Il y a quelques jours, lors d'un symposium avec des experts et savants pour connaître leurs opinions et propositions quant à la lutte contre la corruption, M. Wang Qishan, membre du Comité permanent du Bureau politique du CC du PCC et secrétaire de la Commission centrale du Contrôle de la Discipline du PCC, a recommandé à ces derniers la lecture de L'Ancien Régime et la Révolution, l'ouvrage d'Alexis de Tocqueville, historien et penseur français.

Ce livre a donc subitement fait l'objet d'une attention particulière du public. L'Ancien Régime et la Révolution, ouvrage d'Alexis de Tocqueville (1805-1859), a été publié en 1856 et la version chinoise a été éditée par La Presse Commerciale en 1992, la traduction en chinois ayant été réalisée par Feng Tang et révisée par Gui Yufang et Zhang Zhilian.

Le professeur Gao Yi, doyen de la faculté de l'histoire de l'Université de Pékin et célèbre spécialiste chinois de l'histoire de France, a résumé les idées et les valeurs de cet ouvrage, ainsi que son inspiration pour la Chine d'aujourd'hui en trois points :

Premièrement, le plus grand méfait de l'ancien système était la corruption des dominateurs alors que dans les conditions historiques à la fin de l'Ancien Régime, cette corruption, au lieu de provoquer un déclin économique, a concouru à une prospérité matérielle sans précédent, car le développement de la technique a entraîné une croissance de l'efficacité des richesses créées par le tiers-état, soit les dominés exerçant spécialement les activités productrices. Or, c'est justement cette prospérité qui a accéléré l'arrivée de la Révolution, la prospérité économique sous l'Ancien Régime s'est alors faite sage-femme de la Révolution.

Deuxièmement, la corruption des dominateurs sous l'Ancien Régime se traduisait notamment par la décadence de la noblesse. Au fur et à mesure du développement de la centralisation monarchique (pouvoir monarchique absolu), la noblesse, la classe dominante de la société depuis le Moyen-Age, a perdu sa fonction de gestion de la société et s'est coupée du peuple. Cependant, elle gardait tous les privilèges détestables, en particulier les privilèges relatifs à l'exemption des impôts, et occupait une position avantageuse qu'elle tenait à préserver avec une ténacité accrue, ce qui a aggravé les inégalités sociales, cette maladie opiniâtre de l'ancien régime. Voilà le principal facteur déclenchant de la Révolution française.

Troisièmement, la « politique littéraire », propre à la France, était en grande partie à l'origine des périls de la Révolution française. Autrement dit, des gens de lettres sans liberté ni expérience politique sous l'Ancien Régime, une fois au pouvoir, n'y faisaient rien et ne pouvaient même voir ce que d'autres y faisaient. « Ils devinrent ainsi beaucoup plus hardis dans leurs nouveautés, plus amoureux d'idées générales et de systèmes, plus contempteurs de la sagesse antique et plus confiants encore dans leur raison individuelle ». Et la cause fondamentale de cet état de choses était due à l'absence complète de toute liberté politique. « Tout l'esprit d'opposition politique que faisaient naître les vices du gouvernement, en termes d'Alexis de Tocqueville, ne pouvant se produire dans les affaires, s'était réfugié dans la littérature et les écrivains étaient devenus les véritables chefs du grand parti qui tendait à renverser toutes les institutions sociales et politiques du pays ».