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Joseph Nye : La Chine et les États-Unis ne sont pas en situation de guerre froide, mais de rivalité coopérative

French.china.org.cn | Mis à jour le 14. 01. 2019 | Mots clés : Joseph Nye,Wang Xiaohui,La Chine et les États-Unis

En dépit des différences visibles dans les relations actuelles entre la Chine et les États-Unis, la coopération reste bien plus importante, a souligné le politologue américain Joseph S. Nye, éminent spécialiste des sciences politiques, durant une interview exclusive conduite par Wang Xiaohui, rédacteur en chef de China.org.cn, le 10 janvier 2019.

Le politologue Joseph S. Nye, professeur à l'Université Harvard, accorde une interview exclusive à China.org.cn, le 10 janvier 2019 à Beijing. [Photo de Dong Ning pour China.org.cn]


Les relations entre les deux pays ont été confrontées à d'énormes défis en 2018, a noté M. Nye. À la clôture des pourparlers au niveau des vice-ministres sur les questions économiques et commerciales, les perspectives d’un règlement rapide du conflit restent incertaines. Aujourd'hui, certains abordent les relations sino-américaines sous le prisme de la guerre froide, qualifiant même les deux pays d’« adversaires stratégiques ».

Joseph Nye, professeur distingué à l'Université Harvard, préfère quant à lui souligner la nature coopérative des liens entre la Chine et les États-Unis. Selon lui, au lieu de se concentrer sur les aspects négatifs des relations actuelles entre les deux pays, il faudrait penser à leur coopération, car les défis transnationaux sont impossibles à résoudre sans cette dernière.

En ce qui concerne le changement climatique par exemple, « il est impossible pour les États-Unis de résoudre ce problème sans travailler avec la Chine. Il est impossible pour la Chine de le résoudre sans travailler avec les États-Unis », note-t-il, en soulignant que cela est aussi vrai pour la stabilité financière, la gestion des épidémies et d’autres problèmes. « Il est vrai qu’il y aura des tensions, mais il doit y avoir une coopération », affirme-t-il.

Il souligne le contraste entre la situation actuelle entre la Chine et les États-Unis et les relations entre ces derniers et l’Union soviétique à l’époque de la guerre froide. Il n'y avait alors presque pas d’échanges commerciaux ou de relations sociales, alors qu'avec la Chine, « nous entretenons évidemment des échanges commerciaux colossaux, nous avons 370 000 étudiants chinois aux États-Unis, et des millions de touristes d’un côté comme de l’autre. Ce n’est pas comme la guerre froide. Nous ne devrions pas utiliser le langage de la guerre froide. Je parle de rivalité coopérative. »

Les réalisations de la Chine contre la pauvreté sont « bénéfiques pour l'humanité tout entière »

Joseph Nye, célèbre pour avoir inventé les concepts de soft power (puissance douce) et de smart power (puissance intelligente), est admiratif de la réussite de la Chine en matière de réduction de la pauvreté. Le smart power désigne la capacité à associer un pouvoir d'attraction au pouvoir de coercition et à la puissance économique.

Il a noté que la Chine suivait une stratégie de puissance intelligente depuis le 17e Congrès national du PCC. Il a en outre jugé que le « miracle économique » de l'éradication de la pauvreté avait des avantages considérables.

« La Chine a de quoi être fière. Lorsque l’on voit ce qui s'est passé dans le pays, où des centaines de millions de personnes ont été sorties de la pauvreté, on voit une bonne chose pour la Chine. Une bonne chose pour l'humanité tout entière », a-t-il déclaré.

Entre 1978, date de l'adoption de la politique de réforme et d'ouverture, et 2017, la Chine a sorti 740 millions de personnes de la pauvreté, contribuant ainsi à plus de 70 % du travail mondial de lutte contre la pauvreté au cours des quarante dernières années.

M. Nye a conseillé à la Chine de poursuivre ses efforts de soft power, « car le hard power de la Chine, le pouvoir économique et militaire, est en pleine croissance. Si elle parvient à augmenter son pouvoir de séduction, elle sera mieux acceptée par les autres pays".

Le politologue Joseph S. Nye (à gauche), professeur à l'Université Harvard, répond aux questions de Wang Xiaohui, rédacteur en chef de China.org.cn, le 10 janvier 2019 à Beijing. [Photo de Dong Ning pour China.org.cn]


Le slogan « L’Amérique d’abord » a porté un coup dur au soft power américain

Selon M. Nye, le président américain Donald Trump a endommagé le soft power américain avec ses propos prônant « L’Amérique d’abord », ainsi qu’avec sa décision de sortir de l'Accord de Paris sur le climat et d'autres accords internationaux.

M. Nye a indiqué que le classement mondial du soft power en 2018, publié par le cabinet de conseil londonien Portland Communications, montrait que les États-Unis, en tête du classement il y a deux ans, étaient aujourd’hui en quatrième place.

« Cela est visible dans les sondages d'opinion. Lorsque vous avez un slogan comme "L’Amérique d’abord", tous les autres pays se sentent au second rang. C'est donc un bon slogan pour l'opinion nationale américaine. C'est un très mauvais slogan pour l'opinion internationale », a affirmé M. Nye.

Contrairement au slogan de Donald Trump, le professeur est d’avis que le concept du président chinois Xi Jinping sur la « construction d’une communauté de destin pour l'humanité » reflète un esprit de collaboration nécessaire dans le climat mondial actuel.

« Je pense que le slogan du président Xi est une manière d'illustrer ce type de coopération. Ce sera essentiel pour l’humanité. Je dis parfois que nous devons apprendre non pas du pouvoir exercé sur les autres, mais du pouvoir exercé avec les autres », a-t-il expliqué.



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Source:french.china.org.cn