| Sur l'invitation de Jiang Enzhu, porte-parole de la première session de la XIe APN organisée dans la matinée du 18 mars 2008 au Grand palais du peuple, à Beijing, le Premier ministre chinois Wen Jiabao et les vice-premiers ministres du Conseil des affaires d'Etat Li Keqiang, Hui Liangyu, Zhang Dejiang et Wang Qishan ont rencontré les journalistes chinois et étrangers et ont répondu à leurs questions.
Le Premier ministre Wen a tout d'abord présenté les vice-premiers ministres aux journalistes chinois et étrangers. « La première session de la XIe APN s'est clôturée », a-t-il annoncé. Et d'ajouter : « Au cours de celle-ci, une nouvelle équipe ministérielle a été formée. Je vous présente ici les vice-premiers ministres participant à la conférence. Li Keqiang, à côté de moi, est le plus jeune des vice-premiers ministres, et aussi membre du Comité permanent du Bureau politique du Comité central du Parti communiste chinois (PCC). Hui Liangyu, que tout le monde connaît, était vice-premier ministre du mandat précédent et reste en fonction. Voici deux autres nouveaux vice-premiers ministres, Zhang Dejiang et Wang Qishan, qui étaient auparavant « hauts fonctionnaires locaux ».
Phoenix Satellite Television : Le gouvernement précédent a été confronté à deux reprises à des crises soudaines qui ont soulevé l'inquiétude des Chinois du monde entier : la crise du SRAS il y a cinq ans, pour laquelle on ne connaît pas encore vos initiatives et opinions; la catastrophe des tempêtes de neige et de gel survenue inopinément en Chine méridionale cette année, pour laquelle on vous a aperçu au front de la lutte contre le désastre des tempêtes de neige, quelle est votre impression relative à cette calamité naturelle ? Par ailleurs, à quels défis serez-vous confrontés d'ici à cinq ans ?
Wen Jiabao : Concernant la crise du SRAS qui s'est produite il y a cinq ans, seuls les faits et les actions peuvent être jugés, cependant il convient de discerner la réalité des rumeurs et mensonges, qui doivent chacun faire l'objet d'une justification après coup. L'histoire a été créée et écrite par le peuple. Pour un dirigeant, il faut regarder devant soi, conserver avec résolution l'élan actuel en envisageant l'avenir. Quatre sujets sont au cœur de mes préoccupations.
Premièrement, pour maintenir un développement stable et rapide de l'économie chinoise et juguler efficacement l'inflation, il faut régler le problème de l'instabilité, de manque de coordination et de discontinuité dans le développement économique. La hausse rapide des prix des marchandises et la pression de l'inflation sont les plus grands problèmes actuels, qui comportent un risque caché : des fluctuations éventuelles. C'est pourquoi nous devons faire preuve de clarté et travailler consciencieusement afin de résoudre ces deux problèmes.
Deuxièmement, il faut libérer la pensée dans la réforme des systèmes économique et politique. Mais pour libérer la pensée, il faut avoir le courage, la résolution et l'esprit de sacrifice. Si l'on veut établir une comparaison entre la pensée libérée et la réforme et l'innovation, la première constitue la cause tandis que la dernière constitue les effets.
Troisièmement, il faut préserver l'équité et la justice au sein de la société. Lorsque l'on affirme que la vérité est une valeur prépondérante du système idéologique, dans ce cas, l'équité et la justice sont des valeurs primordiales du régime socialiste. L'équité et la justice consistent à respecter et sauvegarder les droits et intérêts légitimes de chaque personne, de saisir les occasions du développement général sur la base de la liberté et de l'égalité. Lorsque l'on déclare que le développement économique et l'amélioration des moyens d'existence du peuple sont les devoirs impérieux du gouvernement, alors la sensibilisation à l'équité et à la justice au sein de la société forme la conscience du gouvernement.
Quatrièmement, il faut renforcer la construction de la civilisation spirituelle socialiste. Si notre pays possède une loyauté plus chère que l'or, une tolérance plus large que la mer, une moralité plus haute que la montagne et une fraternité plus généreuse que l'amour-propre, c'est qu'il possède une civilisation spirituelle et de moralité. Chers amis, je vous le dis : Pour la puissance nationale, l'équité et la justice de la société, la vie heureuse du peuple, la scolarisation des enfants et pour permettre à notre nation d'obtenir la dignité qu'elle mérite sur la scène internationale, je suis prêt à dévouer tout mon énergie.
Quotidien du peuple : Bonjour M. le Premier ministre, je suis un journaliste du Quotidien du peuple. Pendant la première session de la XIe APN et la première session du XIe Comité national de la CCPPC (en Chine, on a l'habitude de dire : deux réunions), le Quotidien du peuple en ligne a réalisé un sondage en ligne relatif aux « questions brûlantes » ou « Quelles questions souhaiteriez-vous poser au Premier ministre ? » tout comme une dizaine de sites. Le nombre total de participants a atteint quelques dizaines de millions de personnes formulant plus d'un million de questions. Cette forme de sondage est devenue un moyen important de la participation citoyenne. Le problème des prix à la consommation est la première préoccupation des sondés. Vous avez présenté dans votre rapport que la hausse des prix des marchandises cette année sera limitée à 4,8 %, pouvez-vous nous dévoiler les mesures qui seront entreprises par la nouvelle équipe ministérielle afin de réaliser cet objectif ?
Wen : Je naviguais souvent sur Internet au cours des « deux réunions », un grand nombre d'internautes m'a posé et présenté plusieurs millions de questions et propositions. Ce grand nombre de personnes accordant une grande attention aux deux réunions, plus particulièrement au travail du gouvernement avec un tel souci me touche profondément. Leurs opinions et critiques manifestent leur confiance, leur soutien et leur encouragement au gouvernement. Je visitais le site en pensant à ces quelques mots : « Les préoccupations du peuple chinois sont au cœur de mes actions politiques. » Pour quelles raisons ces gens ont-ils posé et présenté avec dynamisme ces questions et propositions sur le site ? Parce qu'ils demandaient avant tout au gouvernement de régler les problèmes. Je ne peux pas répondre à toutes vos questions. Il est vrai, que parmi ces problèmes, le problème du prix des marchandises figurait au premier rang. Depuis le dernier semestre de l'année précédente, les prix à la consommation ont connu une croissance rapide, ce qui a eu une incidence sur le niveau de vie du peuple, notamment pour les citoyens disposant de bas revenu. Le contrôle de la rapide croissance des prix des marchandises et l'inflation est non seulement l'un des motifs d'inquiétude de la population et constitue par ailleurs une mission importante du gouvernement. Nous avons présenté comme objectif annuel de ramener le niveau global de l'indice des prix à la consommation à 4,8 %. A vrai dire, réaliser cet objectif n'est pas une affaire facile. Pour illustrer mes propos, pendant les deux premiers mois de l'année, la Chine a subi des tempêtes de neige sans précédent apportant une grande pression pour contrôler la hausse des prix des marchandises. Malgré ces catastrophes, elle n'a pas changé son objectif, ce qui a illustré la résolution du gouvernement qui considère le contrôle de la hausse des prix et de l'inflation comme sa tâche prioritaire pour cette année, et régule les anticipations de prix des habitants. Au cours de la rapide hausse des prix des marchandises, les prévisions des prix des marchandises sont plus inquiétantes que la hausse des prix des marchandises. Si la Chine a dévoilé ces objectifs c'est qu'elle possède les fondements permettant leur réalisation. Le volume des réserves céréalières du pays varie entre 150 et 200 millions de tonnes. La situation de l'offre des principaux produits industriels qui satisfait la demande n'a pas détérioré. Si nous pratiquons une politique convenable dotée de mesures efficaces, nous serons assurément capables de contrôler la hausse des prix des marchandises.
CNN : J'ai parfaitement conscience que votre fonction vous pousse à assurer les tâches les plus complexes et les plus difficiles au monde. Je désire vous poser deux questions sous le signe du double T (Tibet et Taiwan). Récemment, avec les actes de violences qui se sont produits au Tibet, certaines personnes ont mené une enquête concernant la manifestation pacifique réprimée, le Dalaï-Lama a aussi accusé la Chine d'entreprendre le « génocide culturel au Tibet », certaines personnes appelant même à contrecarrer les JO de Beijing, comment jugez-vous ces opinions et ces critiques ? Ma deuxième question concerne le problème de Taiwan. Vous avez déclaré à maintes reprises que la Chine ne tolère absolument pas l' « indépendance de Taiwan ». Bientôt Taiwan organisera ses élections présidentielles et un référendum concernant l'adhésion du territoire aux Nations unies. Si les motions au sein du référendum sur l'adhésion aux Nations unies venaient à être adoptées, c'est-à-dire que les électeurs estiment que Taiwan doit demander son adhésion à l'Onu au nom de Taiwan, la partie continentale pourrait-elle juger cette initiative une déclaration de l'« indépendance de Taiwan » ? La Chine prendra-t-elle des mesures pour empêcher ce projet ? En outre, si Chen Shui-bian quitte son poste politique actuel, croyez-vous que le dialogue entre vous et le nouveau « président » de Taiwan offrira de plus belles perspectives ?
Wen : Ces deux questions concernent la réunification, la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Chine. Je vais tout d'abord répondre à vos questions relatives au problème du Tibet. Récemment, des actes de violences, de vandalisme, de saccage et d'incendie criminel se sont produits au Tibet, surtout à Lhassa. Le dirigeant gouvernemental de la région autonome du Tibet a présenté hier la situation précise aux journalistes. Pendant cet événement, un petit nombre d'émeutiers ont blessé et tué des habitants innocents, en employant des moyens cruels. Ils ont détruit des véhicules et des installations publiques, brûlé des maisons privées, des écoles et des magasins. Cet incident a gravement troublé l'ordre public normal de Lhassa, endommagé les biens et mis en danger la vie des locaux. Plusieurs faits peuvent confirmer que cet incident a été organisé, prémédité, tramé et supervisé par la clique du Dalaï Lama. Ces actes ont montré que la stratégie de « ne pas chercher l'indépendance et prôner le dialogue pacifique » répétée inlassablement par la clique du Dalaï Lama n'est qu'un tissu de mensonges. Ces mensonges hypocrites ne peuvent couvrir les faits incontestables. Le gouvernement local et les départements concernés ont fait preuve d'une grande maîtrise d'eux-mêmes et en vertu de la Constitution et de la législation, ont rapidement apaisé les débordements, sauvegardé les intérêts des habitants de Lhassa et des peuples de toutes les ethnies du Tibet. Je tiens à vous indiquer que depuis la libération pacifique et l'application de la réforme démocratique du Tibet jusqu'à maintenant, le Tibet a connu le progrès et le développement, le soi-disant « génocide culturel du gouvernement chinois » n'est qu'un tissu de mensonges. Nous sommes non seulement en mesure de sauvegarder la stabilité et l'ordre public normal du Tibet, mais aussi de continuer à soutenir le développement économique et le progrès social du Tibet, d'améliorer le niveau de vie des peuples de toutes les ethnies du Tibet et de défendre la culture et l'environnement écologique du Tibet. Cette position est inébranlable.
Deuxièmement, en ce qui concerne le problème de Taiwan. Le problème de Taiwan se trouve actuellement dans une période sensible, ce qui me préoccupe est de sauvegarder la paix et la stabilité des rives du détroit de Taiwan et de promouvoir le développement commun des deux côtés, cela doit devenir le sujet principal et la mélodie principale des relations entre les deux rives du détroit. Pourquoi la Chine s'oppose-t-elle au recours des autorités taïwanaises au référendum sur l'adhésion aux Nations unies ? Si certaines propositions venaient à être appliquées, cela pourrait sûrement changer l'état actuel : Taiwan et la partie continentale appartiennent toutes deux à la Chine, ébranler les relations entre les deux côtés, léser les intérêts fondamentaux des peuples des deux rives du détroit, exacerber les tensions entre les deux parties et porter atteinte à la paix entre les deux rives du détroit, y compris celles de la région Asie-Pacifique. Je veux réaffirmer de nouveau que les affaires concernant la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Chine doivent être décidées par le peuple chinois, y compris les compatriotes de Taiwan, quiconque voulant séparer Taiwan verra sa tentative se solder par un échec. Je veux encore souligner que nous espérons, sur la base d'une seule Chine, rétablir le plus tôt possible les négociations pacifiques entre les deux rives, sur toutes sortes de problèmes, y compris la fin de l'état d'hostilité entre les deux rives.
Financial Times : Bonjour, je suis un journaliste du Financial Times de Grande-Bretagne. J'ai deux questions, dont une est placée sous le signe du T. Je me rappelle qu'au milieu des années 1990 la Chine était assaillie par la pression de l'inflation. Ralentir la croissance économique était la contre-mesure prise alors par la Chine. Je veux vous demander : si la Chine est de nouveau confrontée à la même pression, projette-t-elle également de ralentir la croissance économique ? Si oui, cela signifie que le nombre de chômeurs progressera. Ma deuxième question : vous avez dit que les dirigeants chinois ne doivent pas se laisser entraver par les « règles des ancêtres », je me rappelle que la Chine n'a jamais établi de dialogue direct avec le Dalaï-Lama, mais il est important d'observer d'autres pays tels que l'Afrique du Sud et l'Irlande du Nord dans la solution de ce type de conflits, ces derniers temps, certains dirigeants prévoyants ont ouvert volontairement le dialogue avec leurs adversaires d'autrefois. C'est pourquoi je souhaite vous poser la question suivante : si le Dalaï-Lama ne recherche plus l'indépendance du Tibet, la Chine aura-t-elle la clairvoyance de l'inviter à Beijing entreprendre des dialogues ?
Wen : Je vous remercie pour cette nouvelle question sous le signe de T. Le gouvernement a présenté deux « mesures préventives » lors de l'élaboration de la politique économique annuelle. La première mesure préventive est d'éviter la dérive économique caractérisée par le passage d'un rythme de croissance légèrement rapide à la surchauffe, ce qui peut nous aider à régler certains problèmes inhérents au fonctionnement économique. La Chine est un pays en développement comptant 1,3 milliard d'habitants, nous devons maintenir un certain rythme de développement économique visant à réduire la pression de l'emploi et à régler les problèmes rencontrés au cours de notre développement. Nous devons trouver un équilibre entre le développement économique et la lutte contre l'inflation. Notre objectif de croissance économique prévue pour 2008 s'élève à 8 % et l'indice des prix à la consommation (IPC) sera contrôlé à hauteur de 4,8 % afin de trouver un point d'équilibre. Je suis parfaitement conscient qu'il s'agit d'une affaire complexe. J'ai déjà indiqué que ce serait une année très difficile pour l'économie chinoise. Quelles sont les principales difficultés ? De nombreux facteurs d'incertitude à l'intérieur et à l'extérieur constituent les principales difficultés, ce qui complique la prise de décision politique. Nous devons suivre de près l'évolution de la situation économique, prendre des mesures politiques adéquates au moment opportun, maîtriser le rythme, l'orientation et la force du contrôle macroéconomique visant à maintenir le développement économique stable et rapide, à régler le problème de l'emploi de dix millions de personnes environ et à juguler efficacement l'inflation. Quant aux résultats, vous pourrez obtenir ma réponse en mars de l'année prochaine. Mes convictions n'ont pas changé : Je ne me détourne pas des difficultés, j'ose d'endosser les responsabilités et je continue d'avancer vaillamment.
En ce qui concerne la deuxième question, nous avons affirmé solennellement à maintes reprises que la porte du dialogue reste ouverte au Dalaï Lama, s'il renonce à sa position sur l'indépendance du Tibet, s'il reconnaît le Tibet et Taiwan comme des parties inaliénables du territoire chinois. Cependant les récents événements qui se sont produits au Tibet ont révélé son visage hypocrite sur ces deux questions-clés. Je veux réaffirmer avec sérieux : il est important d'observer les actions du Dalaï Lama. J'oppose une question à l'autre, les événements monstrueux qui ont eu lieu à Lhassa, les actes de violences produits dans certaines autres régions du pays et des ambassades et consulats chinois frappés par les émeutes y compris, ne le concernent-ils pas ? Nous ne devons pas juger le Dalaï Lama en fonction de ses paroles mais en fonction de ses actions. C
CTV : Vous venez de dire que les regards des dirigeants doivent êtres fixés sur l'avenir. Vous avez présenté les tâches principales pour 2008 dans le rapport d'activité du gouvernement, un avenir assez proche. La nouvelle équipe ministérielle devra exercer son mandat pendant cinq ans. Quel sera le plan de développement économique et social de la Chine pour cette période? Comment faut-il faire pour assurer une croissance économique sans fluctuations importantes tandis que le contrôle macroéconomique est de plus en plus difficile à appliquer ?
Wen : J'ai déjà déclaré l'année dernière que j'étais une personne qui accorde de l'importance à toutes les préoccupations de la population et je considère que celles-ci génèrent l'ordre social. Les cinq ans à venir constituent une période cruciale dans la construction d'une société chinoise de moyenne aisance. Je considère qu'il y a autant d'opportunités et d'espoirs que de difficultés et de risques. J'ai parlé, c'est vrai, seulement des tâches principales pour 2008, je n'ai pas évoqué les tâches des cinq années à venir, car en vertu de la Constitution, la nouvelle équipe ministérielle n'a pas encore été formée. Je dois désormais envisager les tâches qui nous incombent pour les cinq années à venir. Je pense qu'au cours des cinq prochaines années, le gouvernement doit prendre la responsabilité de réaliser un développement plus important de l'économie nationale, une amélioration plus remarquable de la vie populaire, des progrès plus éminents de la société et une évolution plus rapide dans la réforme et l'ouverture du pays que cela n'a été fait par le passé.
A cet effet, il faut mettre l'accent sur les quatre points suivants :
D'abord, il faut limiter de manière efficace l'inflation pour assurer le développement constant et rapide de l'économie nationale. Ce ne sera pas uniquement le travail de cette année, mais également des cinq prochaines années.
Deuxièmement, il faut compter sur l'élargissement des demandes intérieures et l'innovation indépendante dans la restructuration économique ainsi que le changement du mode de croissance économique.
Troisièmement, il faut donner la priorité aux trois tâches suivantes : 1. renforcer le développement de l'agriculture, augmenter l'investissement dans l'agriculture, garantir la croissance constante de la production céréalière, des autres produits agricoles ainsi que du revenu des paysans ; 2. appliquer une politique active d'emploi et créer 50 millions d'emplois au cours des cinq prochaines années ; 3. réaliser les objectifs concernant l'économie d'énergie et la réduction de l'émission des matières polluantes fixés dans le XIe Plan quinquennal et apporter une amélioration significative à l'environnement écologique.
Quatrièmement, nous allons mettre en place quatre systèmes destinés à promouvoir le développement social et l'amélioration de la vie populaire à savoir le système de garantie des fonds de financement de l'éducation obligatoire, le système des soins médicaux et de la santé couvrant les villes et les campagnes, le système de logement fondé sur les HLM et les logements économiques dans les villes, et enfin, le système de sécurité sociale incluant le chômage, le RMS et les soins médicaux.
Nous devons en même temps renforcer et perfectionner le contrôle macroéconomique, mettre en valeur la fonction de base du marché qu'est la répartition des ressources mais également approfondir la réforme des entreprises, la réforme des zones rurales, la réforme des systèmes financiers et fiscaux ainsi que la réforme du gouvernement lui-même.
Deutsche Presse-Agentur : J'ai entendu votre réponse relative au Tibet. J'ai pour ma part également une question : Comment estimez-vous les doutes de certains Occidentaux vis-à-vis à la proposition de boycotter les JO de Beijing ? Par ailleurs, M. le vice-Premier ministre Li Keqiang est présent à cette conférence de presse. Nous savons que vous jouez un rôle important dans la vie politique chinoise et que vous jouerez très probablement un rôle plus important dans l'avenir. Pouvez-vous parler brièvement de vos convictions et concepts politiques ?
Wen : L'organisation de Jeux Olympiques en Chine est un heureux événement pour le monde entier. Nous devons rester fidèle au principe des JO de ne pas politiser cette grande rencontre sportive. En fait, Monsieur le journaliste avez découvert l'essence de l'incident du Tibet. On veut tout simplement inciter les gens à saboter les affaires liées aux JO, dans la tentative d'atteindre leur but inavouable. Je voudrais répéter ici que la Chine est un pays ayant une histoire cinq fois millénaire. L'organisation des JO dans notre pays est un rêve d'innombrables générations de Chinois. Nous espérons que l'organisation d'une telle rencontre sportive permettra de renforcer notre coopération et notre amitié avec les peuples des autres pays ; nous espérons aussi accueillir les meilleurs jeux, satisfaire aussi bien les sportifs que les peuples du monde. Certes, la Chine n'est pas encore très développée, c'est pourquoi la présence de problèmes dans ses préparatifs olympiques est tout à fait naturelle. Or, le vœu des Chinois de mener les Jeux avec succès est sincère. Je suis persuadé que lorsque 1,3 milliard de Chinois souriront au monde, les peuples du monde en feront de même.
Business Times (Taiwan) : Ces deux dernières années, les relations entre les deux rives du détroit de Taiwan ont connu des hauts et des bas sensibles. Cependant, comme vous le savez, leurs interactions économiques et commerciales ont été plus fréquentes. Le développement économique et les politiques de contrôle macroéconomique de la partie continentale ont exercé une certaine influence sur le marché des capitaux de Taiwan. Dans quelques jours, se produira un changement sur l'île de Taiwan. Les citoyens de l'île pensent en fait que quiconque soit élu, ils espèrent un meilleur avenir de Taiwan et un meilleur développement économique, pour le moins que Taiwan suive le rythme de la concurrence économique régionale. Dans ce contexte, Monsieur le Premier ministre, après le 22 mars (NDLR. : date prévue pour l'élection du leader de Taiwan), est-il possible que la partie continentale entreprenne des échanges plus approfondis dans le domaine de la coopération économique et commerciale avec Taiwan, et adoptera-t-elle davantage de mesures préférentielles envers Taiwan. Les deux rives pourront-elles négocier un accord tel que le CEPA par exemple, de plus les autorités continentales pourront-t-elles donner un accès direct pour redresser le marché des capitaux de Taiwan ?
Wen : Madame la journaliste, veuillez transmettre mes salutations aux compatriotes de Taiwan. Comme vous l'avez dit, les relations économiques et commerciales entre les deux rives ont connu un grand progrès ces dernières années, ce qui est favorable aux intérêts fondamentaux des habitants des deux côtés du détroit de Taiwan. Le moyen d'approfondir ces relations a été très clairement expliqué dans mon Rapport d'activité du gouvernement, il s'agit de poursuivre les échanges économiques et commerciaux, notamment de réaliser le plus tôt possible le transport aérien et maritime direct, la communication postale directe et le commerce direct. Le renforcement des relations économiques et commerciales entre les deux rives peut être résumé en huit mots : renforcer la coopération et viser le résultat gagnant-gagnant. C'est un principe fondamental. Nous remplissons notre engagement sérieusement et nous nous efforçons d'accomplir tout ce qui est favorable aux compatriotes de Taiwan. Depuis 2005, nous avons mis en application à peu près soixante mesures avantageuses envers eux. Pour leur intérêt, nous voulons même faire des sacrifices nécessaires, le commerce entre le continent et Taiwan par exemple. Pendant bien des années, Taiwan a maintenu une balance favorable considérable. En 2007, le commerce bilatéral a dépassé 120 milliards de dollars tandis que la balance favorable de Taiwan excédait 70 milliards de dollars. Aujourd'hui encore, Taiwan interdit à plus de 2 000 de nos produits d'accéder à ses marchés. Même ainsi, nos marchés, y compris nos marchés de produits agricoles, sont toujours ouverts à Taiwan. Au moment le plus difficile des compatriotes de Taiwan, nous avons proposé de notre chef de les aider à vendre des produits agricoles et secondaires tels que les fruits. Aujourd'hui encore, Taiwan restreint l'investissement des entreprises continentales dans l'île, or, plus de 70 000 entreprises taiwanaises sont installées sur le continent, pour un montant d'investissement total de 48 milliards de dollars. Si l'on y ajoute les entreprises entrées en Chine via un pays tiers, le montant de leurs investissements dépasse 70 milliards de dollars. Nous continuerons d'étendre la sphère des échanges économiques et commerciaux avec Taïwan, que ce soit dans le domaine de l'investissement, du commerce, du tourisme ou des finances, et d'élever le rang de notre coopération. Nous pourrons négocier sur ces problèmes sous le principe de l'égalité et des avantages mutuels. Cela nous permettra de mettre en valeur les points forts de chacun.
Reuters : Aujourd'hui, une personne du nom de Hu Jia est jugé à Beijing sous l'accusation de « subversion de l'Etat ». Je souhaiterais connaître votre commentaire vis-à-vis de l'opinion internationale, qui critique que le fait que la Chine ait renforcé avant les Jeux Olympiques l'arrestation de dissidents et critiques du régime. La Chine n'a pas encore signé la Convention internationale sur les droits civiques et politiques. Envisage-t-elle de ratifier cette convention avant les JO ?
Wen : Vous avez mentionné un cas particulier. Je peux vous affirmer sans ambages que la Chine est un pays qui respecte la légalité. De tels problèmes seront traités conformément à la loi. L'affirmation qui prétend que nous arrêtions des personnes émettant des opinions différentes avant les JO comme certains l'ont avancé, est de la pure fiction. Ce n'est absolument pas le cas. Nous sommes désireux de faire progresser les réformes du système politique y compris la réforme du système judiciaire. Cette dernière vise la réalisation de l'équité de la justice, cela requiert que la justice conserve son indépendance. Nous avons franchi un grand pas dans la réforme judiciaire, pour citer un exemple, la Cour populaire suprême a rétrocédé son pouvoir de décision finale de la peine capitale et restreint strictement les jugements de peine de mort. En ce qui concerne la Convention internationale sur les droits civiques et politiques que vous avez mentionnée, nous sommes en train de coordonner les diverses parties pour que le droit intérieur s'harmonise avec le droit international, et nous ratifierons la convention le plus tôt possible.
Radio populaire centrale de Chine : La présente réforme des organismes du Conseil des affaires d'Etat en est la sixième depuis 1982. L'APN a ratifié le plan de réforme. Monsieur le Premier ministre, comment le gouvernement effectuera-t-il ce plan ? En particulier, comment le gouvernement, les autorités locales incluses, renforcera-t-il sa rénovation afin de construire un gouvernement au service de la population ?
Wen : Nous avons largement débattu de la réforme gouvernementale et la réforme des institutions gouvernementales. Aujourd'hui, pour vous répondre, je tiens à exposer trois points. Premièrement, le gouvernement et tous ses organismes appartiennent au peuple. Respecter la Constitution et la loi est le principe fondamental dans les activités du gouvernement. Le gouvernement est là pour garantir la liberté, les propriétés et la sécurité des citoyens. Par le terme de « services publics », nous entendons « servir les intérêts fondamentaux de la population ». Il nous faut, tout en renforçant comme de par le passé les régulations économiques et le contrôle des marchés, accorder une plus grande considération à l'administration sociale et aux services publics.
Deuxièmement, le fonctionnement du gouvernement sous le soleil nécessite l'ouverture et la transparence. C'est quand le gouvernement connaît la situation des couches laborieuses et des masses populaires qu'il est à même de réaliser des progrès, en revanche, c'est quand le peuple connaît l'authenticité des activités du gouvernement que le peuple peut apporter un soutien énergique et formuler des critiques raisonnables au gouvernement. Mes collègues ici présents et moi-même comprenons tous que lorsque l'on place le peuple au sein de notre cœur que celui-ci nous permet de rester sur le trône.
Troisièmement, je voudrais parler des finances publiques. C'est un sujet rarement abordé. Nous poursuivrons la réforme du système financier, afin d'optimiser la structure des finances publiques, de réaliser le changement du mode de la croissance économique et d'améliorer les conditions de vie du peuple et l'environnement écologique. En réalité, l'histoire financière d'un pays est bouleversante. On y lit non seulement l'évolution économique, mais aussi les structures sociales et le degré d'équité et de la justice. Nous sommes déterminés à faire avancer la réforme du système financier dans les cinq années à venir pour que l'argent du peuple apporte davantage d'intérêts au peuple.
AFP : Je crois qu'à l'heure actuelle de nombreux confrères ici présents espèrent aller à Lhassa voir de leurs propres yeux la situation locale. Actuellement, il est interdit aux étrangers de se rendre sur place et certains étrangers déjà présents au Tibet en ont été exclus. C'est pourquoi nous espérons particulièrement que des médias indépendants ou des personnalités indépendantes seront autorisés à se rendre à Lhassa pour réaliser un travail d'investigation sur les évènements. Comment commentez-vous, Monsieur le Premier ministre, un tel appel ? Et quelle est votre réaction ? Nous souhaitons savoir la chose suivante : si les autorités chinoises sont tellement confiantes dans la véracité des faits qu'elles ont déclarée, pourquoi n'autorisent pas elles les étrangers ou les personnalités indépendantes à se rendre au Tibet ?
Wen : Nous comprenons l'attention que la presse étrangère accorde à la situation de Lhassa. Je pourrais vous dire que l'incident de Lhassa a été apaisé dans l'essentiel. Lhassa sera certainement rouverte, nous allons penser à organiser des voyages pour que les médias de l'extérieur du territoire chinois puissent y réaliser des investigations sur place.
Bloomberg : Ce matin, les places boursières asiatiques ont connu une chute vertigineuse. La Bourse de Shanghai a baissé de 3 %, celle de Hongkong, de 1,7 %, le taux de parité dollar-yen est tombé au niveau le plus bas depuis douze ans tandis que celui entre le yuan et le dollar, a atteint un sommet depuis douze ans. Cette année, le développement économique nécessitera un point d'équilibre. S'il vous plaît, quelles politiques monétaires et quel taux de change appliquerez-vous pour arriver à ce point d'équilibre, c'est-à-dire entre l'assurance d'un taux de croissance adéquat de l'économie chinoise et l'endossement de la responsabilité imputable à la Chine dans le glissement de l'économie mondiale ? Lors du krach financier asiatique en 1997 et 1998, le yuan chinois n'était pas ouvert, ce qui était un motif d'assurance pour la région asiatique. A ce moment où l'économie planétaire se dégrade, la Chine donnera-t-elle une plus grande liberté aux fluctuations du renminbi ?
Wen : Récemment, sous l'influence de la crise des crédits secondaires des Etats-Unis, le dollar est dévalorisé, on a baissé à plusieurs reprises le taux d'intérêt, le prix du pétrole reste très élevé, il atteint déjà 110 dollars le baril. Ces éléments ont affecté les bourses mondiales, d'où des va-et vient à grandes enjambées. Je prête une grande attention à l'économie mondiale, en particulier à l'économie des Etats-Unis et j'en suis profondément soucieux. Si la Chine applique une politique monétaire restrictive et une politique financière prudente, elle est partie de la réalité du pays, à savoir la marge trop grande de la croissance des investissements, l'augmentation excessive de la masse monétaire et du crédit et l'accélération abusive de la balance favorable du commerce extérieur. Mais étant donné que l'économie chinoise a été intégrée dans la mondialisation, il est impossible que les variations de l'économie mondiale ne se reflètent pas dans l'économie chinoise. Cela étant dit, quand nous appliquons ces politiques, nous devons suivre de près l'évolution de l'économie internationale afin d'adopter immédiatement des contre-mesures souples en fonction de la situation. Il faut évaluer les effets de l'application de nos politiques, un ou deux mois ne suffisent pas à découvrir des problèmes. Pour le moment, je m'inquiète de la dévalorisation inexorable du dollar. Où en est le seuil ? Quelle politique monétaire les Etats-Unis appliqueront-ils ? Comment évoluera leur économie ? En ce qui concerne la réforme du mécanisme de formation du taux de changes du yuan, nous avons déterminé que sa formation suivra l'offre et la demande du marché et en référence des monnaies-panier. Depuis plus de deux ans, le yuan contre le dollar a valorisé de 15 % et cette hausse tend à s'amplifier. Lorsque nous prenons de multiples moyens monétaires, nous devons mesurer les avantages et les inconvénients et recourons à des études et analyses synthétiques, car tant la modification des taux d'intérêts que la mutation des taux de change possèdent deux côtés. Je suis parfaitement conscient que c'est une rude épreuve pour la Chine, mais je peux clarifier que la situation générale de l'économie chinoise est bonne, le marché chinois, en particulier le marché rural, présente un grand potentiel. Nous avons une grande marge de recul ou d'avancement au cours de notre développement. Tel est l'un des points forts de la Chine. Il en résulte notre confiance en la croissance de l'économie chinoise.
Agence Xinhua : Dans le Rapport d'activité du gouvernement, le gouvernement a fait le bilan de ses expériences au cours des cinq années passées en plaçant la libération des esprits à la tête des six expériences. Monsieur le Premier ministre, que veut dire la poursuite de la libération des esprits pour le développement économique et social ? Ma deuxième question : cette année coïncide avec le 30e anniversaire de l'application de la réforme et de l'ouverture. Durant l'Assemblée populaire nationale et la Conférence consultative politique du peuple chinois, les opinions intérieures et extérieures se sont beaucoup préoccupées du processus de la réforme et de l'ouverture et de la direction de cette entreprise dans la période à venir. Monsieur le Premier ministre, aurez-vous d'autres points de brèche concernant la réforme et l'ouverture pendant votre nouveau mandat de cinq ans ? Pouvez-vous les préciser ? Et qu'envisagez-vous pour approfondir la réforme du système politique pour la prochaine étape ?
Wen : Je voudrais formuler des propos sur la question de la libération des esprits. La Chine est un pays qui allie la tradition et la modernité. Au cours des cinq millénaires passés, elle a obtenu son progrès, entre autres, aux réformes constantes. Il y a justement trente ans, Monsieur Deng Xiaoping a appelé à libérer les esprits, à rechercher la vérité à partir des faits, à s'unir et à regarder en avant, faisant ainsi avancer la cause de la réforme et de l'ouverture en Chine. On pourrait se demander le temps que nécessitera la libération des esprits et la réforme et l'ouverture. Je peux répondre nettement qu'elles se poursuivront inlassablement, jusqu'à ce que nous parvenions à la réussite de la modernisation de la Chine. Y compris une fois parvenus à ce stade, nous devrons encore libérer les esprits. Que signifie « libérer les esprits » à l'époque contemporaine ? Premièrement, nous devons continuer à rompre la superstition et nous opposer au culte des livres. C'est ainsi que notre pays peut garder sa vitalité et son dynamisme. Deuxièmement, nous devons nous en tenir à ce que la pratique est le seul critère pour juger de la valeur d'une théorie. Nous encouragerons les recherches, les innovations et les essais entreprenants. Troisièmement, nous ferons des efforts pour que toute personne, en particulier les chefs et les cadres libèrent leur esprit, c'est-à-dire qu'ils doivent être capables de penser indépendamment, d'un œil critique, et faire preuve de créativité. C'est ainsi que toute notre cause pourra progresse sans arrêt.
Indian Times : Nous voyons que ces dernières années, les relations indo-chinoises se sont beaucoup améliorées et développées. Monsieur le Premier ministre, qu'attendez-vous de l'Inde sur les questions du Dalaï-lama et du Tibet ? Ces derniers temps, se sont produits à Dharamsala des incidents et des activités de « marche vers le Tibet ». Quelles sont vos remarques sur le rôle joué par le gouvernement indien dans le traitement de ces affaires et ses actions ? Je vous prie aussi de parler de votre opinion sur la question de la frontière indo-chinoise.
Wen : Comme l'a dit Monsieur le journaliste, les relations sino-indiennes ont connu des améliorations et développements remarquables ces dernières années. Nous apprécions le gouvernement indien pour sa position et ses mesures prises vis-à-vis des activités visant la soi-disant indépendance, incitées par le Dalaï-lama. La question du Tibet est sensible pour les relations sino-indiennes. J'ai eu un large consensus avec les premiers ministres Atal Bihari Vajpayee et Manmohan Singh en la matière. J'espère que le gouvernement indien se réfèrera au consensus auquel nos deux pays sont parvenus et traitera correctement la question du Tibet. En ce qui concerne la question de la frontière commune de nos deux pays, nous avons déterminé un principe d'orientation politique pour la résoudre et nous avons déclenché plusieurs cycles de négociation. Ce problème très compliqué, légué par l'histoire, ne sera pas résolu d'un jour à l'autre. Mais tant que les parties chinoise et indienne feront preuve de sincérité et respecteront le principe de traitement sur un pied d'égalité et de compréhension et concessions mutuelles, je crois que les pourparlers sur la question frontalière connaîtront de nouveaux progrès. L'entrevue a duré deux heures et vingt minutes. A la clôture de cette conférence de presse, le Premier ministre Wen Jiabao s'est déplacé devant les sièges des journalistes, les a salués en serrant la main de certains d'entre eux. Environ mille journalistes ont assisté à cet évènement. |