La fête Xuedun et le théâtre tibétain

Le bouddhisme a profondément marqué la culture et la vie des Tibétains. Bon nombre de fêtes et de danses ont un caractère religieux. Cependant, la fête Xudun, bien qu’elle trouve son origine dans les monastères, est bien une fête profane.

Le terme ‘‘xue’’ signifie en tibétain yaourt et celui de ‘‘dun’’ désigne le banquet. Ainsi, le mot Xuedun veut dire ‘‘le banquet de yaourt’’.

Jusqu’au XVIIe siècle, selon les préceptes bouddhiques, les lamas faisaient une retraite de trois mois du printemps à l’été dans les monastères, temps de récollection et de silence pour travailler à leur perfection. Au début de juillet, ils reprenaient leurs activités normales, tandis que les fleurs s’épanouissaient sur les prairies, les yacks et les moutons s’engraissaient et qu’il y avait lait et beurre en abondance. Les moines étaient autorisés à sortir des monastères et ils se rassasiaient de yaourt que les gens leur offraient. Cette tradition évolua et aboutit à la fête Xuedun.

Avec le temps, le caractère religieux de cette fête disparut et elle devint l’occasion de réjouissances diverses, de représentations théâtrales populaires. Il advient même qu’au moment de la célébration de la fête Xuedun, les troupes artistiques des diverses régions du Tibet se rendent à Lhasa pour y tenir le festival du théâtre tibétain qui tend à se confondre avec elle.

L’art théâtral existe depuis longtemps au Tibet et une légende populaire explique son origine. On raconte qu’au XVe siècle, après avoir constaté qu’un cours d’eau entravait le passage, le moine Tangdong Jiebo de la secte de Kargyut décida de construire un pont avec l’argent qu’il collecterait. Pendant trois ans, il parcourut toutes les régions du Tibet et dépensa beaucoup d’énergie, mais il ne parvint pas à réunir des fonds suffisants. Dans un moment de découragement, tandis qu’il avait l’air abattu, il remarqua qu’il y avait parmi les adeptes, sept jolies jeunes filles qui chantaient et dansaient bien. Il eut alors une inspiration soudaine et un plan ingénieux lui vint à l’esprit. Il les invita à former une troupe théâtrale. En jouant quelques saynètes illustrant des histoires bouddhiques, elles se produisirent dans les diverses régions. Leurs représentations furent chaleureusement applaudies par les spectateurs et peu après, il réunit assez d’argent pour construire le pont. Les spectalces de cette troupe seraient, dit-on, l’embryon du théâtre tibétain et Tangdong Jiebo, le créateur.

Pendant des siècles, travaillé et amélioré sans cesse par les artistes, le théâtre tibétain est devenu un art synthétique ayant son propre style et intégrant les contes populaires, la musique, la danse, les jeux d’interprétation et l’esthétique. Les spectacles sont le plus souvent donnés en plein air, c’est pourquoi le chant doit être clair, retentissant ou entraînant. Bien qu’il ne soit pas à thème, le chant du théâtre tibétain se distingue par la diversité des mélodies gaie, triste ou narrative. Pour le maquillage, les acteurs se fardent de poudre, s’enduisent de crème rouge ou portent tout simplement un masque. L’accompagnement musical ne comporte qu’un tambour et une paire de cymbales. Pendant la représentation, les acteurs parlent peu mais chantent fréquemment. Il arrive parfois qu’un présentateur explique l’intrigue. En exécutant divers mouvements de gymnastique et des pas de danse, en intégrant la technique des arts martiaux, les acteurs miment la montée, le déplacement d’un bateau, l’envol, le plongeon dans la mer, le galop du cheval, le combat, la lutte contre les esprits maléfiques, etc.

Dans le répertoire théâtral tibétain, ce qui est le plus joué aujourd’hui, ce sont les huit pièces évoquant des personnages historiques, des mythes, des traditions et l’histoire de la princesse Wencheng et d’une autre princesse népalaise.

Chaque année, la fête Xuedun est célébrée le 30e jour du 6e mois du calendrier tibétain. A cette occasion, les meilleures troupes des diverses régions du Tibet se réunissent dans le Norbu Linka (l’ancien palais d’été du Dalaï Lama) à Lhasa pour se produire pendant quelques jours. Les employés et les moines ont aussi un congé. Ce jour-là, les gens, vêtus de leur costume traditionnel, se promènent en famille ou avec des amis dans le Norbu Linka. Certains montent sur le gazon une tente ornée de rubans multicolores dans laquelle ils s’installent pour déguster du yaourt ou du thé au beurre de yack. Ils expriment leur joie en chantant, en dansant et sont heureux d’assister à des représentations de théâtre tibétain.