La Chine a critiqué jeudi la décision du président américain Donald Trump de bloquer l’acquisition prévue d’une entreprise de semi–conducteurs par un fonds d’investissement soutenu par la Chine, enjoignant les Etats–Unis à ne pas faire de la sécurité nationale un instrument de protectionnisme en passant en revue les fusions et les acquisitions dans les secteurs sensibles, et de traiter les entreprises chinoises avec impartialité. 

M. Trump a pris cette initiative rare en se servant de son pouvoir présidentiel pour empêcher l’acquisition de Lattice Semiconductor par un investisseur chinois, ce qui aura un impact très limité sur le développement du secteur des semi–conducteurs en Chine mais qui pourrait ralentir les fusions et les acquisitions par des entreprises chinoises aux Etats–Unis, et par conséquent, nuire aux entreprises américaines et à l’économie du pays, selon des experts.

Prétextant des préoccupations sécuritaires, M. Trump a bloqué mercredi l’offre de 1,3 milliard de dollars de Canyon Bridge Capital Partners pour acquérir cette entreprise de semi–conducteurs. C’est la 4ème fois seulement qu’un président américain interdit une fusion en plus de 25 ans, selon les médias américains.

La décision a suscité l’inquiétude à Beijing, où le porte–parole du ministère des Affaires étrangères, Gao Feng, a fait savoir lors d’une conférence de presse jeudi que s’il était tout à fait légitime qu’un pays examine les implications des investissements dans les secteurs sensibles au regard de la sécurité nationale, « cela ne doit pas être un instrument de protectionnisme ». M. Gao a par ailleurs demandé aux pays concernés « de traiter les fusions et les acquisitions des entreprises chinoises à l’étranger de manière objective et impartiale, et de créer un environnement raisonnable et transparent pour leur activité ».

Selon des experts, la décision de M. Trump est conforme à la position de plus en plus ferme des Etats–Unis vis–à–vis de la Chine, afin de l’empêcher d’acquérir les technologies des semi–conducteurs et d’autres technologies avancées, mais l’impact est très limité. « Si les Etats–Unis pensent qu’ils peuvent stopper les progrès du secteur chinois des semi–conducteurs en bloquant ces transactions, ils se trompent », a déclaré Xiang Ligang, PDG de cctime.com, un portail chinois du secteur des télécoms, au Global Times. Il estime que les Etats–Unis et les autres pays tentent depuis longtemps de bloquer l’acquisition de ces technologies par la Chine, mais que le secteur chinois connaît une croissance rapide, citant notamment des entreprises de pointe comme Huawei et ZTE. « Nous sommes peut–être derrière les Etats–Unis, mais ce n’est pas comme si nous ne possédions pas ces technologies. Nous avons des centaines d’entreprises et des milliards de dollars de fonds publics pour les soutenir », a ajouté M. Xiang.

Rien qu’en 2016, le nombre d’entreprises chinoises du secteur des semi–conducteurs et autres secteurs concernés est passé de 700 à 1 200 en une année, d’après Liu Kun, vice–président du centre de recherche du secteur des circuits intégrés à CCID, un cabinet–conseil à Beijing. « Les Etats–Unis peuvent bloquer les acquisitions de leurs entreprises, mais il y a tellement d’autres moyens permettant à la Chine d’améliorer ses technologies », a fait savoir M. Liu au Global Times. Un de ces moyens est d’attirer les talents étrangers ou Chinois qui ont été éduqués à l’étranger. Selon lui, la majorité de ces entreprises emploient des salariés qui ont travaillé à la Silicon Valley ou d’autres zones.

Effet dissuasif

Cette initiative ne stoppera pas la Chine, mais elle pourrait surtout isoler les entreprises et les industries américaines dans leur participation au marché mondial dans son ensemble. C’est ce qu’a remarqué Bai Ming, chercheur à l’Académie du commerce international et de la coopération économique de Chine. « Les Etats–Unis sont toujours en position dominante dans les semi–conducteurs, mais le nombre d’intervenants sur le marché s’est accru. Franchement, ce sont les Etats–Unis qui ont besoin du marché et des capitaux chinois pour régénérer le secteur, pas l’inverse », a–t–il dit au Global times.

La décision de M. Trump concerne aussi d’autres transactions, et crée un effet dissuasif pour les futures fusions et acquisitions, a noté M. Bai. « Au bout du compte, ce sont les entreprises américaines qui ont accepté d’être reprises par les entreprises chinoises, car les offres sont attrayantes et les perspectives à long terme leur sont bénéfiques. Si vous cessez cela, les entreprises américaines seront touchées. C’est vraiment peu judicieux. »