Intervention en Syrie: François Hollande sombre dans la solitude (COMMENTAIRE)

En tant que seul pays déterminé à participer directement à l'intervention militaire en Syrie, la France devient brusquement le meilleur allié des Etats-Unis. Cependant, la décision de Washington, samedi, d'attendre le feu vert du Congrès a mis le président français François Hollande dans une situation inconfortable.

Les Etats-Unis ont décidé samedi de consulter le Congrès américain, le Royaume-Uni, l'allié historique des Etats-Unis qui a rejeté toute intervention militaire, les Nations Unies qui attendent encore les résultats de la mission d'enquête, la Russie qui demande à Washington de montrer des preuves. Voilà donc que le président français, qui préconise une frappe contre Bachar al-Assad, se retrouve dans une solitude absolue, aggravée par la contestation croissante de l'opposition et le manque de soutien de ses concitoyens.

En affirmant vendredi dernier sa détermination et sa disponibilité pour participer à une action "proportionnée et ferme" contre le régime syrien, François Hollande a poussé la France aux premières lignes aux côté des Etats-Unis.

La position de la France sur le dossier syrien fait remonter à la mémoire qu'en 2003, la France, qui s'opposait fermement à l'opération militaire américano-britannique en Irak, est allée jusqu'à menacer d'utiliser son droit de veto au Conseil de sécurité afin d'éviter la guerre. Dix ans plus tard, le gouvernement dorénavant entre les mains de la gauche, la position française est également passée d'une fervente opposition à la guerre à un appel à une frappe militaire sans délai. La France, qui menait une diplomatie indépendante ayant le courage de s'opposer aux Etats-Unis, se range aujourd'hui à leurs côtés.

Cependant, la décision de François Hollande a déclenché un certain brouhaha dans la sphère politique de l'Hexagone. François Fillon et Jean-François Copé ont tiré la sonnette d'alarme face aux risques d'une entrée en guerre, et le centriste Jean-Louis Borloo (UDI) a réclamé samedi soir un "vote formel" au Parlement français, selon les médias français.

Hormis la pression politique, 64% des Français s'opposent à une participation de leur pays à une intervention militaire en Syrie, selon un sondage BVA pour i-Télé-CQFD et Le Parisien-Aujourd'hui publié samedi.

Alors, pourquoi François Hollande se montre tellement déterminé à procéder aux frappes en Syrie alors que d'autres dossiers brûlants, plus proches des préoccupations des Français, sont à l'ordre du jour du président, parmi lesquels le budget, la réforme des retraites, ou encore le chômage.

Il serait toujours facile pour le président de détourner l'attention vers les conflits à l'étranger plutôt que de traiter les dossiers nationaux. En outre, M. Hollande est peut-être toujours plongé encore dans les souvenirs de la réussite de l'opération Serval au Mali, sans se rendre à l'évidence que la Syrie n'est pas le Mali. M. Hollande, qui jouissait d'un soutien quasi-unanime de la communauté internationale envers une intervention militaire au Mali il y a huit mois, se retrouve bien seul aujourd'hui. C'est le moment pour lui de se rendre compte que les solutions belliqueuses ne portent pas toujours leurs fruits.

Par ailleurs, sa décision hâtive d'intervenir militairement en Syrie aux côtés des Etats-Unis risque de ternir l'image de la France en tant que défenseur des droits de l'Homme et d'une diplomatie indépendante, image que ses prédécesseurs cherchaient à construire et à préserver.

Sur fond de désaccord au sein de la classe politique française, au lieu de jouer le rôle de principal allié des Etats-Unis, le plus important pour le président Hollande est de mener à bien les réformes domestiques proches des Français afin de sortir de sa solitude et redorer son blason ainsi que celui de la France.