Ren Lanping aurait pu avoir un deuxième enfant sans enfreindre la loi, mais il avait décidé qu'il serait trop coûteux d'en élever un autre.
Ren habite le comté de Yicheng, une des quatorze régions où le gouvernement central, dans les années 80, a testé une politique permettant aux familles rurales d'avoir deux enfants.
Les groupes ethniques et les familles des régions les plus rurales de Chine avaient également échappé à la politique de l'enfant unique.
Ren, qui a 40 ans, prend soin de son fils de 18 ans tandis que son mari travaille dans la ville méridionale de Guangzhou. Aux prises avec les factures médicales de son fils et divers coûts, Ren ne pense pas pouvoir se permettre un autre enfant.
« Elever notre enfant, l'envoyer à l'école et l'aider à construire une maison .. un enfant coûte cher », ajoute Ren.
Préoccupations injustifiées
La politique devait permettre de tester une politique plus souple pouvant conduire à une augmentation démographique du comté.
Dans les années 80, alors que les familles les plus rurales ne pouvaient avoir qu'un seul enfant, en particulier dans les zones urbaines, Liang Zhongtong, professeur à Yicheng, savait que les agriculteurs du comté étaient mécontents de la politique de l'enfant.
Et il était prévisible que limiter le nombre d'enfants qu'un chinois pouvait entraîner le vieillissement de la population et des problèmes démographiques, estime Liang.
Il a suggéré au gouvernement central de permettre aux villageois de Yicheng d'avoir deux enfants.
A Yicheng, les femmes ne sont autorisées à avoir leur premier enfant qu'après l'âge de 24 ans, et le deuxième avant leur trentième anniversaire en supposant qu'elle se soient mariées après 23 ans, et les hommes après 25 ans.
La politique du comté se différencie du reste de la Chine. En vertu de la loi sur le mariage, les femmes peuvent se marier après leurs 20 ans, alors que les hommes doivent attendre leurs 22 ans.
« En retardant l'âge de procréer (à Yicheng) de quatre ans, il n'y aura que quatre générations », a expliqué An Dousheng, directeur du bureau de la planification familiale du comté de Yicheng.
Avant 1985, lorsqu'on pouvait voir partout de grandes bannières portant l'inscription « un enfant, c'est mieux », les responsables locaux ont eu du mal à mettre en place cette politique de l'enfant unique, l'opinion publique s'y étant farouchement opposée.
Che Yuelian, aujourd'hui âgé de 66 ans, était alors un agent local du village du comté de Xiheshui. Le travail a été des plus difficiles car « les villageois insultaient et frappaient les agents, ce qui rendait le travail de persuasion extrêmement difficile », a expliqué Che.
Mais une politique plus souple permettant aux agriculteurs d'avoir un deuxième enfant a permis de considérablement améliorer les relations entre les responsables de l'application de la politique de l'enfant et les villageois.
Comme beaucoup d'autres responsables locaux, An craignait que les villageois ne veuillent un troisième, voire quatrième enfant.
Mais, suite à la mise à l'essai de cette politique, Yicheng n'a pas connu une hausse des naissances.
En effet, deux décennies plus tard, la croissance démographique de Yicheng est beaucoup plus lente que dans d'autres régions de la province du Shanxi.
Et le ratio hommes-femmes dans Yicheng est plus équilibré que la moyenne nationale. Les statistiques de bureau du comté montrent qu'il y a 104 garçons pour 100 filles dans Yicheng. La moyenne nationale est d'environ 118 garçons pour 100 filles, selon le recensement de 2010.
Un désir d'enfant en baisse
La fécondité dans ces zones spéciales a diminué alors que le développement économique et l'urbanisation devenaient plus importants. La moyenne nationale de l'ISF (indice synthétique de fécondité) est inférieure à 1,5 enfants par femme, ce qui est bien en dessous du niveau de remplacement de 2,1. A Yicheng, le taux s'élève à 2.
Les motivations des parents changent en raison du développement économique, a affirmé Liang.
Ren et son mari sont parmi les 8 430 couples mariés (environ 12,5 % des personnes autorisées à avoir un deuxième enfant) de Yicheng à avoir décidé de ne pas avoir de deuxième enfant.
« Le désir de procréation des gens a baissé et depuis plusieurs années certaines régions de notre province connaissent une croissance démographique négative », a ajouté Liang.
La Chine a peaufiné sa politique de l'enfant unique pendant des années. Shanghai a mis au point une politique permettant aux citadins ayant un seul enfant d'en avoir un deuxième.
Et certaines zones rurales ont permis aux parents dont le premiers-né est une fille, d'avoir un autre enfant. |