et l'Allemagne ont commencé par établir une brigade mixte de 5000 troupes, qui a été rendue officielle en octobre 1989, et qui a participé aux opérations en ex-Yougoslavie et à des exercices militaires multinationaux organisés par l'Europe. Cette brigade mixte avait été considérée comme le plan embryonnaire de la défense européenne. En 1992, la brigade franco-allemande s'est étendue en accueillant la participation de l'Espagne, de la Belgique et du Luxembourg, pour former un « Eurocorps » de cinq pays. En 2000, l'UE a décidé de mettre en place d'ici trois ans une force de réaction rapide de 60 000 professionnels, dont la mission serait d'améliorer la capacité de l'UE à faire face aux crises. En ce sens, ces troupes n'étaient pas envisagées dans un sens de bataille.

Le retour sur le devant de la scène de la défense européenne

En 2008, la France a proposé l'élaboration d'un plan pour une armée européenne, dans laquelle les Etats membres de l'UE enverraient chacun 1500 soldats, et établiraient une flotte commune de transport ainsi qu'une agence de satellites militaires, ce qui exigeait des pays une augmentation de leurs dépenses militaires. Le plan militaire européen, en excluant les Etats-Unis, risquait d'affaiblir les capacités militaires de l'OTAN, ce qui a suscité la préoccupation du Royaume-Uni. Ce dernier ne s'était pas opposé à la formation d'une force de réaction rapide européenne, mais il était contre la mise en place d'un mécanisme rival de l'OTAN, par crainte d'affaiblir l'étroite relation entre les Etats-Unis et l'Europe dans le domaine de la sécurité et de la défense. Sous la pression du Royaume-Uni, le plan a été abandonné.

En juillet 2011, le sujet de la défense européenne est revenu sur le devant de la scène. Lorsque le Haut représentant de l'UE en Bosnie-Herzégovine Paddy Ashdown a suggéré la formation d'un quartier général militaire européen permanent, qui serait chargé de la planification, la coordination et le commandement d'opérations militaires européennes indépendantes. Pendant sa présidence tournante de l'UE, la Pologne a également fait des recommandations spécifiques, sur la mise en place d'une structure permanente de planification et de commandement militaire au niveau de l'UE pour faire face aux crises civiles et militaires, et la formation d'une force de réaction rapide. La France, l'Allemagne et d'autres pays ont exprimé leur soutien, jugeant qu'il s'agissait d'une étape importante vers une défense indépendante. Les Britanniques ont cependant émis des réserves, craignant que la création d'un quartier général militaire permanent de l'UE chevauche la compétence de l'OTAN, et suggérant que l'Union européenne continue à considérer l'OTAN comme la pierre angulaire de sa défense. Ces propositions ont donc été abandonnées.

A la veille de l'ouverture du sommet de Bratislava, les messages de promotion de la défense européenne se propageaient de toutes parts. Le 6 septembre, les médias ont rapporté que la Haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité Federica Mogherini a présenté un document portant sur une « armée européenne », qui inclut la mise en place d'une planification militaire de l'UE et un siège opérationnel à Bruxelles. Les médias ont annoncé qu'il s'agissait là d'un objectif « d'action indépendante » par rapport à l'OTAN. Il a ensuite été révélé que les ministres de la Défense français et allemande ont fait circuler un document commun lors du sommet, en proposant la création d'un « quartier général permanent européen » et d'un commandement médical conjoint. Le document mentionne également la mise en place d'un système de partage du renseignement et de la surveillance satellitaires, ainsi que d'un centre logistique pour les équipements stratégiques. Le document suggère également que si le plan n'est pas accepté par tous les Etats membres, il pourrait être mis en place dans un cercle plus restreint de pays de l'UE pour effectuer certaines tâches militaires. Les responsables du ministère français de la Défense estiment que ce document permettra d'envisager le redémarrage de la défense européenne.

La France a toujours activement défendu et encouragé l'établissement d'une défense européenne, et a fourni de nombreux efforts pour obtenir le soutien et la coopération de l'Allemagne. Pour des raisons historiques, l'Allemagne fait depuis les débuts de l'Union profil bas dans le domaine militaire. Le Livre blanc de la défense publié par l'Allemagne en juillet dernier estime que l'armée devrait jouer un rôle plus important en Europe, appelle à renforcer le « pilier européen » au sein de l'OTAN, et à relancer en temps opportun le concept de Communauté européenne de la défense, pour la mise en place à long terme d'une « Union européenne de la défense ». De toute évidence, les oscillations de l'axe franco-allemand ont pris fin et l'axe a trouvé une nouvelle vitalité dans la promotion des questions européennes de défense.

Le sommet du 16 septembre a obtenu les résultats prédits par les médias. Les dirigeants de l'UE sont parvenus à un accord sur un certain nombre de grandes questions de la défense commune. Une déclaration commune a été faite sur la mise en œuvre de ces accords avec une « feuille de route ». Le sommet qui aura lieu en mars prochain à Rome sera certainement l'occasion de prendre des décisions de fond à ce sujet.

L'Europe trouve un espace politique

Les analystes de l'opinion estiment que l'UE a soudainement fait revivre l'espoir de relancer l'ambitieux plan d'une défense commune grâce à la sortie prochaine des Britanniques de l'Union. « Nous avons désormais un espace politique pour accomplir des choses qui ne pouvaient pas être faites auparavant », a déclaré Federica Mogherini. Certains observateurs estiment que la Commission européenne, la France, l'Allemagne et l'Italie voient dans le Brexit une nouvelle opportunité de promouvoir l'intégration militaire de l'UE. Dans cette perspective, le Brexit aura eu un impact significatif : loin de perdre le nord, l'Europe a réagi à ce moment de crise pour trouver des occasions qui lui permettront de progresser.

La raison fondamentale du retour de l'intégration de la défense européenne à l'ordre du jour réside dans l'évolution des relations des deux côtés de l'Atlantique, et l'UE reconnaît l'urgence et la nécessité de renforcer l'autonomie de sa sécurité et de sa défense. Avec l'arrivée au pouvoir du président américain Barack Obama, la mise en œuvre de sa stratégie de rééquilibrage vers l'Asie-Pacifique et la contraction stratégique envers l'Europe, l'Europe qui avait toujours compté sur les Etats-Unis en matière de sécurité a dû faire face à un sentiment de crise de plus en plus fort. Dans certains pays perçus comme faibles et manquant de fonds pour renforcer leur armée, favoriser la défense commune européenne est devenu une priorité absolue. Après la crise survenue en Ukraine, l'Occident et la Russie sont entrés dans une « nouvelle guerre froide », et les questions de sécurité européennes sont rendues plus complexes par le souhait des pays d'Europe centrale et orientale de faire revenir les Etats-Unis pour répondre à Moscou à la place de l'Europe, tandis que la France, l'Allemagne et d'autres grands pays tentent de renforcer la défense européenne indépendante, afin de traiter avec la Russie et maintenir conjointement la stabilité du continent.

Malgré la contraction stratégique des Etats-Unis, ces derniers n'ont aucune intention d'abandonner l'Europe, et ne permettront pas à l'UE d'affaiblir ou même de remplacer les fonctions et le statut de l'OTAN. Le sommet de Bratislava a atteint un accord de principe, mais la mise en œuvre du plan ne sera pas un long fleuve tranquille. La prise d'une décision de fond entre les 27 Etats membres n'aura lieu qu'après une négociation difficile et complexe. La France, l'Allemagne et d'autres pays tenteront d'utiliser l'espace politique du Brexit comme une opportunité pour consolider leur position dominante dans la prise de décision de l'UE, tandis que la Pologne et d'autres pays d'Europe de l'Est resteront campés sur leur position pro-américaine tant que le sentiment de menace de sécurité restera fort. Cette situation offre une opportunité aux Etats-Unis de limiter la prise de décision de l'UE.

En ce sens, le Brexit présente une opportunité d'action à l'Union européenne. Cependant, les facteurs décisifs sont ailleurs. L'intégration européenne de la défense dépendra finalement du jeu d'échecs joué par les Etats-Unis et l'Europe pour la défense de leurs intérêts, et sera le résultat d'un compromis entre les deux parties.

 

(Traduction d'un article en chinois rédigé par Shen Xiaoquan, maître de recherche au Centre de recherche sur les problématiques mondiales de l'agence de presse Xinhua.)


 

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