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La France et l'Allemagne divisées sur la question des réfugiés

French.china.org.cn | Mis à jour le 24. 03. 2016 | Mots clés : réfugiés,UE,France,Allemagne
La France et l'Allemagne divisées sur la question des réfugiés


Le 18 mars, l'UE et la Turquie ont conclu un accord sur la question des réfugiés, dans le but de soulager la pression exercée par l'afflux massif de réfugiés en Europe, et en particulier vers la Grèce. Toutefois, les observateurs restent prudents sur les chances que cet accord produise les résultats escomptés. Cela s'explique non seulement par la complexité de la crise des réfugiés et le grand degré de difficulté que représente la résolution de cette crise, mais aussi par les divergences et l'affrontement en coulisses des deux grandes puissances de l'UE, la France et l'Allemagne. Sans son « axe franco-allemand », l'Europe voit son action fortement réduite.

Selon l'accord conclu le 18 mars, dès le 20 mars, pour chaque arrivée illégale de réfugiés en Grèce, notamment de réfugiés syriens qui fuient la guerre de leur pays, un retour en Turquie sera prévu. Pour chaque réfugié rapatrié, l'UE tentera d'héberger un demandeur d'asile syrien en attente en Turquie. Cette mesure devrait permettre d'éviter un afflux continu de réfugiés vers les côtes grecques.

A cette fin, l'UE offrira à la Turquie une compensation financière et d'autres « récompenses ». Une compensation financière supplémentaire de 3 milliards d'euros est prévue, en plus des trois milliards d'euros déjà offerts. Parmi les autres mesures incitatives, l'UE accordera à partir du mois de juin 2016 une exemption de visa aux ressortissants turcs dans l'espace Schengen, et s'engage à accélérer les négociations portant sur l'adhésion de la Turquie à l'Union européenne.

La France a publiquement exprimé ses réserves envers l'idée des contreparties offertes à la Turquie par l'Union européenne. Le président François Hollande estime que les Turcs doivent satisfaire à 72 critères pour circuler sans visa dans l'espace Schengen, alors que la partie turque a refusé de faire des promesses en ce sens. La France, qui a toujours été opposée à ce que la Turquie rejoigne l'Union européenne, est aujourd'hui fortement insatisfaite du « prix exorbitant » exigé par la Turquie dans le cadre de la crise des réfugiés.

La France est restée en dehors des négociations

Les réticences de la France envers l'accord entre l'UE et la Turquie sont directement liées au fait que le pays est toujours resté en dehors des négociations. Avec l'intensification de la crise des réfugiés, la chancelière allemande Angela Merkel a voulu agir pour soulager la pression exercée sur la Grèce, qui voit la majorité des réfugiés arriver sur ses côtes depuis la Turquie. En novembre dernier, afin d'obtenir le soutien de l'Union européenne dans les négociations, Angela Merkel a organisé une réunion avec les dirigeants des Pays-Bas, de la Suisse, de l'Autriche, de la Belgique et du Luxembourg. La France a été exclue des discussions. A la veille du Conseil européen le 18 mars, qui devait aborder la question de la Turquie, Angela Merkel a tenu avec les dirigeants de la Turquie et des Pays-Bas une réunion préparatoire secrète, durant laquelle des négociations de fond ont été menées pour parvenir à un accord final. Les autres grands pays de l'UE comme la France étaient une nouvelle fois exclus.

L'afflux de réfugiés au cours de l'année 2015 est l'un des plus grands défis de l'Europe d'après la Seconde Guerre mondiale, et la France, qui maintient d'habitude un très haut profil dans les affaires européennes, est restée étonnamment silencieuse dans cette crise sans précédent, en contraste avec l'Allemagne. Cette dissonance est devenue le centre de l'attention des médias.

En août dernier, alors que l'afflux de réfugiés atteignait un point culminant, Mme Merkel a annoncé l'engagement de l'Allemagne à accueillir 800 000 réfugiés. Le gouvernement allemand a fait les arrangements financiers adaptés, avec des subventions totales à hauteur de 6,6 milliards d'euros. Angela Merkel s'est personnellement rendue à Munich et dans d'autres villes recevant un grand nombre de réfugiés, et les images de bienvenue aux réfugiés ont fait le tour du monde. L'Allemagne est le pays qui s'est montré le plus généreux envers les réfugiés, et ces derniers ont affectueusement surnommé la chancelière allemande « Maman Merkel ».

Cet accueil médiatisé de réfugiés n'a pas obtenu une réponse positive en France. Le premier ministre français Manuel Valls déclaré en novembre 2015 que « l'Europe doit dire qu'elle ne peut plus accueillir autant de migrants, ce n'est pas possible », dans une interview accordée au journal allemand Süddeutsche Zeitung. Il a ajouté que « l'Allemagne a pris une décision honorable » en ouvrant sa porte aux réfugiés, mais que « ce n'est pas la France qui a dit "Venez" ».

Certains médias ont rapporté que depuis la décision d'Angela Merkel, l'Allemagne a accueilli près de 1,1 million de réfugiés en 2015, alors que la France s'est seulement engagée à en recevoir 24 000 au cours des deux prochaines années, soit l'équivalent du nombre de réfugiés accueillis par les Allemands en deux jours.

Dans les faits, la France n'a pour l'instant accepté qu'un tiers de ce nombre. Le journal Libération a estimé que malgré son acceptation des termes de répartition des réfugiés sur le sol européen, la France n'a ménagé aucun effort pour que cet accord reste lettre morte. Ce commentaire, non sans ironie, remarque que cela constitue la « contribution unique » de la France vis-à-vis de l'Allemagne dans la résolution de la crise des réfugiés.

Il existe des différences marquées entre la France et l'Allemagne. En fin de compte, ce sont les différences entre les intérêts et les préoccupations des deux pays qui sont en cause.

L'Allemagne se concentre sur les réfugiés, la France sur le terrorisme

La France, dont l'économie stagne depuis des années, qui est confrontée à une lourde dette et peine à rééquilibrer son budget, ne se sent pas prête à assumer le lourd fardeau financier que représenterait l'accueil d'un grand nombre de réfugiés. En revanche, l'Allemagne, à l'économie dynamique, qui a apporté une grande contribution à l'allégement de la dette grecque et à d'autres pays en difficulté économique, qui bénéficie d'un budget équilibré, a la capacité d'accueillir sur son sol des réfugiés.

Le taux de chômage est faible en Allemagne, la situation approche même du plein emploi, donc le pays pourra fournir des emplois aux immigrants. L'accueil de réfugiés pourrait même insuffler une nouvelle énergie en Allemagne. C'est pourquoi le gouvernement encourage ses entreprises à embaucher des immigrants.

La France a actuellement l'un des taux de natalité les plus élevés d'Europe, et compte déjà un grand nombre d'immigrés. Dans un contexte de ralentissement économique, la France affiche un taux de chômage à deux chiffres, le plus élevé de l'Union européenne. Le pays peut donc difficilement accueillir un grand nombre de réfugiés sans aggraver sa situation, en termes de chômage notamment. Le gouvernement français se montre donc irréductible sur la question migratoire. Le pays compte déjà 7 millions d'immigrés, plus de 1 % de sa population totale, et ceux-ci n'ont pas été intégrés pleinement dans la société française traditionnelle. Ainsi, bien que le Parti socialiste au pouvoir soit en principe susceptible d'accueillir des réfugiés pour des raisons humanitaires, dans la situation actuelle, le gouvernement a adopté une attitude contradictoire et ambiguë.

Après les deux vagues d'attentats qui ont frappé Paris en 2015, la forte détérioration de la situation sécuritaire et la menace terroriste sont devenues les priorités absolues du gouvernement. L'accueil de réfugiés et le terrorisme ne peuvent être confondus, mais avec l'afflux de réfugiés, le risque terroriste fait face à de nouvelles pressions. Sans parler de l'annonce de l'Etat islamique sur sa volonté d'utiliser la crise des réfugiés comme une « bombe » contre l'Europe. Par conséquent, la France a adopté une position plus ferme sur la fermeture des frontières, le rapatriement des réfugiés et les dispositions de l'espace Schengen, en contraste frappant avec les positions modérées et ouvertes de l'Allemagne.

L'annonce de l'Allemagne a non seulement encouragé plus de gens à se diriger vers l'Europe, elle a aussi fourni une opportunité d'action aux organisations de terrorisme international. Depuis les attentats terroristes survenues à Paris, une voix s'élève en Europe pour tenir l'Allemagne responsable de la tragédie ; ce point de vue est aujourd'hui reconnu par de nombreux dirigeants de pays européens. Ceci explique aussi pourquoi l'Allemagne maintient de façon inébranlable sa politique d'accueil de réfugiés.

Sur les nombreuses causes des différences entre la France et l'Allemagne, le journal Le Figaro a souligné que l'afflux de réfugiés peut être une opportunité pour l'Allemagne, mais que cela n'est pas le cas pour la France.

L'attitude négative de la France sur le problème des réfugiés contraste aujourd'hui fortement avec sa volonté affichée depuis de nombreuses années de promouvoir la coopération avec l'Allemagne sur les questions de sécurité politique et de défense, et ses efforts inlassables pour une plus grande intégration européenne. Le journal Libération a publié des commentaires estimant que la crise des réfugiés est non seulement un signe d'échec du projet européen, mais aussi un échec de la démocratie et de la solidarité. La France a contribué à cet échec, en particulier en abandonnant son partenaire allemand sur cette question. Et si l'Europe perd son axe franco-allemand, le début de la désintégration de l'UE est proche, estimait le journal.

(Article exclusif pour China.org.cn)

(Traduction d'un article en chinois rédigé par Shen Xiaoquan, maître de recherche au Centre de recherche sur les problématiques mondiales de l'agence de presse Xinhua.)

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Source: french.china.org.cn

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