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Perspective sur la politique électorale de la France

French.china.org.cn | Mis à jour le 17. 12. 2015 | Mots clés : politique électorale ,France,Front national,UMP,Parti socialiste

Perspective sur la politique électorale de la France

Les deux tours des élections régionales françaises ont eu lieu les 6 et 13 décembre. Ce scrutin, bien que moins important que les élections présidentielles organisées tous les cinq ans, a cependant causé une grande agitation dans le pays, des gouvernants aux votants, de par ses résultats surprenants. Selon moi, ce scrutin était un exemple typique de la politique électorale à la française.

Les élections régionales sont l'un des scrutins organisés dans toute la France. La région est la plus haute division administrative du pays, qui en compte actuellement treize. Ces élections ont lieu tous les six ans.

Le parti d'extrême droite, le Front National, a réalisé une grande victoire au premier tour des récentes élections régionales, en remportant 27,96 % des suffrages, devant le Parti socialiste (23,33 %) et le plus grand parti d'opposition, le Rassemblement des Républicains (26,89 %). Dans le Nord, l'Est et le Sud, le score du FN a été particulièrement élevé ; il est arrivé premier en PACA (Provence-Alpes-Côte d'Azur) avec plus de 40 % des suffrages, et pressentait une victoire au second tour. Les sondages réalisés avant le second tour laissaient entrevoir une victoire du Front national dans trois grandes régions. L'accès du Front national à la direction d'une région aurait constitué une percée historique pour le parti, et l'aurait placé en bonne voie pour l'élection présidentielle de 2017.

Cependant, le 13 décembre, contrairement aux prédictions, le Front national n'est pas parvenu à s'imposer dans la moindre région au second tour ; les grandes régions dans lesquelles il avait l'avantage sont passées aux mains d'autres partis politiques, et même dans la région la plus prometteuse, en PACA, le FN a subi une défaite écrasante. Le parti, sûr d'avoir atteint son apogée, a finalement échoué à réaliser sa percée historique.

Les résultats des élections, qui promettaient un changement dramatique, ont non seulement montré la dure réalité de l'environnement politique actuel en France, ils ont aussi illustré le caractère étrange de la politique électorale française.

Le Front national fort dans la défaite

Bien que le FN n'ait pas remporté la moindre région, le parti a affirmé que « les résultats concrets ont été vus au premier tour avec des victoires totales dans le Nord et dans le Sud notamment ». Ce vote semble confirmer la position du Front National comme plus grand parti de France à l'heure actuelle.

Le président pendant de longues années du FN, Jean-Marie Le Pen, a fondé le parti en 1972. Il prônait un nationalisme extrême, incitait à la xénophobie, et a souvent eu des propos défendant le fascisme des Nazis. Lors de l'élection présidentielle de 1995, Jean-Marie Le Pen a remporté 15 % des voix. En 2002, il a battu le candidat socialiste au premier tour de scrutin, passant au second tour face à Jacques Chirac. En 2012, à la veille de l'élection présidentielle, il a quitté à 82 ans son rôle de président du Front National, au profit de sa fille Marine. Cette dernière a progressivement changé l'approche extrême de son père pour attirer davantage d'électeurs. Elle a récemment exclu du parti Jean-Marie Le Pen, faisant montre de sa détermination à faire du FN un « parti normal ». Elle prône le rejet et une restriction de l'immigration, et se pose en adversaire de l'Union européenne et de l'euro. Au premier tour de scrutin de l'élection présidentielle de 2012, Marine Le Pen a obtenu 18 % des voix, en troisième place derrière le Parti socialiste (28,63 %) et le grand parti de la droite, l'UMP (27,08 %). Aux élections européennes de mai dernier, le Front national a battu les deux principaux partis politiques en remportant 25,5 % des voix, sa première victoire lors d'une élection générale. Les élections régionales ont une nouvelle fois confirmé sa position de force.

L'incitation à l'exclusion raciale et la posture anti-européenne du parti d'extrême droite l'ont marginalisé dans l'arène politique, et lui ont donné une mauvaise image au sein de la société. Toutefois, plus il s'oppose fermement, plus son pouvoir se renforce ; le FN se trouve aujourd'hui devant tous les autres partis politiques, ce qui constitue un phénomène digne d'une réflexion profonde.

Les subtilités de la politique électorale

La France applique un système de scrutin direct en deux tours. Tous ceux qui s'intéressent à la politique française savent que le premier tour montre la force des partis, et qu'au second tour se jouent les stratégies et l'habileté des responsables politiques. Ceci est déterminé par les règles du jeu. Les électeurs peuvent choisir parmi tous les candidats au premier tour, c'est pourquoi ce sont les résultats de ce dernier qui montrent la force réelle de chaque parti. Le choix au second tour des électeurs qui soutenaient l'un des partis éliminés au premier tour est d'importance cruciale, et le second tour donne lieu à des jeux complexes et à des tractations entre les partis. Après le score élevé du Front national au premier tour dans le Sud et dans le Nord, le premier ministre Manuel Valls, du Parti socialiste, a immédiatement appelé les représentants de son parti à retirer leur liste électorale, afin de vaincre le Front national en concentrant les votes exprimés pour les Républicains. Bien sûr, le Parti socialiste a payé un prix élevé, en perdant ses sièges dans ces régions pour les six prochaines années. Cela a néanmoins eu l'effet escompté : le Front national n'a pas réussi à obtenir la victoire dans ces deux grandes régions. Ainsi, les élections ne sont pas entièrement le reflet d'un équilibre du pouvoir, mais plutôt d'une compétition politique. Un parti fort peut remporter le premier tour de scrutin, mais pour remporter la victoire finale, il faut faire preuve d'une habileté et d'une influence politique verticale et horizontale. Malgré sa victoire au premier tour, le Front national n'a pas une grande influence politique. Son manque d'alliés est son talon d'Achille.

L'attitude des électeurs détermine aussi les résultats des élections. On distingue trois principales motivations parmi les électeurs : le vote de soutien à un parti, le vote de protestation et l'abstention. La situation normale est celle dans laquelle les votants accordent leur voix au parti qu'ils soutiennent. Avec le vote de protestation, les votants expriment leur mécontentement envers les gouvernants ou envers la réalité sociale du moment en donnant leur voix à des partis de l'opposition. Les partis extrémistes et radicaux bénéficient de plus en plus souvent de ce phénomène de votants qui évacuent leur insatisfaction dans les urnes. Pour les grands partis conventionnels, ce type de protestation est un risque mortel, tandis que pour le Front national, il s'agit sans aucun doute d'une arme puissante. Ce dernier profite à plein du long marasme économique du pays, du taux de chômage élevé, ainsi que des préoccupations liées à l'insécurité et à l'immigration clandestine.

Les abstentionnistes, qui ne participent pas au scrutin, ont tendance à devenir de plus en plus nombreux au fil des années. Cela montre qu'une grande partie de la société a perdu tout intérêt pour les politiques électorales, et n'accorde plus sa confiance aux candidats au pouvoir. Les gens préfèrent utiliser leur week-end (car les élections ont toujours lieu le week-end) pour aller à la plage et profiter du soleil au lieu de prendre un instant pour se rendre au bureau de vote situé à proximité de chez eux. Cette fatigue électorale a exacerbé l'incertitude quant aux résultats de chaque élection, les électeurs ayant tendance à abandonner leur soutien aux partis traditionnels, de sorte que leur réservoir de voix se réduit, tandis que les voix exprimées en faveur du Front national augmentent en conséquence. Le taux de participation au premier tour de scrutin des élections régionales était inférieur à 50 % des inscrits, ce qui a contribué à la déconvenue des partis traditionnels. Cependant, le score surprenant du Front national a effrayé certains, qui se sont rendus aux urnes le 13 décembre pour exercer leur droit de vote. Au second tour, le taux de participation était passé à 59 %. Certains commentateurs ont estimé que ces neuf points ont directement contribué à la défaite du Front national.

Ces résultats montrent que la puissance du Front national est encore fragile. Tant que les partis traditionnels s'engagent efficacement dans la lourde tâche de la gouvernance, la majorité des citoyens se mobilise en leur faveur, et les tentatives de l'extrême droite pour accéder aux plus hautes fonctions de l'Etat seront bloquées. Les résultats des élections régionales aideront peut-être le gouvernement et les citoyens à se livrer à une réflexion profonde et à en tirer les leçons nécessaires.

 

par Shen Xiaoquan, chercheur au centre d'études des problèmes mondiaux de l'agence Xinhua

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Source: french.china.org.cn

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