| Depuis septembre 2006, et plus spécifiquement depuis l'année dernière, le cours des principaux produits alimentaires sur les marchés mondiaux a connu une hausse vertigineuse. L'indice des prix de produits alimentaires compilé depuis 1845 par The Economist a atteint un niveau historique : sa croissance s'est élevée aux alentours de 30 % pour la seule année 2007. Le cours du blé a connu une augmentation de 112 %, celui du maïs, de 47,3 % et celui du riz, de 3,1 %. L'augmentation du cours mondial des céréales est-il véritablement imputable à ce que certains observateurs désignent comme le « facteur chinois » ? Quel rôle la Chine a-t-elle joué dans le domaine de l'industrie agroalimentaire mondiale ? Un journaliste de l'édition d'outre-mer du Quotidien du peuple s'est entretenu avec Ding Shengjun, chercheur à la Direction de recherche scientifique affiliée à l'Administration d'Etat des réserves de céréales.
Question : Les cours du blé et du maïs ont atteint le plus haut niveau de cette décennie. A l'étranger, certains observateurs ont affirmé que la hausse du cours des céréales était imputable aux fortes importations de céréales de la Chine. Comment percevez-vous ce problème ?
Ding Shengjun : Ces dernières années, le marché mondial semblait incontrôlable, le prix des céréales a connu une forte progression, ce qui a eu par la suite des répercussions sociales accablantes. Alors que le marché mondial ne brillait pas par sa stabilité, le prix des céréales a augmenté, certains observateurs à l'étranger ont évoqué la « théorie de la menace chinoise sur les prix céréaliers ». Il y a treize ans, certains avaient déjà décrit avec exagération et des propos pessimistes cette situation se posant la question suivante, qui nourrit la Chine ? On a récemment entendu certains analystes affirmer de nouveau que la hausse des cours des céréales sur les marchés mondiaux était directement imputable aux fortes importations céréalières de la Chine. Cette conception ne correspond absolument pas à la situation chinoise de l'offre et de la demande sur le marché céréalier.
Je peux affirmer devant le monde entier de manière responsable la théorie suivante : La Chine ne constitue pas un facteur haussier pour les cours des céréales sur les marchés mondiaux, de plus, elle représente un facteur stable d'importance. Ces dernières années, la production totale de céréales et les réserves céréalières ont diminué dans le monde, tandis que la production céréalière de l'ensemble de la Chine, a augmenté, l'offre et la demande étaient équilibrés, les réserves ont augmenté, l'approvisionnement du marché était abondant et régulier. Le prix des céréales en Chine connaît tout simplement une augmentation douce et structurelle. La production céréalière totale entre 2004 et 2007 était respectivement de 469,469 millions de tonnes, de 484,022 millions de tonnes, de 497,499 millions de tonnes et de 501,5 millions de tonnes, une augmentation successive sur quatre ans.
Pouvez-vous présenter l'état actuel des réserves céréalières de la Chine ?
A la suite des bonnes récoltes successives, le volume des réserves céréalières augmente sans cesse. Dernièrement, les réserves céréalières de la Chine ont atteint un volume dépassant 35 % de la consommation céréalière totale à l'échelle nationale de l'année précédente et dépassant de loin le niveau minimum de réserves céréalières (17 %-18 %) formulé par la FAO. Parallèlement, le taux d'autosuffisance céréalière de la Chine ne s'éloigne jamais d'un niveau estimé à 95 %. Hormis pour le soja, la Chine a diminué l'importation de céréales et augmenté son exportation, est devenue un pays exportateur de céréales. En 2006, le volume net d'exportation de céréales de la Chine avait atteint 2,85 millions de tonnes. Entre les mois de janvier et de novembre 2007, le volume net d'exportation était de 7,7 millions de tonnes. En décembre 2007, le volume net de farine de blé en provenance de Chine a atteint 133 500 tonnes soit 148 300 tonnes brutes de grains de blé. Cette vision caricaturale qui a été propagée par certains observateurs étrangers s'efface d'elle-même.
En Chine, existe-il un fossé important entre l'offre et la demande céréalière ? Pour quelle raison la Chine importe-t-elle encore chaque année une quantité de céréales ?
Il existe un quasi-équilibre entre l'offre et la demande céréalière de la Chine. Cet équilibre est principalement composé par le riz, le blé et le maïs qui constituent des aliments de base pour les habitants. La production totale de céréales (mesurée en grains) de la Chine entre 2004 et 2006 a atteint respectivement 401,327 millions de tonnes, 417,398 millions de tonnes et 432,521 millions de tonnes. On estime que le volume total de production de 2007 pourrait dépasser celle de 2006, ce qui a jeté une base solide pour la garantie de l'approvisionnement en céréales de base des habitants. Il n'existe pas de fossé entre l'offre et la demande de céréales en Chine.
Il est vrai que la Chine importe chaque année une quantité de céréales. Comme je l'ai déjà précédent mentionné, en 2006, le volume d'importation et d'exportation de céréales était respectivement de 3,6 et de 6,45 millions de tonnes. De plus entre janvier et novembre 2007, les volumes d'importation et d'exportation de céréales s'élevaient respectivement à 1,45 et à 9,15 millions de tonnes. Ces céréales importées sont principalement destinées à la diversification des variétés, c'est une affaire normale dans tous les pays du monde en ce qui concerne le commerce des céréales. La Chine peut notamment fabriquer divers produits alimentaires spéciaux à partir de farines de blé produits issus des grains de blés importés de bonne qualité à usage spécial et des blés locaux. En outre, pour combler le fossé entre la production et les exigences causées par l'augmentation rapide de demande de pousses de soja et d'huile alimentaire de soja et la diminution de la production totale de soja, il faut importer une certaine quantité de sojas. Une grande quantité de soja importé est utilisée comme les matières premières des entreprises de transformation à capitaux mixtes pour la production d'huile végétale, et une partie des huiles végétales circuleront par la suite sur le marché mondial.
La production céréalière totale de la Chine a dernièrement atteint 501,5 millions de tonnes, cela signifie-t-il que la Chine n'a plus de problème alimentaire ?
Votre question possède un sens prospectif qui mérite que l'on y accorde une attention particulière. On doit donner une réponse objective du point de vue de deux aspects, d'une part, comme on l'a déjà mentionné, l'offre et la demande des céréales de la Chine sont presque équilibrées, les réserves nationales de céréales sont abondantes, le cours du marché est stable, la sécurité alimentaire du pays est assurée. D'autre part, vu sous l'angle du moyen et du long terme, la Chine ne peut adopter une attitude légère, et afficher un optimisme sans fondement.
Lorsque l'on envisage l'avenir, la Chine compte cinq « éléments permanents » : la croissance démographique qui se poursuit d'année en année ; la diminution de la surface des terrains cultivés année après année ; l'augmentation de la demande céréalière en raison de l'amélioration du niveau de vie des habitants urbains et ruraux ; le développement continu de l'industrie agroalimentaire et du traitement des grains et céréales utilisant ces dernières comme matières premières ; le principe de la résolution du problème des céréales en puisant sur des ressources autonomes. Cette tendance de développement signifie que la demande céréalière du pays témoigne d'une croissance inflexible, et se trouve globalement dans un état équilibré. En somme, la Chine ne doit pas hésiter à tirer l'alarme en cas de menace à la sécurité céréalière, elle ne peut relâcher sa vigilance, et il faut prendre les mesures qui incombent afin de renforcer efficacement la capacité de production céréalière et d'assurer une augmentation durable et stable, sur la base de la production céréalière actuelle de 500 millions de tonnes. |