Le Nouvel An tibétain

Bien que le calendrier grégorien soit généralement adopté partout dans le monde, certains autres traditionnels continuent d’être utilisés par différents peuples. Il y a fort longtemps, les Tibétains établirent leur propre calendrier selon lequel ils organisaient la production agricole et un ensemble d’activités et de célébration qui devinrent avec le temps des fêtes traditionnelles.

Compte tenu des caractéristiques phénologiques et de l’expérience des procédés culturaux dans cette région, le calendrier tibétain se forma progressivement tout en intégrant de bons éléments de l’ancien calendrier indien et de celui des Han. L’année du calendrier tibétain se divise aussi en 12 mois dont chacun compte 29 ou 30 jours. Tous les trois ans, on ajoute un mois intercalaire pour régulariser les travaux agricoles. Les Tibétains utilisent aussi comme la Chine ancienne les notions de yin et de yang et la combinaison des 10 troncs célestes et des 12 rameaux terrestres pour désigner un cycle de 60 années. Les 10 troncs célestes comprennent 5 yin et autant de yang, désignés toujours par les cinq éléments fondamentaux: le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau, tandis que les 12 rameaux terrestres sont représentés respectivement par le rat, le buffle, le tigre, le lièvre, le dragon, le serpent, le cheval, le mouton, le singe, le coq, le chien et le porc. Cette désignation est semblable à celle du calendrier lunaire des Han.

A l’origine, le Nouvel An tibétain tombait au moment du mûrissement ou de la moisson de l’orge. Ce ne fut qu’au XIIIe siècle, sous les Yuan, que le royaume de Sakya le fixa tel qu’il est actuellement avec un décalage allant de quelques jours à un mois par rapport au Nouvel An du calendrier lunaire. La célébration du Nouvel An tibétain peut varier d’une région à l’autre. Ainsi, dans la région de Gongbo dans la partie sud-est du Tibet, on le célèbre le 1er jour du 10e mois du calendrier tibétain actuel et dans la région agricole de l’ouest, le 1er jour du 12e mois.

Le Nouvel An tibétain est la plus importante fête de ce peuple. Au début du 12e mois, les gens commencent à préparer cette célébration: aliments, vêtements neufs et des objets rituels et s’apprêtent à cultiver de jeunes plants d’orge qui feront partie des offrandes à disposer à l’aube du 1er jour du 1er mois devant la niche de bouddha dans l’espoir d’avoir de bonnes récoltes pendant l’année à venir. Avant la fête, on fait un grand nettoyage des habitations et on dessine à la craie sur les murs de l’entrée et de la cuisine des signes de bon augure. Une tête de mouton est installée dans chaque famille, elle peut être en céramique ou sculptée dans du beurre de yack, elle est indispensable pour célébrer comme il convient le Nouvel An. En tibétain, la ‘‘tête de mouton’’ se dit de la même façon que le ‘‘début de l’année’’, en outre cet animal est depuis toujours considéré comme un ‘‘porte-bonheur’’ par les Tibétains. Par ailleurs, chaque famille doit préparer un boisseau, appelé qiemaer, dont l’intérieur est divisé par une planchette en deux compartiments dont l’un contient du zanba (mélange de farine d’orge et de beurre de yack) et l’autre, des grains grillés recouverts d’épis d’orge et de petites sculptures en beurre de yack coloré.

La veille au soir du Nouvel An, tous les membres de la famille se réunissent pour le repas du soir composé d’une soupe de boulettes de pâte de farine, de viande séchée, de crême de lait, de fruits, etc. Lors de préparation, on met intentionnellement dans la pâte de ces boulettes un fil de laine, un petit morceau de charbon de bois, des fèves et du piment qui symbolisent respectivement la bienveillance, la méchanceté, la ruse et l’audace. Lorsque l’un des convives tombe sur une boulette contenant l’un ou l’autre de ces ingrédients, tout le monde éclate de rire. Après le dîner, on se met à chasser les esprits maléfiques en balayant les recoins de la cour et on se nettoie avec du zanba. Après cela, on se dépêche de jeter toutes les ordures loin de la demeure et on y met le feu. Ainsi voit-on un peu partout à la tombée de la nuit des flammes brillantes s’élever des coins de rue dans les villes, les bourgs et les villages. Une fois que les ordures sont en proie aux flammes, les adultes se hâtent de rentrer chez eux de peur que les esprits maléfiques aient le temps de les suivre, tandis que les enfants innocents s’en donnent à coeur-joie en gambadant autout des feux.

Le matin du 1er jour de l’An, la maîtrsse de maison doit aller prendre le premier seau d’eau d’un puits ou d’une source pour les ablutions des sienns et pour que les bêtes s’en désaltèrent. Les Tibétains pensent que l’eau des rivières et des puits est à ce moment-là la plus précieuse, ils croient que le roi de l’enfer vient juste de sucer du lait de la lionne au sommet de la montagne enneigée et que des gouttes de lait de ce fauve sont tombées sur la neige en sacralisant ainsi l’eau qu’elle produit.

Après la toilette, tous les membres de la famille, vêtus de neuf, prennent place selon l’ordre des générations et le plus âgé bénit toute la famille en tenant des deux mains le qiemaer. Chacun prend un morceau de zanba du boisseau qu’il lance pour rendre un culte aux divinités et il s’en met un lui-même dans la bouche tout en exprimant ses souhaits de bonne santé et de bonheur. Après l’échange de voeux, les membres de la famille s’attablent pour un repas entrecoupé de divers toasts prononcés par l’un ou l’autre.

Dès le lendemain du Nouvel An, les gens rendent visite à leurs parents proches et amis pour leur souhaiter une bonne et heureuse année.