Syst�me de servage f�odal du Tibet
| ||||
Avant la r�forme d�mocratique de 1959, le Tibet avait �t� pendant longtemps une soci�t� bas�e sur le servage f�odal, caract�ris�e par l'union du gouvernement et de la religion et par la dictature des bonzes et des aristocrates. Le servage du Tibet �tait un r�gime beaucoup plus obscur et plus cruel que celui qui pr�valait au Moyen-Age en Europe. les propri�taires de serfs �taient essentiellement les trois propri�taires de domaines seigneuriaux: les fonctionnaires du gouvernement local, les aristocrates et les bonzes de la couche sup�rieure des monast�res. Ceux-ci repr�sentaient moins de 5% de la population du Tibet, mais poss�daient la totalit� des terres, des prairies, des for�ts, des montagnes, des rivi�res et le gros du cheptel. Selon des statistiques du d�but de la dynastie des Qing au XVIIe si�cle, le Tibet comptait trois millions de ke de terres cultiv�es (un hectare = 15 ke), dont 30,9% appartenaient aux fonctionnaires, 29,6 % aux aristocrates et 39,5% aux monast�res et aux bonzes de la couche sup�rieure. Avant la r�forme d�mocratique de 1959, dans tout le Tibet, on comptait 197 familles de nobles h�r�ditaires et 25 familles d'aristocrates dont 7 ou 8 �taient les plus grandes. Chacune d'entre elles poss�dait plusieurs dizaines de manoirs et quelques dizaines de milliers de ke de terres. Les serfs repr�sentaient plus de 90% de la population de l'ancien Tibet. Dans la langue tib�taine, ils sont appel�s tralpa (hommes cultivant un lopin de terre et fournissant un travail gratuit � leurs propri�taires), ou bien duigoin (petits foyers fumants). D�pourvus de terres et de libert� individuelle, ils vivaient dans le manoir de leur seigneur auquel ils �taient attach�s. Et les nangzan, qui repr�sentaient 5% de la population tib�taine, �taient des serfs h�r�ditaires, d�pourvus de moyens de production et de la quasi-totalit� de leur libert� personnelle. Les propri�taires de serfs poss�daient les serfs qu'ils consid�raient comme leur propri�t� priv�e et qu'ils employaient � leur gr�. Ils pouvaient �galement les vendre, les acheter, les transf�rer, les c�der en cadeau, s'en servir pour payer des dettes et les �changer. Selon des documents historiques, en 1943, le grand aristocrate Chengmoim Norbu Wanggyai avait vendu 100 serfs � un fonctionnaire eccl�siastique de Garzhol Kamsa dans la r�gion de Zhigoin pour 60 liang d'argent tib�tain pi�ce (environ 4 ta�ls d'argent); il avait pay� ses dettes d'un montant de 3 000 pin d'argent tib�tain (environ 10 000 ta�ls d'argent) au temple Gundelin avec ses 400 serfs. Les propri�taires de serfs d�tenaient le pouvoir de d�cision sur la vie, la mort et le mariage de leurs serfs. Le serf et la serve qui n'avaient pas le m�me seigneur devaient payer des "frais de rachat" lors de leur mariage; les serfs pouvaient s'�changer contre les serfs et les serves contre les serves; le mariage des serfs ne modifiait pas le rapport d'appartenance des mari�s; si ceux-ci avaient un gar�on, ils le donnaient au seigneur du mari (si c'�tait une fille, au seigneur de la femme); la naissance d'un enfant devait �tre d�clar�e et enregistr�e; cet enfant �tait condamn� � rester serf toute sa vie. Les propri�taires de serfs exploitaient les serfs par le biais des corv�es et des pr�ts usuraires. Dans l'ancien Tibet, le r�gime de corv�es et d'imp�ts �tait tr�s cruel: certains inscrits sur le registre de comptabilit� �taient perp�tuels, certains autres �taient temporaires. Selon des statistiques partielles, les corv�es et les imp�ts que le gaxag (gouvernement local) imposait aux serfs �taient de plus de 200 sortes. Les corv�es impos�es par le gaxag et par les propri�taires de domaines repr�sentaient plus de 50% du travail fourni par les familles de serfs, voire 70-80%. Les enqu�tes men�es avant la r�forme d�mocratique montrent que le manoir Daronggang que poss�dait le r�gent Dagzhag du XIVe Dalai Lama s'�tendait sur 1 445 ke, sur lesquels travaillaient 81 serfs � plein temps ou � mi-temps, ce qui repr�sentait 21 260 journ�es de travail gratuit par an, soit autant que le travail de 67,3 personnes durant toute une ann�e. Ainsi, 83% des serfs �taient dans l'obligation d'assumer des corv�es pour les propri�taires tout au long de l'ann�e. Les serfs qui travaillaient avec assiduit� des mois et des ann�es sans pouvoir gagner suffisamment pour se nourrir et se v�tir vivaient souvent de pr�ts usuraires. Le taux d'int�r�t des pr�ts �tait en g�n�ral tr�s �lev�. Les pr�ts d'argent et de c�r�ales, consentis par les monast�res, l'�taient � un taux respectivement de 30% et de 20-25%, et ceux consentis par les aristocrates, de 20% et de 20-25%. Le gaxag avait mis en place des �tablissements de pr�ts. Les Dalais Lamas en poss�daient deux en leur temps. Selon une partie des livres de comptabilit� de ces deux �tablissements datant de 1950, les pr�ts usuraires repr�sentaient 3 038 000 liang d'argent tib�tain. L'int�r�t des pr�ts usuraires s'accumulait, rendant impossible leur acquittement, on parlait de "dette pour la post�rit�", et provoquant la ruine compl�te des d�biteurs et des garants, c'�tait le cas de la "dette pour le garant". Le grand-p�re d'un serf appel� Cering Goinbo, du district de Maizhokunggar, avait demand� au monast�re de Sera un pr�t de 50 ke de c�r�ales (un ke = 14 kg). Son grand-p�re, son p�re et lui avaient d� payer, rien qu'en int�r�ts, pendant 77 ans, 3 000 ke de c�r�ales. Mais le cr�ancier dit � Ciren Goinbo qu'il avait encore 100 000 ke � payer. Un serf appel� Danzin du district de Donggar avait demand� un pr�t d'un ke d'orge qingke au propri�taire en 1941, celui-ci lui demandait de lui en rendre 600 ke en 1951. Le serf, � bout de ressources, s'�chappa. Sa femme fut menac�e de mort et son fils de sept ans servit � payer sa dette. Pour d�fendre les int�r�ts des propri�taires de serfs, les gouvernemnts tib�tains avaient �labor� une s�rie de lois. Selon le "Code en 13 articles " et le "Code en 16 articles" en vigueur depuis des centaines d'ann�es, les gens �taient class�s en trois cat�gories hi�rarchis�es et neuf �chelons; ils n'�taient jamais �gaux devant la loi. Les deux codes stipulaient:"Il ne faut pas se quereller avec les hommes �minents en talent et en vertu", "un inf�rieur qui bat un sup�rieur, un petit fonctionnaire qui se dispute avec un haut fonctionnaire sont coupables et doivent �tre arr�t�s", "celui qui refuse de se soumettre � son ma�tre doit �tre arr�t�", "les gens du peuple qui se querelllent avec un fonctionnaire doivent �tre arr�t�s". "Celui qui r�clame justice devant le palais d'un prince, est consid�r� comme un homme non conforme aux convenances, et doit �tre arr�t� et fouett�", etc. La gravit� du crime et la punition d'un coupable �taient diff�rentes selon le rang auquel ce coupable appartenait. En ce qui concerne le prix de la vie d'une personne assassin�e, le Code stipulait: "De m�me que les gens n'appartiennent pas tous � la m�me cat�gorie, le prix de leur vie varie". La vie des gens des cat�gories sup�rieures comme les princes, les grands bouddhas vivants, etc., et leur corps valaient leur pesant d'or; ceux des gens des cat�gories inf�rieures comme les femmes, les bouchers, les chasseurs et les forgerons etc. n'avaient pas plus de valeur qu'une corde de paille. En ce qui concerne la compensation vers�e � un bless�, le Code stipulait:"un serviteur qui blesse un ma�tre aura les mains ou les jambes coup�es, tandis qu'un ma�tre qui blesse un serviteur n'aura qu'� faire soigner le bless�, sans avoir besoin de lui payer de compensation. Les propri�taires de serfs disposaient de prisons priv�es, permises par les lois �crites et les anciens usages. Non seulement les autorit�s locales disposaient de tribunaux et de prisons, mais aussi les grands monast�res. Les propri�taires de manoirs disposaient eux aussi de prisons dans leurs domaines. Les ch�timents corporels: yeux arrach�s, oreilles coup�es, bras et jambes coup�s, tendon arrach� ou noyade, �taient aussi barbares que cruels. Au monast�re Gandan, l'un des plus grands temples du Tibet, on trouve un grand nombre de fers pour les pieds, de barres et d'autres instruments de torture utilis�s pour arracher les yeux et les tendons. Lors d'une Exposition des donn�es sociales et historiques du Tibet, organis�e au Palais des nationalit�s de Beijing, on a pu voir beaucoup de pi�ces � conviction et de photos montrant les membres coup�s et les peaux �corch�es par des propri�taires de serfs. Au cours de la longue p�riode du r�gime de servage f�odal, les serfs et �leveurs �taient opprim�s sur le plan politique et exploit�s sur le plan �conomique. Ils vivaient dans la panique, de peur d'�tre pers�cut�s d'un moment � l'autre. Parmi les serfs on disait couramment:"Ce qu'on peut emporter, c'est son ombre, ce qu'on peut laisser, ce sont ses empreintes". C'est ainsi que l'on peut dire que l'ancien Tibet �tait une des r�gions du monde o� les droits de l'homme �taient le plus gravement viol�s. Les travailleurs tib�tains n'ont cess� de lutter contre la cruaut� et l'oppression du r�gime de servage f�odal. La p�tition, la fuite, le refus de payer le fermage et de fournir les services de corv�e, voire la lutte arm�e ont �t� utilis�s pour revendiquer leurs droits. Mais, leurs revendications se heurtaient � une r�pression cruelle des trois cat�gories de grands propri�taires de domaines. La loi de l'ancien Tibet stipulait que "les rebelles sont, sans aucune exception, des coupables de premier ordre". Non seulement ils �taient condamn�s � mort, mais de plus leurs biens �taient confisqu�s et leur femme r�duite � l'esclavage. Le Ve Dalai Lama avait d�cr�t�:"Les gens du peuple de Lhari Ziba m'�coutent...si vous chercherez � retrouver la libert� et le confort, je donnerai pouvoir � Lhariziba de couper vos bras et jambes, d'arracher vos yeux, de vous battre et tuer." Ce d�cret a �t� r�it�r� � plusieurs reprises par ses successeurs. |
||||