Qui détient la souveraineté sur le Tibet
     
 

Le Tibet se trouve dans la partie sud-ouest de la Chine. Les ancêtres de ses habitants entretenaient avant l'ère chrétienne des relations avec les Han qui vivaient dans les plaines centrales. Durant une longue période, les nombreuses tribus dispersées sur le plateau du Tibet vinrent à s'unifier et devinrent l'actuelle ethnie tibétaine.

Sous la dynastie des Tang (618-907), des unions matrimoniales et des alliances entre les familles royales des Tibétains et des Han leur permirent d'établir des relations amicales et étroites de parenté, et d'étroits liens économiques et culturels, et de s'acheminer vers la création d'un pays unifié. Une statue de la princesse Wencheng de la dynastie des Tang qui épousa en 641 le roi des Tubo est toujours conservée au Potala, à Lhasa, capitale du Tibet, et un "Monument de l'union entre les Tang et les Tubo" érigé en 823 pour marquer l'alliance entre eux se dresse toujours sur l'esplanade du monastère de Jokhang. On peut y lire:"L'Oncle et le Neveu sont convenus d'un commun accord que leurs pays ne font qu'un, qu'ils scellent un traité de grande union qui sera éternel et aura pour témoins les Dieux et les mortels et sera toujours hautement apprécié par les générations à venir."

Au milieu du XIIIe siècle, le Tibet fut officiellement incorporé au territoire chnois sous la dynastie des Yuan. Depuis cette date, il a toujours été sous la juridiction des autorités centrales, malgré les changements de dynastie et de pouvoir central.

Dynastie des Yuan (1271-1368)

Au début du XIIIe siècle, Genghis Khan, chef des Mongols, établit un Khanat mongol dans le Nord de la Chine. En 1247, Sagya Banzhida Gonggar Gyamcan, chef des religieux du Tibet, et le prince mongol Go Tan convinrent, à Liangzhou (actuellement Wuwei, dans la province du Gansu), des conditions de soumission du Tibet aux Mongols. Ces conditions comprenaient entre autres la remise de cartes et de documents, le paiement de tributs et l'acceptation des fonctionnaires envoyés au Tibet. L'Histoire des générations des Sagya rédigée en 1629 contient la lettre écrite par Sagya Banzhida aux dignitaires religieux et laïques du Tibet, dans laquelle il expliquait la nécessité de se soumettre aux Mongols et d'accepter le système administratif local fixé. En 1271, le Khanat mongol baptisa son Etat Yuan, unifia la Chin en 1279 et créa un pouvoir central plaçant à nouveau toutes les régions et toutes les communautés ethniques de la Chine sous une juridiction unifiée, comme sous les dynasties des Han (-206-220) et des Tang. Le Tibet était alors une région administrative sous la juridiction directe des autorités centrales de la dynastie des Yuan qui régnait sur la Chine.

L'empereur de la dynastie des Yuan mit sur pied le xuanzhenyuan (le Conseil des affaires politiques) chargé de diriger les affaires militaires et politiques de la région du Tibet. Il décida lui-même du choix des fonctionnaires de cet organisme qui lui envoyait directement ses rapports. C'était le youchengxiang (premier ministre) du gouvernement central qui culmulait les fonctions de yuanshi (commissaire du Conseil), chargé du pouvoir réel au xuanzhenyuan.

Des organes administratifs locaux des affaires militaires et politiques - Bureau du Commissaire de pacification - furent créés dans la région du Tibet, et dépendaient du xuanzhenyuan. Ils exerçaient leur juridiction sur 13 bureaux de wanhu (dix mille familles) et de qianhu (mille familles). C'étaient les autorités centrales de la dynastie des Yuan qui décidaient de la dénomination des organismes et des postes de fonctionnaires. La dynastie des Yuan envoya aussi des troupes en garnison au Tibet et un prince, dont le titre était désormais héréditaire, avait pour mission de garder l'extrémité est de la région du Tibet, position lui permettant de pénétrer rapidement dans la région en cas de besoin, et de sauvegarder ainsi les frontières. Un chef de wanhu se révolta en 1290 et les autorités centrales de la dynastie des Yuan envoyèrent au Tibet le prince commandant une armée pour réprimer la rébellion.

Les autorités centrales des Yuan dépêchaient des émissaires au Tibet pour y créer différents postes de relais conformément au nombre des familles, à la configuration du terrain et à la quantité des produits. Ces postes de relais formaient un réseau de communications reliant le Tibet à Dadu (Beijing actuel).

Le gouvernement central des Yuan envoya aussi des fonctionnaires procéder au recensement démographique au Tibet afin de déterminer les effectifs de la population corvéable et l'importance des corvées, des produits et de bêtes de somme que les localités devaient fournir le long des postes de relais. Trois recensements démographiques eurent lieu en 1268, 1287 et 1334 et des données détaillées les concernant se trouvent notées dans le Recueil des histoires des Han et des Tibétains, un livre d'histoire en tibétain.

Dynastie des Ming (1368-1644)

En 1368, la dynastie des Ming hérita de la dynastie précédente le pouvoir d'administration du Tibet.

Le gouvernement central des Ming conserva dans la plupart des cas les dénominations et les grades du mandarinat en usage sous les Yuan. Il fonda dans les paties centrale et orientale de l'actuel Tibet le "Commandement de Dbus-Gtsang" et le "Commandement de Mdo-khams" qui dépendaient du Commandement du Shaanxi. Ces services militaires qui correspondaient au poste de commandement d'une zone militaire provinciale s'occupaient aussi des affaires civiles. Les autorités centrales mirent également sur pied le "Siège du maréchal d'Erlisi chargé des affaires militaires et civiles". Les fonctionnaires responsables de ces organismes furent nommés par les autorités centrales.

Etant donné que le bouddhisme et le gouvernement ne faisaient qu'un au Tibet et que les diverses sectes dominaient chacune une région, l'empereur Chengzu (1403-1424), troisième souverain de la dynastie des Ming, nomma les chefs religieux des diverses parties du Tibet "prince de Dharma", "prince" ou "grand tuteur d'Etat" afin de mieux dominer la région. Le successeur d'un prince ne pouvait monter sur le trône qu'avec l'approbation de l'empereur qui envoyait à cette fin un émissaire porteur de l'ordre de nomination. Selon les règlements de la cour impériale, les princes devaient au Jour de l'An envoyer un messager ou se rendre personnellement dans la capitale participer aux cérémonies de célébration à la cour, exprimer leurs vœux et remettre les tributs. Il y avait des dispositions concrètes concernant la durée de leur séjour dans la capitale, le nombre des personnes se rendant à la capitale, leur itinéraire et leur approvisionnement en route. On peut voir aujourd'hui encore des tablettes portant l'inscription "Vive l'Empereur" dans certaines lamaseries du Tibet.

Le Dalai Lama et le Bainqen Lama qui représentent deux systèmes de bouddhas vivants appartiennent aux Gelup-pa, une école du bouddhisme tibétain apparue sous les Ming. Le troisième Dalai Lama était au début le Supérieur d'un monastère de Gelup-pa. Le gouvernement central des Ming lui accorda une faveur exceptionnelle en l'autorisant à venir apporter ses tributs à la capitale. Elle lui accorda en 1587 le titre honorifique "Dorjichang".

C'était aussi les autorités centrales qui punissaient les délits des fonctionnaires locaux du Tibet.

Dynastie des Qing (1644-1911)

En 1644, la dynastie des Qing remplaça celle des Ming et renforça son autorité sur le Tibet. L'empereur nomma officiellement en 1653 le Dalai Lama et en 1713 le Bainqen Lama, consacrant ainsi leur titre de Dalai Lama et de Bainqen Erdini, ainsi que leur position politique et religieuse au Tibet. Le premier, installé à Lhasa, avait autorité sur la plus grande partie du Tibet, et le second, établi à Xigaze, sur l'autre partie du Tibet. En 1719, le gouvernement Qing envoya des troupes au Tibet pour chasser les Dzoungares qui occupaient Lhasa depuis trois ans et se mit à modifier le système administratif du Tibet. L'empereur de la dynastie des Qing nomma un jeune Bouddha vivant de la région de Xikang comme septième Dalai Lama et l'envoya au Tibet sous escorte. Il nomma en même temps quatre hauts fonctionnaires tibétains émérites et prestigieux au poste de galoin chargés de diriger les affaires politiques du Tibet. En 1727, il envoya deux ministres au Tibet, qui, au nom des autorités centrales, surveillaient l'administration locale de la région. Cette année, il fit tracer officiellement les limites entre le Tibet, le Sichuan, le Yunnan et le Qinghai.

Le gouvernement des Qing promulgua maintes fois des règlements pour modifier et améliorer les systèmes anciens et en établir de nouveaux, afin d'assurer un meilleur fonctionnement des organes administratifs du Tibet. En 1793, il promulgua les "Règlements administratifs du Tibet, approuvés par Sa Majesté" qui comprenaient principalement les clauses suivantes:

Le gouvernement des Qing détenait le pouvoir de reconnaître les enfants-incarnations après le décès des grands bouddhas vivants, y compris le Dalai Lama et le Bainqen Erdini. Quand ces enfants-incarnations étaient découverts, leurs noms étaient écrits sur des fiches d'ivoire et celles-ci étaient placées dans une bouteille d'or fournie par les autorités centrales. Le successeur était désigné par tirage au sort en présence des envoyés impériaux au Tibet et des grands bouddhas vivants concernés (la bouteille d'or et les fiches sont maintenant conservées à Lhasa). La cérémonie de rasage des cheveux de l'enfant-incarnation, le choix de son nom religieux, de son maître d'initiation et de son précepteur de canons bouddhiques devaient aussi être soumis à l'approbation de la cour impériale par le commissaire des Qing au Tibet. Les autorités centrales envoyaient aussi un représentant assister à la cérémonie de l'accession au lit bouddhique du Dalai Lama ou du Bainqen Erdini et celle de leur entrée en fonction officielle à l'âge de 18 ans.

Le commissaire des Qing au Tibet qui supervisait au nom des autorités centrales le gouvernement du Tibet était égal au Dalai Lama et au Bainqen Erdini. Les galoin et les fonctionnaires de rang inférieur à ces derniers étaient leurs subordonnés.

Le gouvernement des Qing décidait du nombre des fonctionnaires militaires et civils du Tibet,de leur grade et de leur promotion ou remplacement. Les plus hauts fonctionnaires du Tibet - quatre galoin et six deboin - étaient nommés et rétribués par les autorités centrales.

Il fut décidé de mettre sur pied une armée tibétaine régulière forte de 3 000 hommes, avec un nombre déterminé d'officiers. La provenance de la solde, l'armement et les lieux de garnison furent aussi déterminés par lesdits règlements. Il fut décidé par ailleurs de stationner au Tibet 1 400 officiers et soldats venus du reste du pays. Les armées tibétaine et han furent placées sous le commandement de l'officier envoyé par les autorités centrales.

Il fut décidé de fonder un Hôtel de la Monnaie, chargé comme dans le reste du pays de fondre des monnaies officielles. Les pièces d'argent portaient à l'endroit et à l'envers l'inscription moulée de "Trésor de Qianlong" en chinois et tibétain.

Les revenus et dépenses annuels du Dalai Lama et du Bainqen Erdini étaient vérifiés et contrôlés par le commissaire des Qing au Tibet.

La société entière se chargeait équitablement de la corvée au Tibet. La liste des nobles et des membres de grands monastères qui bénéficiaient d'un exemption de la corvée grâce à leurs mérites devait être approuvée par le commissaire au Tibet et le Dalai Lama qui leur délivraient un certificat à ce sujet.

Les hommes d'affaires venus du Népal et du Cachemire faire du commerce au Tibet devaient être enregistrés et la liste de leurs noms soumise au commissaire des Qing au Tibet, et leurs laissez-passer étaient délivrés par un fonctionnaire responsable. Toutes les demandes de gens de l'extérieur pour aller à Lhasa devaient être visées par le Bureau du commissaire des Qing au Tibet. Ceux des Tibétains qui se rendaient au Népal ou dans un pays devaient obtenir un laissez-passer délivré par le commissaire au Tibet, pour une durée déterminée.

Des bornes fuent érigées en certains secteurs de la frontière entre la partie sud-ouest du Tibet et les pays voisins dont l'Inde et le Népal. Le commissaire au Tibet faisait chaque année des tournées d'inspection pour contrôler la défense et l'état des bornes de frontière.

Le commisaire au Tibet avait autorisé exclusive sur les affaires étrangères du Tibet. Il était interdit aux galoin de correspondre avec une partie extérieure. Quand le Dalais Lama et le Bainqen Erdini recevaient une lettre ou une pétition, ils devaient en faire rapport au commissaire des Qing au Tibet à des fins de contrôle, et celui-ci discutait avec eux pour lui donner la réponse à leur place.

La punition des criminels devait être vérifiée par le commissaire des Qing au Tibet.

Les autorités centrales de la dynastie des Qing envoyèrent en tout une centaine de commissaires au Tibet de 1727 où elles avaient commencé à le fair, à 1911, année du renversement de la dynastie des Qing.

La République de Chine (1912-1949)

La révolution qui éclata en Chine en automne 1911 mit fin à la dynastie des Qing qui avait régné en Chine pendant 270 ans environ et donna le jour à la République de Chine.

Dès sa fondation, celle-ci proclama qu'elle était une république unissant en son sein les Han, les Mandchous, les Mongols, les Hui, les Tibétains et autres communautés ethniques. Dans la déclaration qu'il fit le jour de son entrée en fonction, le premier janvier 1912, le président par intérim Sun Yat-sen, fondateur de la République de Chine, fit remarquer que "l'Etat s'appuyait sur son peuple. Notre unité nationale signifie que nous sommes un pays comprenant des territoires habités de Han, de Mandchous, de Mongols, de Hui et de Tibétains et que ces communautés ethniques sont unies comme un seul homme." Le drapeau national d'alors, un drapeau à cinq couleurs, symbolisait l'union des cinq communautés ethniques. En mars de la même année, la "Constitution provisoire de la République de Chine", premier Constitution de la République publiée par le Sénat provisoire de la République de Chine à Nanjing, stipule formellement que le Tibet fait partie de la République de Chine.

La "Loi organique de l'Assemblée nationale de la République de Chine" et la Loi électorale des députés à l'Assemblée nationale promulguées par le gouvernement de Beijing le 10 août 1912 afin de constituer la première Assemblée nationale officielle de la République de Chine stipulent le mode de participation des habitants du Tibet aux élections et la participation directe des députés tibétains élus à l'administration du pays. Le XIIIe Dalai Lama et le IXe Bainqen Erdini participèrent, en leur qualité de représentants officiels, à la formation du gouvernement national à Nanjing par le Kuomintang de Chine en 1927 et à la convocation de l'Assemblée nationale en 1931. Dans le programme général de la "Constitution provisoire de la République de Chine pendant la période de tutelle politique", le premier article affirme que le Tibet fait partie de la République de Chine. Les représentants du gouvernement local du Tibet et de l'Assemblée Kampus, organe administratif du Bainqen, prirent part au Congrès national tenu en 1946 par le gouvernement national de Nanjing.

Sous la République de Chine, le gouvernement central gouverna le Tibet tout comme l'avaient fait les dynasties des Yuan, des Ming et des Qing. Il mit sur pied en 1912 le Bureau des affaires mongoles et tibétaines (rebaptisé en mai 1914 le Yuan relatif à la Mongolie et au Tibet) pour remplacer le Yuan administratif des affaires mongoles et tibétaines de l'époque des Qing et s'occuper des affaires locales du Tibet. Il nomma un magistrat représentant les autorités centrales au Tibet pour exercer les fonctions que le commissaire des Qing avait assumées en son temps. Après la proclamation du gouvernement national à Nanjing, celui-ci mit sur pied en 1929 la Commission de Mongolie et du Tibet chargée de régler les affaires administratives des régions de minorités ethniques, notamment des Tibétains et des Mongols. En avril 1940, il établit à Lhasa la représentation de la Commission de Mongolie et du Tibet, un organisme permanent du gouvernement central au Tibet.

Conformément aux règles établies dans l'histoire, le Dalai Lama, le Bainqen Erdini et les autres grands bouddhas vivants ne peuvent jouir de leur position légale sur les plans politique et religieux que si leurs titres sont approuvés et entérinés par le gouvernement central. Malgré les menaces extérieures, de fréquents troubles intérieurs et l'affaiblissement du gouvernement central de la République de Chine, les Dalai Lamas et les Bainqen Erdini continuèrent à accepter le fait que leurs titres soient conférés par le gouvernement central, et déclarèrent maintes fois leur volonté de sauvegarder l'unité du pays et de soutenir le gouvernement central. En 1919, le XIIIe Dalai Lama déclara à la délégation du gouvernement central de Beijing:"Ce n'est pas du fond du cœur que je suis probritannique... Je jure d'être attaché à mon pays et de travailler au bonheur des cinq communautés ethniques." Au soir de sa vie (en 1930), il dit:"Je souhaite du fond du cœur que la Chine connaisse une paix et une unité véritables... Nous faisons tous partie du territoire chinois, à quoi bon nous distinguer les uns des autres?" "Il est vrai que les Anglais ont l'intention de me séduire, mais je sais bien qu'il ne faut pas perdre la souveraineté." Il exprima publiquement son intention de "ne pas entretenir de relations étroites avec les Anglais et de ne pas trahir les autorités centrales". (Extrait d'"Une mission au Xikang et au Tibet", écrite par Liu Manqing) Le IXe Bainqen Erdini écrivit dans son testament:"J'ai toujours recherché le but grandiose de soutenir les autorités centrales, de diffuser le bouddhisme, de promouvoir l'union des cinq communautés ethniques et d'assurer en commun la prospérité du pays."

Quand le XIIIe Dalai Lama décéda en décembre 1933, le gouvernement local du Tibet en informa, selon les traditions, les autorités centrales. Le gouvernement national envoya un émissaire spécial assister à la cérémonie funéraire et approuva la nomination du bouddha vivant Razheng à la régence pour exercer par intérim les fonctions du Dalai Lama. Conformément aux règles antérieures, le gouvernement local du Tibet fit rapport au gouvernement central de tout ce qui concernait la recherche de l'enfant-incarnation du XIIIe Dalai Lama. L'actuel XIVe Dalai Lama, né dans la province du Qinghai et nommé à l'origine Lamo Donzhub, fut choisi à l'âge de deux ans comme l'un des enfants-incarnations. En 1939, ayant reçu le rapport du gouvernement local du Tibet, le gouvernement central ordonna aux autorités provinciales du Qinghai d'envoyer une unité armée l'escorter à Lhasa. Après avoir envoyé le président de la Commission de Mongolie et du Tibet Wu Zhongxin examiner la situation à Lhasa, Tchiang Kaï-chek, chef du gouvernement central, approuva la demande du régent du Tibet, le bouddha vivant Razheng, de se passer du tirage au sort au moyen de la bouteille d'or, et le président du gouvernement national émit officiellement l'ordre de ratifier l'accession de Lamo Donzhub au titre du XIVe Dalai Lama.

La République populaire de Chine

La guerre de libération du peuple chinois ayant été couronnée d'une victoire décisive, la République populaire de Chine fut proclamée en 1949. Par suite de la libération pacifique de Beiping, du Hunan, et des provinces limitrophes du Tibet, comme le Yunnan, le Xinjiang et le Xikang, jusque là sous la domination du gouvernement du Kuomintang, le gouvernement populaire central adopta aussi le principe de libération pacifique envers le Tibet, tenant compte des faits historiques et actuels de cette région. Il notifia officiellement en janvier 1950 aux autorités locales du Tibet d'"envoyer une délégation à Beijing négocier la libération pacifique du Tibet". Mais, avec l'appui d'une certaine force étrangère et au mépris des intérêts du pays et du peuple tibétain, le régent Dagzhag Ngawang Songrab et d'autres personnes qui contrôlaient alors le gouvernement local du Tibet, refusèrent la proposition du gouvernement central relative aux négociations de paix. Ils concentrèrent le gros de l'armée tibétaine sur la ligne de Qamdo, dans la partie orientale du Tibet, et construisirent des ouvrages de défense dans le but de résister à l'Armée populaire de Libération. Le gouvernement central se vit donc obligé de lui ordonner en octobre 1950 de traverser le fleuve Jinsha et de libérer Qamdo.

Par la suite, le gouvernement central somma de nouveau le gouvernement local du Tibet d'envoyer une délégation négocier à Beijing. Cette politique constante en faveur des négociations de paix encouragea considérablement les forces patriotes du Tibet et leur apporta un grand soutien. Les personnalités patriotes de la couche supérieure, représentées par Ngapoi Ngawang-Jigme, se prononcèrent énergiquement pour les négociations de paix, et obtinrent une large approbation. Le XIVe Dalai Lama qui accéda au pouvoir avant la date convenue accepta la proposition de négociations de paix. En janvier 1951, il adressa au gouvernement populaire central une lettre dans laquelle il écrit:"Cette fois-ci j'accepte la demande chaleureuse et sincère de tout le peuple tibétain d'exercer le pouvoir moi-même...décide de déférer en paix à son souhait" et d'envoyer une délégation auprès du "gouvernement populaire central afin de chercher à régler le problème du Tibet". Il nomma en février 1951 Ngapoi Ngawang-Jigme premier représentant plénipotentiaire du gouvernement local du Tibet, Kemai Soinam Wangdui, Tubdain Daindar, Tubdain Legmoin et Sampo Dainzin Toinzhub, représentants chargés d'aller à Beijing régler tout ce qui concerne les négociations avec le gouvernement populaire central.

Les représentants du gouvernement populaire central et du gouvernement local du Tibet aboutirent le 23 mai 1951 à un accord sur les problèmes relatifs à la libération pacifique du Tibet et signèrent "l'Accord entre le gouvernement populaire central et le gouvernement local du Tibet sur les mesures concernant la libération pacifique du Tibet" (en abrégé l'accord en dix-sept points). Aux termes de l'accord, le peuple tibétain devait s'unir et chasser les forces d'agression impérialistes hors du Tibet; le gouvernement local tibétain devait apporter une aide active à l'Armée populaire de libération pour lui permettre de pénétrer au Tibet et de consolider la défense nationale; le peuple tibétain avait droit à l'autonomie régionale; les autorités centrales n'apporteraient pas de modification à l'organisation politique en place au Tibet, ni aux statuts et prérogatives préétablis du Dalai Lama et du Bainqen Erdini, et les fonctionnaires de tous les niveaux seraient maintenus à leur poste; la politique de liberté de croyance religieuse serait appliquée, les croyances religieuses, les mœurs et coutumes du peuple tibétain seraient respectées; la langue et l'écriture tibétaines, l'enseignement, l'agriculture, l'élevage, l'industrie et le commerce seraient développés progressivement et le niveau de vie des habitants amélioré; les autorités centrales s'occuperaient sous une direction centralisée de toutes les affaires extérieures de la région du Tibet. L'accord stipulait explicitement, par ailleurs, que touchant les différentes réformes du Tibet, aucune contrainte ne serait exercée par les autorités centrales, et que le gouvernement local du Tibet procèderait à des réformes de sa propre initiative.

Cet accord bénéficia de l'approbation et du soutien du peuple multi-ethnique du Tibet. Du 26 au 29 septembre 1951, le gouvernement local du Tibet convoqua une conférence à laquelle participèrent tous les fonctionnaires ecclésiastiaques et laïques et les représentants de trois grands monastères pour discuter de l'accord. Dans le message au Dalai Lama adopté lors de la conférence, il est dit:"L'accord en dix-sept points que nous venons de signer profite considérablement et incomparablement à la cause grandiose du Dalai Lama, au bouddhisme, aux affaires politiques et économiques du Tibet, et doit sans conteste être appliqué à la lettre." Le Dalai Lama envoya donc le 24 octobre de la même année un télégramme au président Mao Zedong dans lequel il disait:"Sur la base de l'amitié, les représentants des deux parties ont signé le 23 mais 1951 l'accord sur les mesures concernant la libération pacifique du Tibet. Le gouvernement local, les lamas et les populations laïques du Tibet le soutiennent à l'unanimité. Sous la direction du président Mao et du gouvernement populaire central, ils apportent une aide active à l'Armée populaire de libération entrée au Tibet pour consolider la défense nationale, chasser les forces impérialistes du Tibet et sauvegarder l'unité territoriale et la souveraineté du pays." Le Bainqen Erdini et l'Assemblée Kampus déclarèrent de leur côté que "l'accord correspondait complètement aux intérêts du peuple chinois multi-ethnique en général et à ceux du peuple tibétain en particulier". Le 26 octobre de la même année, avec l'appui du peuple tibétain, l'Armée populaire de libération entra à Lhasa.

Après la libération pacifique du Tibet, le gouvernement populaire central et les forces patriotes de la couche supérieure du Tibet œuvrèrent énergiquement à l'application de l'accord en dix-sept points. En 1954, le Dalai Lama et le Bainqen Erdini se rendirent ensemble à Beijing pour participer à la première Assemblée populaire nationale de la République populaire de Chine. Dans le discours qu'il prononça à l'Assemblée, le Dalai Lama exposa les résultats obtenus depuis trois ans dans la mise en pratique de l'accord en dix-sept points et soutint chaleureusement les principes et les clauses concernant l'autonomie régionale des minorités ethniques, contenus dans le projet de la première Constitution de la Chine nouvelle. En ce qui concerne la religion, il déclara:"Le peuple tibétain qui nourrit de profondes croyances religieuses s'est montré fort troublé par la rumeur fabriquée par certaines gens selon laquelle le Parti communiste et le gouvernement populaire veulent détruire la religion. Mais maintenant cette rumeur visant à semer la discorde a fait faillite et le peuple tibétain comprend par sa propre expérience que nous avons la liberté de croyance religieuse." Il exprima sa volonté de transformer graduellement le Tibet en une région prospère et heureuse, sous la direction du gouvernement populaire central et avec l'aide du peuple multi-ethnique. Le 20 septembre, le Dalai Lama, le Bainqen Erdini et les autres députés tibétains votèrent la "Constitution de la République populaire de Chine" avec les autres députés de différentes communautés ethniques. Lors de cette Assemblée, le Dalai Lama et le Bainqen Erdini furent élus respectivement vice-président et membre du Comité permanent de l'Assemblée populaire nationale. Faisant partie du personnel dirigeant du pays, ils exerçaient, selon la Constitution, leur droit de participer à l'administration des affaires d'Etat.

Le 22 avril 1956, le Dalai Lama assuma les fonctions de président du Comité préparatoire de la région autonome du Tibet et déclara lors de la conférence marquant la fondation de ce comité:"J'ai envoyé en 1951 une délégation à Beijing pour négocier avec les représentants du gouvernement populaire central, et sur la base de l'unité et de l'amitié, nous avons signé l'"accord entre le gouvernement populaire central et le gouvernement local du Tibet concernant les mesures de libération pacifique du Tibet". Désormais, le peuple tibétain s'est débarrassé de l'asservissement et de la mainmise exercés par les impérialistes et est revenu au sein de la patrie. Tout comme les peuples des autres communautés ethniques, il jouit pleinement des droits d'égalité nationale et s'est engagé dans la voie lumineuse de la liberté et du bonheur."