Des statistiques bas�es sur les r�gles de d�termination de l'origine
ne peuvent refl�ter de fa�on exacte la situation de la balance
commerciale entre la Chine et les Etats-Unis
     
 

Actuellement, tant la Chine que les Etats-Unis calculent les chiffres de leur commerce ext�rieur en fonction du principe de l'origine des marchandises. Des �conomistes et statisticiens de l'ensemble du monde, en nombre croissant, pensent toutefois que ce principe statistique actuellement largement utilis� dans le monde pr�sente des aspects irrationnels, en particulier du fait que de grosses erreurs peuvent se produire quand on l'applique au commerce de transit et de transformation. C'est l� le point essentiel qui a amen� les Etats-Unis � gravement exag�rer le d�ficit de leur balance commerciale avec la Chine et � ainsi d�former la situation r�elle de celle-ci.

Par statistiques effectu�es selon l'origine, on entend qu'on consid�re comme lieu d'origine des importations l'endroit o� ces produits ont �t� cultiv�s, fabriqu�s ou trait�s pour leur apporter des changements substantiels. Ces r�gles concernant l'origine ont �t� importantes, dans l'histoire mondiale du commerce, comme outil permettant aux pays de g�rer leur commerce. Elles sont encore aujourd'hui largement utilis�es pour la mise en �uvre des accords commerciaux entre plusieurs pays et par divers pays pour mettre en �uvre leur politique en mati�re de commerce ext�rieur. Cependant, il n'existe pas de crit�re uniforme et d�taill� pour juger si les marchandises ont ou non subi des "changements substantiels". La "Convention internationale sur la simplification et l'harmonisation des proc�dures douani�res", publi�e par le Conseil de coop�ration douani�re en 1973, comporte dans son appendice une annexe sur les r�gles de d�termination de l'origine - mais celle-ci ne fait qu'�noncer des principes et ne comporte aucune disposition applicable. Lors du cycle d'Uruguay des n�gociations du GATT (Accord g�n�ral sur les tarifs douaniers et le commerce), a �t� conclu l'"Accord sur les r�gles de d�termination de l'origine", qui visait � uniformiser les r�gles adopt�es par les pays membres pour d�terminer l'origine des importations � tarif non pr�f�rentiel. Le travail de formulation des normes techniques � adopter pour cette uniformisation a �t� confi� � l'Organisation mondiale des douanes, mais n'est pas encore termin�. Du fait de l'absence de r�gles uniformes de d�termination de l'origine reconnues dans le monde entier, les divers pays en formulent selon leurs besoins propres, ce qui entra�ne l'adoption de crit�res diff�rents et laisse place � l'arbitraire.

Il vaut la peine d'attirer l'attention sur le fait que les limitations des vieilles r�gles de d�termination de l'origine sont de plus en plus mises en �vidence par le d�veloppement de l'�conomie mondiale et les grands changements survenus dans la structure de celle-ci. Dans le pass� le commerce et les investissements entre pays �taient peu nombreux et les r�gles r�gissant les �changes de marchandises entre pays �taient relativement simples, si bien que les statistiques bas�es sur l'origine des marchandises pouvaient refl�ter � peu pr�s la division du travail, les relations commerciales et le r�seau des int�r�ts entre les pays. Aujourd'hui, du fait de la rapide croissance de la coop�ration �conomique et du commerce entre les divers pays du monde comme des investissements entre pays, les marchandises qui s'�changent par le biais du commerce international ne sont plus des produits fabriqu�s dans un seul pays, mais bien plut�t des "produits mondiaux" dont la fabrication implique du travail effectu� dans plusieurs pays. Il est de toute �vidence difficile aux r�gles de d�termination de l'origine actuellement utilis�es pour �tablir les statistiques commerciales de refl�ter avec exactitude les principaux changements survenus sur la sc�ne �conomique mondiale, et elles risquent de donner une image d�form�e de la balance commerciale.

Le commerce de transformation qui a connu un vif essor dans certains pays et unit�s territoriales ces vingt ou trente derni�res ann�es a encore compliqu� le probl�me. Par commerce de transformation, on veut dire qu'un pays importe des mati�res premi�res et pi�ces d�tach�es pour les traiter ou les assembler, puis les r�exporter. Selon les r�gles actuellement en vigueur, le pays est consid�r� comme �tant le lieu d'origine parce que c'est sur son territoire que les marchandises import�es ont subi des changements substantiels. Du fait que les mati�res premi�res et les pi�ces d�tach�es sont import�es, le pays qui les traite ou les assemble ne profite souvent cependant que peu de ce commerce. Cela est tr�s bien illustr� par l'exemple des "poup�es Barbie" cit� dans l'article publi�, sous le titre "Barbie et l'�conomie mondiale", dans le num�ro du 22 septembre 1996 du Los Angeles Times. On y expliquait qu'aux Etats-Unis, le prix de vente au d�tail d'une poup�e Barbie import�e de Chine �tait de 9,99 dollars US, alors que son prix d'importation �tait de 2 dollars US. Sur ces 2 dollars, la Chine avait obtenu 35 cents US de frais de service, 65 cents avaient servi � importer les mati�res premi�res et 1 dollar US � couvrir les co�ts de transport et de gestion. Consid�rer que ces 2 dollars sont le revenu tir� par la Chine de l'exportation d'une poup�e Barbie vers les Etats-Unis, en se basant sur les r�gles de d�termination de l'origine, est donc clairement d�raisonnable.

L'expansion du commerce de transformation est un des principaux facteurs � l'origine de la croissance des exportations chinoises dans les ann�es 90. Le chiffre d'affaires de ces exportations est pass� de 62,1 milliards de dollars US en 1990 � 151,1 milliards en 1996, soit une augmentation moyenne de 16% par an. Pendant cette p�riode, le commerce de transformation a vu son chiffre d'affaires passer de 25,42 milliards � 84,33 milliards de dollars US, soit une augmentation de 22,1% par an. Pendant la p�riode 1990-1996, la part du commerce de transformation dans l'ensemble des exportations chinoises est pass�e de 41% � 55,8%, pour m�me atteindre 70%, en 1996, dans le cas des exportations chinoises vers les Etats-Unis. Ce secteur s'est d�velopp� pour l'essentiel � partir du milieu des ann�es 80, quand des investisseurs de pays d�velopp�s comme les Etats-Unis et le Japon ainsi que Singapour, la Cor�e du Sud et Hongkong et Taiwan ont commenc� � d�localiser en Chine leurs industries n�cessitant beaucoup de main-d'�uvre ou de processus de production, pour essayer de r�duire leurs co�ts de production et d'accro�tre leur comp�titivit� sur le march� international. Vu leur d�pendance vis-�-vis des r�seaux de commercialisation originels des investisseurs �trangers, les produits transform�s sont principalement vendus sur leurs march�s traditionnels, dont les Etats-Unis, par le biais du commerce de transit via Hongkong. Si on en calcule la valeur selon certaines r�gles de d�termination de l'origine, c'est la Chine - et non pas le pays ou l'unit� territoriale des investisseurs et les exportateurs des mat�riaux et des pi�ces d�tach�es - qui en devient l'exportateur. Selon les statistiques publi�es par le D�partement du Commerce des Etats-Unis et les rapports du Conseil des Affaires Etats-Unis-Chine, le d�ficit de la balance commerciale des Etats-Unis avec Singapour, la Cor�e du Sud et Hongkong et Taiwan est tomb� de 34 milliards de dollars US � 7,8 milliards entre 1987 et 1995, tandis que par ailleurs le d�ficit de celle-ci avec la Chine montait en fl�che, passant de 2,8 milliards � 33,8 milliards de dollars US. Ces chiffres refl�tent le processus susmentionn� de transfert du lieu d'origine et montrent que la balance commerciale des Etats-Unis avec les pays et unit�s territoriales de l'Asie dans son ensemble n'a pas en fait connu de changements substantiels. Ces derni�res ann�es, plus des deux tiers des exportations chinoises vers les Etats-Unis ont �t� exp�di�es via Hongkong. La valeur qui leur a �t� ajout�e � Hongkong a �t� de beaucoup sup�rieure � ce qui avait �t� le cas dans la partie continentale de la Chine, si bien que Hongkong a beaucoup plus profit� de ce commerce que la partie continentale du pays. Si l'on compte cette valeur ajout�e comme des exportations de Hongkong, l'exc�dent de la balance commerciale de la Chine avec les Etats-Unis va se r�duire dans les m�mes proportions, ou m�me se transformer en un d�ficit.

On peut donc facilement tirer de cela quelques conclusions.

1) Quand on utilise des statistiques bas�es sur l'origine, il est imp�ratif d'�tre pleinement conscient des limites de cette m�thode et de discerner dans les chiffres les profits r�els de toutes les parties en cause, en les analysant soigneusement. C'est le seul moyen susceptible d'�liminer les malentendus et de r�gler convenablement les diff�rends commerciaux entre pays.

2) Il est �galement indispensable de noter la tendance d'�volution vers des relations �conomiques internationales de plus en plus �troites et la croissance incessante des investissements et du commerce de services entre les pays, et, sur cette base, d'am�liorer et de perfectionner la fa�on de calculer les chiffres concernant le commerce, de fa�on � ce que les statistiques refl�tent fid�lement la r�alit� et puissent mieux servir la coop�ration r�ciproquement avantageuse entre les pays du monde.