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Les forêts de bambou à la pointe de l’innovation

French.china.org.cn | Mis à jour le 09. 05. 2018 | Mots clés : Chine-Afrique
Arpentage en Ethiopie

cLes découvertes et avancées scientifiques devraient ouvrir les marchés du carbone dans l’industrie et l’agriculture pour les bambouseraies traditionnelles.

Les scientifiques chinois ont franchi une étape sur la fonction de séquestration du carbone des forêts de bambou, donnant ainsi la possibilité aux agriculteurs d’accéder à un nouveau marché : le commerce du carbone. Ce marché devrait augmenter le revenu des agriculteurs, favoriser une économie durable et dynamiser le développement social.

Le bambou n’est pas une simple plante en Chine. Durant des millénaires, il a été vénéré comme le symbole du caractère noble et vertueux. Selon Lou Yiping, ambassadeur pour la protection des bambouseraies dans le monde et distingué par l’Organisation internationale du bambou et du rotin (INBAR), le bambou offre une solution pour réduire la pauvreté et lutter contre le changement climatique.

Le docteur en sciences Lou, dirige le Centre de recherche Chine-Afrique sur la forêt et l’agriculture (CAFOR) à l’Université de sylviculture et d’agriculture du Zhejiang. Il a débuté ses travaux sur les bambous en 1984 après ses études universitaires. Il s’est tout d’abord intéressé à la gestion et l’écosystème des forêts de bambous à l’Académie de sylviculture de Chine. En 1999, il a rejoint l’INBAR, la première et seule organisation intergouvernementale basée en Chine, élargissant son champ de recherche sur le bambou : bienfaits environnementaux, actions durables, certification des forêts, développement durable reposant sur les communautés, réduction de la pauvreté et protection de la biodiversité.

En 2012, M. Lou est nommé directeur du CAFOR, émanation de l’Université de sylviculture et d’agriculture du Zhejiang et de l’INBAR, dont l’objectif est la promotion, de la Chine vers les pays africains, des sciences agronomiques et des technologies afin d’aider les populations locales à éradiquer la pauvreté grâce, notamment, à la ressource du bambou.

Vers 2002, M. Lou a orienté ses recherches sur le rôle du bambou dans la lutte contre le changement climatique. Après quinze ans de travail acharné, M. Lou et son équipe ont fait des percées techniques essentielles : le calcul de la capacité de séquestration du carbone par les forêts de bambou, la stabilisation et la réduction des émissions. Ils ont aussi effectué des recherches sur les méthodes de mesure et les paramètres caractéristiques des forêts de bambou en tant que puits de carbone, et ils ont créé cinq méthodologies dans ce domaine qui sont devenues des standards nationaux et internationaux. Ces résultats offrent la possibilité de l’accès au marché international du carbone aux forêts de bambou en tant que puits de carbone.

En janvier 2018, M. Lou et son équipe ont remporté le second prix du Concours national pour les progrès scientifiques et techniques 2017 en présentant des innovations portant sur le contrôle du puits de carbone des forêts de bambou et sur la réduction d’émission de CO2.

Lou Yiping mesure des bambous à Madagascar

La science est une force de production fondamentale

Lors de la Conférence nationale de l’innovation scientifique 2016, le président Xi Jinping a déclaré :« Pour être une nation forte et avoir une vie meilleure, la clé réside dans les sciences et technologies avancées. » Le contrôle du puits de carbone des forêts de bambou et les techniques de réduction d’émission apportent de vrais bénéfices économiques aux agriculteurs.

Le bambou est un type d’herbe ligneuse qui compte environ 1 400 espèces dans le monde dont 500 en Chine. Cousin du riz et du blé, le bambou a un cycle de croissance court avec un rendement et une valeur économique élevés. Certaines espèces de pousses de bambou peuvent grandir d’un mètre en une seule nuit, atteindre leur taille adulte en quelques mois et devenir matures en à peine trois à cinq ans pour être prêtes à couper.

Les bambous sont largement employés dans les matériaux de construction, les conteneurs de transport, les revêtements de sol, la fabrication du papier, les ustensiles du quotidien comme les baguettes et les cure-dents. Les nouvelles industries comme les produits à base de fibre de bambou, l’alimentation saine ainsi que le tourisme ont connu une croissance rapide ces dernières années. « Comme le bambou est fin et élastique, il nécessite une main-d’œuvre manuelle dans les premiers processus de transformation », explique M. Lou, qui s’est impliqué dans le développement de la chaîne de valeur du bambou pour les communautés rurales. « L’industrie à forte intensité de main-d’œuvre offre de nombreuses opportunités d’emplois pour les communautés rurales pauvres dans les régions forestières », poursuit M. Lou.

Dans un contexte marqué par le changement climatique, le bambou dépasse, toutefois, la seule importance économique. Les plantes à feuillages persistants ont des systèmes de racine-rhizomes profonds et bien développés qui donnent au sol une bonne capacité de fixation. Cette propriété permet au bambou de prévenir efficacement l’érosion des sols, d’aider à protéger les forêts naturelles et la biodiversité. Le bambou a une bonne croissance à différents altitudes, climats et reliefs, si bien qu’il contribue à augmenter le volume des ressources forestières et se trouve être aussi le meilleur remplaçant des produits à base de bois, permettant de réduire la pression sur les forêts naturelles.

Ces propriétés pour atténuer le changement climatique ont servi de base à la technique primée de M. Lou, qui, pour être bref, vise à utiliser les valeurs du marché potentiel des forêts de bambou comme puits de carbone à travers un décompte scientifique et des méthodologies de surveillance.

Un puits de carbone fait référence à la fonction de la forêt qui capture le dioxyde de carbone et le stocke dans le sol et les plantes, afin de réduire les gaz à effet de serre et atténuer le changement climatique dans le monde. Le système de commerce international du carbone a été mis en place à partir d’une approche théorique. Ce système a été validé par la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (UNFCCC) et le Protocole de Kyoto et est entré en vigueur en 2005. Chaque pays a reçu un quota correspondant d’émission de dioxyde de carbone. Celui qui dépasse son quota doit acheter le quota d’autres pays.

Pour son grand potentiel de séquestration du carbone, le bambou est sans aucun doute le type de forêt qui permet d’accéder au marché de la réduction d’émission. Le manque de techniques fait cependant obstacle à son accès, ce qui en retour gêne le développement du marché du carbone pour les forêts de bambou.

Cette situation et les problèmes mentionnés soulignent bien la valeur de l’innovation apportée par M. Lou et son équipe. L’équipe a confirmé les caractéristiques des forêts de bambou comme une source et un puits de carbone et a calculé la réserve de carbone et l’allocation d’espace nécessaire. La recherche a systématiquement clarifié les controverses sur le rôle des forêts de bambou dans la séquestration du carbone, et mis en évidence qu’elles ont un potentiel et une capacité de puits de carbone énormes. Pour la première fois dans le monde, l’équipe a mis au point cinq méthodologies clés pour contourner ces difficultés et faire entrer les forêts de bambou sur le marché du carbone.

Les méthodologies relient effectivement les règles internationales avec le marché réel. Une passerelle a été construite pour les plantations traditionnelles de bambou pour entrer sur le marché du carbone. En 2015, le premier puits de carbone dans une forêt de bambou a été mis en place en Chine à Tongshan, dans la province du Hubei, générant 194 000 tonnes de réduction des émissions certifiées. M. Lou et son équipe ont également aidé cinq districts, dans la province du Zhejiang, à développer plus de 20 000 hectares de forêt de bambou en tant que puits de carbone, produisant un total de 4,3 millions de tonnes de réduction des émissions certifiées. L’équipe de Lou a aussi facilité la création de la première zone forestière de puits de carbone expérimentale et la première zone de puits de carbone de forêt de bambou au monde. Ces deux zones se situent respectivement à Lin’an et Anji dans la province du Zhejiang, réalisant l’accès au marché d’échange du carbone.

La plantation des forêts de bambou pourrait obtenir un revenu supplémentaire à travers le système d’échange du carbone, tandis que les retombées économiques inciteront plus d’entreprises et d’organisations à participer. Cela devrait amplifier les liens entre l’économie, la société, la sécurité écologique et le développement durable.

La réduction de la pauvreté à l’échelle internationale

Les techniques de contrôle et de surveillance du carbone dans les forêts de bambou ont été employées dans le Zhejiang, l’Anhui, le Fujian, le Jiangxi et dans d’autres grandes zones de production de bambou en Chine. Ces techniques ont également été introduites dans d’autres pays comme l’Éthiopie et le Kenya dans le cadre de l’aide internationale.

À l’échelle mondiale, les forêts de bambou couvrent un total de 32 millions d’hectares et il existe trois grandes régions productrices de bambou : Chine et Asie du Sud-Est, Amérique du Sud, et Afrique. En termes d’utilisation et de transformation du bambou, la Chine occupe, en tant que plus gros exportateur de produits à base de bambou, la première place dans le monde. À partir de 2015, selon des statistiques partielles, la valeur de sortie de l’industrie chinoise de bambou était à 200 milliards de yuans (30,8 milliards de dollars). Voilà pourquoi l’INBAR a installé son quartier général en Chine. Il a célébré son vingtième anniversaire en 2017 et a reçu un message de félicitation du président Xi Jinping à cette occasion.

La sous-exploitation est la cause du manque de reconnaissance de la valeur du bambou. Par exemple, sur le continent africain, pas moins de 36 pays ont des forêts naturelles de bambou totalisant une zone de 1,5 million d’hectares, dont la plupart sont, toutefois, négligées et absolument pas développées. Sans compter le manque de financement, ces pays ne disposent pas de politiques ou de plans nationaux sur l’utilisation des ressources en bambou pour démarrer et coordonner le développement entre les secteurs publics et privés. Les agriculteurs doivent également recevoir la formation requise et assimiler des capacités de construction. Il est donc impossible de créer une chaîne de valeur sur le marché à partir des agriculteurs.

En tant que directeur du Centre de recherche Chine-Afrique sur la forêt et l’agriculture, M. Lou a activement participé à la coopération internationale, notamment l’élaboration de la feuille de route du développement de l’industrie du bambou pour le Rwanda, le Kenya et le Cameroun. Ces dernières années, le gouvernement du Rwanda attache une grande importance à l’industrie du bambou. Grâce au soutien financier de l’Union européenne, de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et de la Banque africaine de développement, l’équipe de Lou a mené à bien des recherches et a donné à voir une image précise du statu quo et des problèmes. Ils ont ensuite formulé pour le Rwanda une stratégie sur dix ans et un plan d’action sur cinq ans, ainsi que des documents préparatoires spécifiques nécessaires pour les recherches associées et les projets pilotes.

En 2014, dans le cadre d’un projet sponsorisé par la Chine via le ministère de l’Agriculture et le ministère des Sciences et des Technologies, M. Lou a conduit des recherches ciblées par pays sur l’agriculture en Afrique et les ressources forestières, les chaînes industrielles et les politiques. La recherche a fourni des informations et un soutien technique non seulement pour les décideurs politiques concernant l’aide aux nations, mais aussi pour les entreprises qui sont susceptibles d’investir en Afrique.

Depuis que l’initiative de « la Ceinture et la Route » a été mise en avant, M. Lou et son équipe ont élargi la recherche et la formation à 31 pays le long du tracé de « la Ceinture et la Route », dont les pays d’Asie du Sud-Est tels que le Timor Oriental, le Bhutan et le Vietnam. À travers la recherche et la tenue de sessions de formation, M. Lou et son équipe ont travaillé dur à la planification et au développement de l’industrie du bambou pour ces pays.

Traditionnellement, le bambou est une matière première en Chine et une plante sous-exploitée en Afrique. Mais les avancées scientifiques et techniques l’ont transformé en une marchandise qui profite aux agriculteurs et favorise le développement durable de la société. Aujourd’hui, grâce à la science et aux innovations techniques, les collines verdoyantes et l’eau translucide constituent une grande richesse.


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Source:La Chine au Présent