Le soir du 14 juillet, dans la ville côtière méridionale de Nice, 84 personnes innocentes sont mortes lorsqu'un terroriste a foncé sur la foule avec un camion. Depuis l'attaque contre l'hebdomadaire Charlie Hebdo en janvier 2015, cela marque la troisième attaque terroriste de grande ampleur en France. Pourquoi la France est-elle la cible d'attaques répétées, et comment les terroristes parviennent-ils à frapper le pays successivement ?

Le 14 juillet est le jour de la Fête nationale en France, et pour l'occasion, des milliers de locaux et de touristes étaient réunis à Nice pour le feu d'artifice organisé sur la célèbre promenade des Anglais. Vers 22 h 30, alors que le feu d'artifice venait de se terminer, un camion blanc de 19 tonnes chargé d'une remorque réfrigérée est arrivé sur l'avenue de bord de mer, rendue en partie piétonne pour l'événement. Le poids lourd s'est lancé directement sur le trottoir, renversant les barrières de sécurité, avant d'accélérer en direction de la foule. Le véhicule s'est frénétiquement dirigé de gauche à droite, fauchant un grand nombre de piétons. Trois agents de police ont immédiatement tenté de rattraper le camion, et un piéton héroïque a sauté sur le marchepied de la cabine et essayé de tourner le volant. Le conducteur a braqué son pistolet sur le piéton, qui a dû sauter à terre. Cette action qui a distrait l'attention de l'assassin a fait gagner du temps à la police, qui a ouvert le feu et l'a abattu. Un grand nombre de policiers sont ensuite arrivés sur les lieux et la situation est redevenue sous contrôle. Le ministère de l'Intérieur a annoncé que l'attaque a fait 84 morts, et que 18 blessés sont encore entre la vie et la mort.

Selon les preuves recueillies dans le camion par la police, il n'y avait qu'un seul individu à bord, et ses papiers d'identité ont été retrouvés sur place. L'homme, nommé Mohammed Lahouaiej-Bouhlel, âgé de 31 ans, Français d'origine tunisienne, habitait dans le quartier nord de Nice. La police a révélé qu'il avait fait l'objet d'une condamnation antérieure de six mois d'emprisonnement avec sursis en mars 2016, pour faits de violence commis avec une arme par destination. Toutefois, il ne figurait pas sur la liste des extrémistes religieux, et ne faisait donc pas l'objet d'une surveillance des services antiterroriste.

Le président français Hollande a annoncé qu'il s'agissait d'une attaque terroriste. Cet acte a rappelé dans les esprits l'attaque visant la rédaction du magazine Charlie Hebdo le 7 janvier 2015, et les explosions simultanées et fusillades du 13 novembre dernier au Stade de France et au Bataclan à Paris. Ces attaques ont fait 13 et 130 morts respectivement ; l'attaque survenue à Nice devient la deuxième plus meurtrière sur le sol français en un peu plus d'un an. Non sans ironie tragique, le président François Hollande avait annoncé quelques heures plus tôt dans son intervention traditionnelle du 14 juillet que « l'Euro a été une réussite en termes de sécurité, en termes d'organisation ». Il avait également déclaré que l'état d'urgence national décrété après les attentats de novembre n'était plus nécessaire, et prendrait fin comme prévu le 26 juillet. Personne n'imaginait que quelques heures plus tard, un nouvel acte de violence particulièrement brutal se produirait à Nice. Le président a déclaré en réaction à la nouvelle que l'état d'urgence serait prolongé de trois mois.

Dans l'attaque de Nice, certains points sont particulièrement préoccupants.

Tout d'abord, le 14 juillet marquant la fête nationale en France, tous les ans, des rassemblements ont lieu dans les rues pour les feux d'artifice, ce qui constitue une opportunité de choix pour les terroristes. Après les deux attaques survenues en 2015, le gouvernement était au plus haut niveau d'alerte, et le choix par un terroriste de la fête nationale pour commettre son crime semble mettre au défi les capacités du gouvernement et des forces antiterroristes à répondre à la menace.

En second lieu, durant l'Euro 2016 de football qui vient d'être organisé en France, le gouvernement était très préoccupé par le risque terroriste et avait pris toutes les mesures pour prévenir toute attaque. L'événement s'est en effet déroulé sans incident majeur. Les responsables politiques et le peuple avaient poussé un soupir de soulagement, et le sentiment de sécurité était légèrement remonté. C'est à ce moment que les terroristes ont à nouveau frappé, provoquant un effondrement complet des ressources psychologiques des Français. La classe politique et l'opinion publique sont restées sans voix.

En troisième lieu, le fait que l'attaque ait eu lieu à Nice n'est pas un accident. Les deux premières attaques à grande échelle visaient Paris, et ainsi, la vigilance s'est mobilisée avant tout sur la capitale, laissant un maillon faible exploitable par les terroristes dans les villes de province. Le cas de Nice provoquera un sentiment de peur dans les autres villes de France, et aucun endroit ne semblera hors d'atteinte.

Quatrièmement, cette attaque est différente des précédentes. Les deux attaques visant Paris avaient pour mode opératoire l'utilisation d'armes à feu et d'explosifs, cela semblait être devenu la norme. Cette fois, le tueur a commis son crime en utilisant un moyen étonnamment ordinaire, un camion. Les enquêteurs ont indiqué que le camion avait été loué deux jours auparavant seulement, dans des circonstances ne semblant pas suspectes. L'utilisation d'un véhicule ne semblait pas pouvoir donner lieu à un impact et une ampleur des pertes dépassant le mode opératoire traditionnel. Les forces de renseignement et de lutte antiterroriste ont désormais pour tâche d'envisager tous les moyens imaginables qui pourraient être utilisés dans une attaque terroriste.

Cinquièmement, Nice est une destination touristique de choix, sur la célèbre Côte d'Azur méditerranéenne, qui accueille chaque année plus de 4 millions de touristes. Nice est la deuxième plus grande ville touristique de France, juste derrière Paris. Le lieu du drame, la promenade des Anglais, est une avenue s'étendant le long de la Méditerranée d'ouest en est sur sept kilomètres, jusqu'à Monaco. La promenade est bordée d'hôtels de luxe, de restaurants et de casinos, attirant les touristes du monde entier. Les rues ensanglantées de Nice, après cette attaque qui a fait de nombreuses victimes étrangères, seront aussi un coup dur pour le tourisme. Selon les médias, au lendemain de l'attaque, de nombreux voyageurs ont annulé leurs réservations dans les grands hôtels de la ville. Vues sous cet angle, les attaques terroristes ont non seulement un fort impact psychologique, mais aussi un impact négatif sur l'économie nationale, l'industrie du tourisme étant la première touchée. Selon les statistiques, l'an dernier, après les attaques de Paris, le taux d'occupation des hôtels s'est fortement réduit en France : il était de 81,1 % en avril 2015, et de seulement 70,4 % en mai 2016, soit une baisse de 11 points de pourcentage.

Ce qui importe aujourd'hui est de savoir si l'attaque de Nice a été coordonnée par une organisation terroriste internationale. Jusqu'à présent, rien ne l'indique. Selon les premiers éléments de l'enquête, il s'agissait de l'action d'un « loup solitaire ». Ces dernières années, un nombre croissant d'incidents de ce type s'est produit en France, souvent commis par des individus séduits par l'extrémisme et exécutant une action planifiée rapidement, sans lien direct avec les organisations terroristes internationales. L'ampleur de ces actions est en général relativement limitée. Cependant, la tragédie de Nice a eu un bilan bien plus lourd. En outre, les organisations terroristes comme l'Etat islamique poursuivent leur politique de prolifération, non seulement en organisant directement des actes de terrorisme, mais aussi en appelant les individus radicalisés dans les pays européens à frapper où ils se trouvent, par tout moyen à leur disposition. La frontière entre les loups solitaires et les actes organisés devient déjà floue. C'est cela aujourd'hui qui rend le terrorisme encore plus dangereux.

Shen Xiaoquan, maître de recherches au Centre d'étude des problèmes mondiaux de l'agence Xinhua