Les Chinois de France, victimes d'un racisme grandissant

Le week-end dernier à Paris, des milliers de membres de la communauté chinoise de France - soutenus par d'autres citoyens français - ont manifesté contre le meurtre à Aubervilliers dans la banlieue de Paris du créateur de robes, Zhang Chaoling. M. Zhang est mort à la suite d'une agression par trois hommes, qui voulaient voler le sac d'un ami, lui aussi d'origine chinoise. Ce meurtre et cette manifestation ont attiré une grande attention en Chine.

Lors de la marche silencieuse, on pouvait lire le slogan « La communauté chinoise meurt en silence » sur des t-shirts tâchés de rouge pour représenter des traces de sang. La manifestation demandait la « sécurité pour tous ». De nombreux autres membres de la communauté chinoise ont dénoncé les attaques, dont ils sont les victimes. Selon les médias, sur 666 vols s'étant déroulés à Aubervilliers cette année, 105 ont visé la communauté chinoise.

Le maire d'Aubervilliers, Meriem Derkaoui, a participé à cette marche silencieuse, demandant le déploiement de renforts de police.

Ce n'est pas la première fois que la communauté chinoise de France manifeste contre les attaques dont elle fait l'objet. En 2010 et 2011, ils étaient des milliers à marcher dans le quartier parisien de Belleville, pour protester contre l'escalade de la violence. Que se passe-t-il et quelles conclusions peuvent-elles être tirées ?

Tout d'abord, il est nécessaire de souligner que ces attaques ne sont pas le résultat d'un sentiment grandissant spécifique à la France contre les Chinois. La violence raciste - criminelle et politique - est en hausse en Europe. La cible principale diffère selon les pays : en Grande-Bretagne, ce sont principalement les Musulmans et les Juifs, mais depuis le référendum du Brexit, les Polonais sont également attaqués ; en Allemagne, les Musulmans constituent la cible principale ; et en Italie, le racisme est fortement dirigé contre les Roms.

La xénophobie nationale n'a visé les Chinois dans aucun autre pays d'Europe. La concentration des attaques sur les Chinois d'Aubervilliers est due aux conditions locales spécifiques d'une communauté chinoise forte de plusieurs milliers d'individus. Cela n'amoindrit cependant pas la menace, que constituent ces attaques envers les Chinois ou toute autre communauté.

La cause sous-jacente de cette montée du racisme est prolongée par le marasme économique, dans lequel se trouvent l'Europe et les économies occidentales en général. Au cours des huit dernières années, le PIB de l'UE a enregistré une croissance moyenne de seulement 0,4 %, s'accompagnant de coupes dans les dépenses sociales et d'un taux de chômage élevé. En France, le chômage des jeunes atteint les 25 %. S'ajoute à cela l'affaiblissement de l'Etat-providence en Europe occidentale, qui nourrit le racisme, la xénophobie et le crime.

Du fait d'un manque de compréhension précise de la dynamique sociale dans les pays européens, cette tendance a pris certaines personnes en Chine par surprise. Beaucoup pensaient notamment que l'Etat-providence en Europe n'était pas souhaitable, car il s'agissait d'une option « laxiste ». Mais l'Etat-providence européen était un choix rationnel, apportant de nombreux avantages concrets à sa population.

L'espérance de vie est ainsi remarquablement plus élevée en Europe qu'aux Etats-Unis. Il s'agit là du meilleur indicateur sur les conditions sociales dans leur ensemble. Même si les Etats-Unis possèdent un PIB par tête plus important qu'en Europe, l'espérance de vie dans tous les principaux pays européens est considérablement supérieure à celle aux Etats-Unis. Là-bas, l'espérance de vie est de 79 ans, contre 81 ans en Allemagne, 82 ans en Italie et en France, et 83 ans en Espagne. L'Europe enregistre également moins de crimes violents. Le taux américain d'homicides par tête est trois fois plus important qu'en France, quatre fois plus important qu'en Allemagne et presque cinq fois plus important qu'en Italie.

L'affaiblissement de la sécurité relative de l'Etat-providence renforce les partis européens racistes et xénophobes - comme le Front National de Marine Le Pen - tout en encourageant les attaques racistes et violentes aveugles. La communauté chinoise de France n'est pas la principale cible du racisme et de la xénophobie, mais elle ne peut échapper à ses conséquences.

Les communautés chinoises dans un certain nombre de pays d'Europe, dont la France, n'ont globalement pas été suffisamment actives dans les mouvements de protestation contre le racisme en général. Cela reflète en partie la plus grande prospérité des communautés chinoises, qui tiennent traditionnellement des restaurants et des magasins, par rapport à d'autres. Mais les racistes et les xénophobes, qui côtoient invariablement les criminels, ne sont pas intéressés dans le fait que des communautés soient ou non politiquement passives. Pour eux, il faut seulement qu'elles soient reconnaissables.

Les communautés chinoises en Europe représentent une proportion relativement faible de la population. Il va devenir de plus en plus important de coordonner les activités avec d'autres forces, pour lutter contre les racistes et les xénophobes européens.