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La littérature nourrit l’amitié entre les peuples

French.china.org.cn | Mis à jour le 09. 11. 2018 | Mots clés : Shaoxing,Lu Xun
Zhou Lingfei (au centre), petit-fils de Lu Xun, prononce un discours à l’occasion de l’inauguration de l’exposition sur les résultats acquis par les Dialogues avec les grands maîtres depuis 5 ans. (PAULINE AIROLDI)


Du 27 au 30 septembre 2018, la ville chinoise de Shaoxing (province du Zhejiang), berceau de la calligraphie et ville natale du grand écrivain chinois Lu Xun (1881-1936), a accueilli le Dialogue sino-français sur la littérature organisé par le Fonds culturel de Lu Xun.

L’héritage de Lu Xun

Figure de proue de la littérature chinoise du XXe siècle, Lu Xun est considéré comme un des fondateurs de la littérature chinoise contemporaine. Auteur de nouvelles, de poèmes, d’essais mais aussi traducteur et enseignant chercheur, sa pensée et son œuvre, qui véhiculent des valeurs humanistes et progressistes, ont profondément influencé la société chinoise contemporaine. Aujourd’hui, le Fonds culturel de Lu Xun, présidé par le petit-fils du grand écrivain, Zhou Lingfei, continue de faire vivre la pensée de Lu Xun et de promouvoir la communication et la compréhension entre les peuples et les cultures par le biais des échanges culturels. En 2014, en réponse à l’appel au respect et à la protection de la diversité culturelle lancé par le président Xi Jinping dans un discours prononcé à Paris au siège de l’UNESCO, le Fonds culturel de Lu Xun, soutenu par le gouvernement municipal de Shaoxing, a initié les Dialogues entre les grands maîtres dans le but de jeter un pont de communication entre la Chine et différents pays. Depuis 2014, ces dialogues ont mis à l’honneur Victor Hugo, Tolstoï, Tagore, Natsume Soseki et Dante. Organisé dans le cadre de ces Dialogues entre les grands maîtres, le Dialogue sino-français sur la littérature est une rencontre littéraire de haut niveau qui a réuni cette année des représentants des scènes littéraires françaises et chinoises, professeurs d’universités, chercheurs, éditeurs, conservateurs de musées, pour mener pendant trois jours de réflexions sur la littérature et l’importance des échanges littéraires dans le monde actuel. Lors de son allocution à l’occasion de l’inauguration du séminaire, Zhou Lingfei a rappelé que ces dialogues littéraires se veulent aussi des dialogues entre les peuples, qui doivent resserrer notre amitié, invoquant la pensée de son grand-père qui considérait l’art comme un canal idéal pour dissiper les incompréhensions et pour qui la sollicitude envers les autres était une qualité humaine essentielle.

Des rencontres sous le signe de l’interculturalité

Le Dialogue sino-français sur la littérature qui s’est tenu en septembre dernier dans le cadre de la 5e Séance annuelle des Dialogues entre les grands maîtres a donc réuni de nombreux spécialistes issus de la sphère culturelle et littéraire chinoise ainsi que six invités français : Gwenaëlle Sifferlen, professeure de lettres modernes au Lycée français de Singapour, Michèle Guéret-Laferté et Myriam Dufour-Maître, toutes deux professeures à l’université de Rouen (France), Thibaut Julian, chercheur au Centre de recherches historiques de l’École des hautes études en sciences sociales (France), Xavier Bonnier, écrivain et professeur de l’université de Rouen et Yves Gagneux, directeur de la Maison Balzac à Paris. Pendant trois jours, les participants ont partagé leurs réflexions sur la littérature et les échanges littéraires sino-français et ont pris part à des activités culturelles riches et variées qui leur ont permis de découvrir Shaoxing, haut lieu culturel de la province chinoise du Zhejiang qui a vu défiler au fil des siècles de nombreux intellectuels chinois, poètes, calligraphes, écrivains et savants. Chaleureusement accueillis par les organisateurs et les participants chinois, les invités français ont été impressionnés par le programme du séminaire. Yves Gagneux a salué « une organisation exemplaire », Michèle Guéret-Laferté nous a confié avoir été impressionnée par le cadre imposant et la rencontre avec le petit-fils de Lu Xun. Myriam Dufour-Maître a quant à elle déclaré : « Je découvre émerveillée la culture chinoise. »

La ville de Shaoxing dans la province du Zhejiang, ville natale de l’écrivain Lu Xun

Un programme riche et diversifié

Le dialogue s’est ouvert par une série de réflexions portant sur des thèmes aussi variés que l’enseignement et la diffusion de la littérature étrangère, les paysages littéraires de la Chine et de la France actuelles, la place de la littérature dans la communication sino-française etc., et des études de textes littéraires qui ont permis de dégager un certain nombre de problématiques. La deuxième matinée s’est déroulée dans un amphithéâtre de l’université des langues étrangères Yuexiu du Zhejiang en présence d’étudiants en littérature et en français. Les invités français ont ensuite proposé un aperçu des scènes littéraires contemporaines chinoise et française à travers la présentation de dix œuvres de leur choix. Un bilan de l’histoire de la communication entre les littératures chinoise et française a ensuite été dressé, et la matinée s’est achevée sur des propositions quant aux perspectives d’évolution pour l’avenir. Dans l’après-midi, les participants ont pu assister à l’inauguration de l’exposition sur les résultats acquis depuis cinq ans dans le cadre des Dialogues entre les grands maîtres, puis au spectacle donné en l’honneur du 5e anniversaire de ces dialogues. Le dialogue s’est terminé par une activité culturelle autour de la calligraphie chinoise organisée par Dong Qiang, directeur du Département de français de l’université de Beijing. Sur le site du pavillon de Lanting, lieu sacré de la poésie et de la calligraphie, les invités se sont prêtés à un exercice d’écriture collectif inspiré du jeu d’écriture français du cadavre exquis.

La littérature : un canal de compréhension entre les peuples

Ce Dialogue sino-français sur la littérature a été l’occasion de rappeler l’importance des échanges littéraires pour encourager la compréhension mutuelle entre les peuples. Car comme l’a souligné Xu Baofeng, professeur de l’université des langues et cultures de Beijing et directeur du Centre de recherches sur la diffusion et la traduction de la culture chinoise à l’étranger du ministère de la Culture, « la traduction, ce n’est pas seulement la transmission de la langue mais c’est, au-delà, la transmission de la culture. La Chine et la France sont des pays riches de culture, il faut plus d’activités fructueuses. » Dans son allocution inaugurant le séminaire, Zhang Bojiang, secrétaire général du Comité du Parti de l’Institut de recherche littéraire, de l’Académie des sciences sociales de Chine, a rappelé pour sa part la dimension constructive des échanges culturels qui permettent « d’ouvrir de larges horizons ». Lu Xun, Victor Hugo, Dante « ne sont pas simplement les maîtres de Chine, les maîtres de France, les maîtres d’Italie, ce sont tous de grands artistes qui parlent de l’être humain dans ce qu’il a de plus universel », a affirmé Yves Gagneux. « Et c’est ce qui justifie parfaitement ces dialogues entre les grands maîtres qui permettent aussi de faire comprendre à tous que l’humanité est une, que les valeurs sont communes et que si chaque pays a sa propre culture, tous se rejoignent dans leur intérêt pour l’être humain. » Par sa dimension universelle, la littérature est un vecteur de communication et de compréhension essentiel pour l’humanité. Les échanges littéraires sont, contrairement aux échanges commerciaux, désintéressés, et par là même peut-être encore plus importants.

Encourager les inspirations réciproques

Plusieurs participants ont par ailleurs souligné le rôle essentiel de ces échanges pour la création littéraire. Au sujet des Dialogues entre les grands maîtres, Yves Gagneux s’est déclaré « très admiratif des efforts qui sont faits depuis cinq ans pour diffuser la culture chinoise et pour montrer que Lu Xun doit aussi une partie de son inspiration à la France, à la Russie, à l’Italie, au Japon ou à l’Inde. » Il a également insisté sur l’importance de la transmission de la culture et de la littérature aux jeunes générations puisque « les maîtres du passé, c’est notre culture, ce sont nos racines, sans racine un arbre ne pousse pas. » Thibaut Julian a pour sa part repris la métaphore du sinologue français François Cheng selon lequel les cultures devaient se nourrir mutuellement afin d’engendrer de « salutaires métamorphoses ». Autant de voix qui confirment la nécessité de transmettre les chefs-d’œuvre des penseurs et des philosophes et d’encourager le dialogue culturel, une mission que les organisateurs des Dialogues entre les grands maîtres ont à cœur de mener à bien.

Les problématiques mises à jour

Les discussions menées dans le cadre du Dialogue sino-français sur la littérature ont également laissé apparaître un déséquilibre dans la diffusion et la connaissance de la littérature chinoise et française. C’est en tout cas le constat de Xu Baofeng, qui a affirmé lors de son allocution intitulée « Flux et reflux de la communication entre les littératures chinoise et française » que « les Chinois connaissent mieux la littérature française que l’inverse » et qui s’est donc interrogé sur les raisons de ces inégalités qui proviennent en partie du fait que la Chine a, depuis la mise en place de la réforme et de l’ouverture, fait apparaître un désir croissant d’ouverture et accéléré l’introduction de la littérature française en Chine, ce qui s’est traduit par la mise en place d’initiatives et d’activités d’échanges telles que le prix Fu Lei qui récompense chaque année des traductions d’œuvres françaises en chinois, le festival Croisements qui a lieu chaque année en mai et juin dans plusieurs villes de Chine, ou encore le mois de la lecture à Shenzhen. Hu Xiaoyue, responsable de la Maison d’édition Haitian, a confirmé qu’en Chine « l’édition de la littérature française contemporaine marche très bien ». Avant d’ajouter : « Nous avons importé énormément de livres, la Chine est devenue le pays qui importe le plus de livres français. En 2012, la France n’a importé que 0,5 % de livres de Chine alors que la Chine a importé 11,5 % de livres français, il y a donc une grande divergence. »

Des propositions encourageantes

Pour remédier à ce déséquilibre, Hu Xiaoyue explique que le gouvernement fournit des subventions pour aider les éditeurs à organiser des activités de promotion de la littérature chinoise à l’étranger et notamment en France, et pour inviter des auteurs français en Chine. Mais selon lui il est nécessaire d’améliorer la qualité des traductions et de renforcer la promotion de la littérature chinoise en France, notamment par le biais des médias. Selon Meng Xiaomin, professeure de français à l’université du Zhejiang, il est nécessaire que l’édition française participe également à cet élan de promotion de la littérature chinoise. Xu Baofeng considère quant à lui qu’il faut encourager la venue d’écrivains étrangers en Chine et augmenter la fréquence des échanges entre les écrivains chinois et français afin de créer des liens plus étroits entre ceux-ci qui leur permettent de surmonter plus facilement les différences culturelles et de pallier aux méconnaissances. Il a aussi souligné la nécessité d’améliorer les traductions, ce qui doit passer par la formation de sinologues qui aient une excellente compréhension de la Chine et de la langue chinoise. Du côté des enseignants français, Gwenaëlle Sifferlen confirme qu’en France, les étudiants en lettres connaissent généralement peu la littérature chinoise et qu’à l’avenir, il serait souhaitable que les enseignants en France incitent leurs étudiants à aller vers la littérature chinoise. Enfin, Thibaut Julian a rappelé que les institutions culturelles telles que l’Institut français, ou encore l’ambassade de France avaient un rôle clé à jouer dans la promotion de la culture chinoise auprès du public français et qu’il fallait continuer d’encourager les échanges universitaires entre la Chine et la France.

Les dialogues littéraires organisés par le Fonds culturel de Lu Xun sont donc salutaires pour la vitalité des échanges culturels entre la Chine et le monde car ils ouvrent l’accès à la culture chinoise. si l’on en croit les propos de Michèle Guéret-Laferté qui a déclaré à l’issue des échanges, « nous allons devenir beaucoup plus attentifs à la culture chinoise, lire, c’est un moyen essentiel de rencontres », l’objectif est atteint.

PAULINE AIROLDI, membre de la rédaction


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Source:french.china.org.cn