Diplomatie chinoise et affaires internationales
Conférence de presse avec le ministre des Affaires étrangères Li Zhaoxing
Le 6 mars, Li Zhaoxing a répondu aux questions des journalistes sur la politique internationale de la Chine, dans le cadre de la 5e session annuelle de la Xe APN.
Radio Chine Internationale (Chine) : Depuis plusieurs années, le gouvernement chinois préconise la construction d'un monde harmonieux. Quel est ce monde pour vous ? Quels efforts le gouvernement fournira-t-il pour y arriver ? En outre, certaines opinions étrangères reprochent à la Chine, sous prétexte de non-ingérence dans les affaires intérieures d'autres pays, de ne pas exercer de pression dans les cas de violations des droits de l'homme et de corruption. Qu'en pensez-vous ?
Li Zhaoxing : Le président Hu Jintao et le gouvernement chinois préconisent la construction d'une société et d'un monde harmonieux. La Chine s'en tient à un développement pacifique, harmonieux, méthodique et durable. Cela répond au courant de l'époque et correspond aux souhaits et aux intérêts de son peuple.
En matière de diplomatie, la Chine s'engage à promouvoir la coexistence pacifique, le traitement sur un pied d'égalité, la coopération mutuellement bénéfique et le développement commun des pays ; cherche à établir le bon voisinage et la confiance mutuelle et à régler les litiges par des moyens diplomatiques tel que le dialogue ; recherche la sécurité et la paix ; promeut l'échange et l'emprunt entre les différentes civilisations ; construit une société économe en ressources et respectueuse de l'environnement et renforce la coopération dans ces domaines.
La Charte des Nations unies établit le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un pays. En vertu de ces stipulations, les Nations unies, la plus grande organisation inter-gouvernementale au monde, ne peuvent intervenir dans les affaires intérieures des pays membres. De même, un pays quelconque ne doit plus intervenir dans les affaires intérieures d'un autre. En fait, le respect mutuel et la non-ingérence dans les affaires intérieures de l'un et de l'autre sont les conditions nécessaires à l'édification d'un monde harmonieux.
Korea Broadcasting System (Corée du Sud) : Les pourparlers à six ont redémarré il y a peu. La Chine présidera la réunion du groupe de travail de dénucléarisation sur la péninsule de Corée. Comment la réunion se déroulera-t-elle et quelles mesures seront prises ?
Li : Grâce à la médiation de la Chine et aux efforts conjugués des diverses parties, la 3e session du 5e cycle des pourparlers à six ont obtenu des progrès remarquables, tels que l'adoption du document Action de démarrage visant à appliquer la Déclaration conjointe.
Les faits ont de nouveau montré que les pourparlers à six constituent un moyen pratique et efficace pour résoudre le problème nucléaire dans la péninsule coréenne. Selon le document conjoint, les groupes de travail entreront en action d'ici à neuf jours.
L'exécution de ce document conjoint, ainsi que la promotion du développement des pourparlers à six et de la dénucléarisation de la péninsule coréenne, sont d'une grande importance pour la paix et la stabilité dans la péninsule coréenne et en Asie du Nord-Est. Nous espérons que toutes les parties présentes aux pourparlers à six respectent fidèlement leur engagement. La Chine préconise fermement la solution du problème nucléaire dans la péninsule coréenne par des voies pacifiques. Nous sommes prêts à nous coordonner avec les parties concernées, y compris la République de Corée, afin d'accomplir de nouveaux progrès.
Interfax (Russie) : Le président Hu Jintao visitera la Russie à la fin de ce mois. Quels problèmes internationaux importants discutera-t-il avec les leaders russes ?
Li : Sur l'invitation du président Vladimir Poutine, le président chinois Hu Jintao va effectuer une nouvelle visite en Russie, qui sera très intense. Je n'aborderai ici que les années croisées. Organiser une année de la Russie en Chine et une Année de la Chine en Russie est un pas important dans la mise en oeuvre du Traité sino-russe de bon voisinage, d'amitié et de coopération. Au cours de l'Année russe en Chine, les deux parties ont organisé plus de 300 activités, qui ont permis d'accroître l'amitié entre les deux peuples, de consolider la coopération entre les deux pays, et de resserrer leur partenariat stratégique de coordination. Cette année marque l'Année chinoise en Russie. À peu près 200 activités seront organisées.
Les hauts dirigeants, les gouvernements, les départements concernés ainsi que les peuples des deux pays conjuguent leurs efforts pour faire pénétrer au cœur l'amitié traditionnelle, augmenter le niveau du partenariat stratégique de coordination, promouvoir le développement commun des deux pays et apporter de nouvelles contributions à la paix et au développement du monde.
Bloomberg (États-Unis) : La Chine se redresse de façon pacifique et devient un pays influent. Or, elle a déclaré qu'elle n'interviendrait pas dans les affaires des autres pays ; mais il est impossible qu'un grand pays n'influence pas les autres. Comment la diplomatie chinoise peut-elle influencer les autres pays sans intervenir dans leurs affaires ? On remarque que pendant sa visite à Khartoum, le président Hu a encouragé le Soudan à coopérer davantage avec les Nations unies, ce qui revient à intervenir dans les affaires intérieures du Soudan. Pouvez-vous expliquer le but de cette visite ?
Li : Au tout début de la nouvelle année, le président Hu Jintao a effectué une visite d'État de douze jours dans huit pays d'Afrique. L'un des objectifs de cette tournée était d'appliquer les mesures concrètes formulées par le gouvernement lors du Sommet du Forum de coopération Chine-Afrique, tenu l'an passé à Beijing, concernant le renforcement de la coopération à avantages réciproques avec les pays d'Afrique et l'assistance à ces derniers.
La Chine est un pays en développement. Le développement est déséquilibré entre les différentes régions et entre les villes et les campagnes. La vie de notre peuple n'est pas riche. Nous-même avons un long chemin à parcourir. À nos yeux, aider autrui, c'est s'aider soi-même. C'est pourquoi tout en cherchant notre propre développement, nous faisons de notre mieux pour accorder notre aide à d'autres pays en développement, sans exiger de condition politique. Notre assistance est pragmatique.
À côté de la recherche de notre propre développement pacifique, nous jouons un rôle constructif dans l'arène internationale et œuvrons pour la paix, le développement et la coopération dans le monde. J'ai mentionné tout à l'heure qu'un critère important dans les relations internationales est le principe de non-ingérence dans les affaires intérieures d'un autre pays, comme le stipule l'article II du Chapitre premier de la Charte des Nations unies. Il est inimaginable que le monde puisse maintenir l'harmonie, la paix et le développement si un pays ou une organisation internationale tente d'intervenir dans les affaires intérieures d'un autre. Deux pays peuvent négocier de façon égale et amicale. C'est avec cette attitude que nous traitons les pays d'Afrique.
Au cours de sa visite au Soudan, le président Hu Jintao a explicité la position du gouvernement chinois sur la question du Darfour, position qui a été bien accueillie par le peuple du Soudan, par ses pays voisins, et par les peuples de tous les pays qui aiment la paix et préconisent la justice. En bref, le gouvernement chinois accueille et soutient le consensus auquel ont abouti les États-Unis, l'Union africaine et le gouvernement soudanais sur le problème du Darfour. Plus d'une fois, le gouvernement chinois a accordé son aide au peuple du Darfour ; nous espérons que la communauté internationale fera de son mieux pour l'aider.
Cable TV (Hongkong) : Récemment, le premier ministre japonais Shinzo Abe a répété à propos des « femmes de réconfort » qu'il ne s'excuserait plus sur cette question. Cette déclaration jettera-t-elle l'ombre sur la visite du premier ministre Wen au Japon prévue pour le mois prochain ?
Li : L'engagement forcé de « femmes de réconfort » est un grave crime commis par les militaires japonais durant la Seconde Guerre mondiale. C'est un fait historique. Le gouvernement japonais doit reconnaître ce fait historique, assumer sa responsabilité et traiter cette question sérieusement et prudemment.
Cette année marque le 35e anniversaire de la normalisation des relations diplomatiques bilatérales. Les deux parties doivent saisir cette occasion pour traiter les problèmes de principe concernant les fondements politiques des relations bilatérales, élargir et approfondir les échanges et la coopération, consolider les résultats obtenus liés à l'amélioration et au développement des relations bilatérales.
Sur l'invitation du premier ministre Abe, Wen Jiabao effectuera une visite officielle au Japon en avril. Cette visite d'un premier ministre chinois sera la première depuis sept ans ; elle revêt donc une importante signification.
Dans un temple de la banlieue de Kyoto, cette ville japonaise belle et ancienne, j'ai lu cinq caractères chinois : Da dao wu zhe lan, « une voie large est une voie sans obstacles ». L'amitié de génération en génération entre les peuples chinois et japonais est une telle voie large. Aucune force ne peut empêcher son développement.
CCTV (Chine) : La question nucléaire en Iran est récemment revenue à la une. Des fonctionnaires des États-Unis et de certains pays d'Europe ont révélé que les membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies et l'Allemagne ont commencé à élaborer une nouvelle résolution réclamant des sanctions à l'encontre de l'Iran. Selon vous, comment la communauté internationale doit-elle résoudre le problème nucléaire de l'Iran ? Quels efforts la Chine envisage-t-elle de fournir ?
Par ailleurs, j'ai une question plus personnelle : en tant que ministre des Affaires étrangères, vous êtes souvent en mission. Au cours de l'année écoulée, combien de temps avez-vous passé à l'étranger ou dans l'avion ? Cela peut refléter, dans un sens, la diplomatie chinoise.
Li : En ce qui concerne le problème nucléaire de l'Iran, la Chine remplit fidèlement ses devoirs de pays signataire du Traité de non-prolifération nucléaire. Nous défendons fermement le système de non-prolifération et nous avons toujours été favorable à une solution diplomatique au problème nucléaire de l'Iran. Dès le début, la Chine a participé aux pourparlers des cinq pays permanents du Conseil de sécurité plus l'Allemagne. Nous sommes d'avis que la résolution adoptée par les Nations unies doit être appliquée.
Nous appelons l'Iran à renforcer sa coopération avec l'Agence internationale de l'énergie atomique, et nous souhaitons que l'Iran entretienne ses canaux de négociations avec l'Union européenne, la Russie et d'autres pays. Rien d'autre sur la Terre n'est plus précieux que la paix. Nous espérons que tous les efforts de la communauté internationale soient favorables à la reprise des négociations diplomatiques, et que toute action du Conseil de sécurité soit favorable à la propulsion de cette région vers la paix et la stabilité.
Lorsque j'étudiais à l'école secondaire, mon rêve était de devenir journaliste comme vous. L'une des raisons était que je voulais avoir plus d'occasions de voyager, en voiture, en train ou en avion. Finalement, je n'ai pas pu devenir journaliste, mais j'ai souvent pris l'avion. Vous me demandez des chiffres, je ne peux pas calculer, les heures sont trop nombreuses. Mais un officier du protocole a fait des calculs pour moi : en 2006, j'ai suivi à l'étranger quatre fois le président Hu Jintao et trois fois le premier ministre Wen Jiabao. Je suis moi-même sorti de Chine à sept reprises ; en tout j'ai visité plus de cinquante pays.
Une phrase a été à la mode parmi les jeunes : « le monde extérieur est magnifique. » Mais pour moi, les souvenirs les plus impérissables sont ceux des pays qui éprouvent le plus de difficultés. Par exemple, j'ai visité 47 des 53 pays du continent africain qui regroupe le plus de pays en développement. Ce qui m'y impressionne le plus, c'est qu'au tout début de cette année, pendant onze jours, j'ai visité sept pays équatoriaux ; il fait très chaud là-bas et il y a beaucoup de moustiques, mais les peuples sont diligents, courageux et intelligents. En voyant les peuples de ces pays, c'est comme si je voyais le mien. Le peuple chinois n'oubliera jamais l'aide que le peuple africain a accordée à la Chine, y compris un soutien précieux dans la restauration du siège légitime de celle-ci aux Nations unies.
Certes, c'est un peu fatiguant d'avoir tant voyagé. Mais de pouvoir contribuer à la paix mondiale m'a procuré bonheur et responsabilité. Dans des pays d'Afrique aux conditions naturelles difficiles, travaillent aussi un grand nombre de Chinois - journalistes, ingénieurs, techniciens, médecins. Depuis 1956, la Chine a envoyé en Afrique 16 000 médecins, qui ont accordé 240 millions de consultations.
Une autre chose m'a encouragé : de retour à Beijing de ma tournée africaine, de nombreux jeunes sont venus me voir, espérant que je les aide à se porter volontaires en Afrique. Ils souhaitent travailler avec le peuple africain et, ensemble, rendre les pays d'Afrique plus riches et plus beaux.
Mainichi Shimbun (Japon) : La Chine est considérée par le Japon non seulement comme une occasion mais aussi un défi. L'Asie de l'Est s'apprête à accueillir une nouvelle ère où coexistent deux grandes puissances. Quel est votre avis sur le traitement des relations sino-japonaises sur le plan politique, économique, sécuritaire et des affaires à l'ONU, pour favoriser en commun le développement de l'Asie de l'Est ? Le premier ministre Wen Jiabao effectuera en avril une visite d'État au Japon, ce qui pourrait promouvoir les relations et les échanges entre les deux pays.
Li : En octobre dernier, la Chine et le Japon ont conclu un accord sur le développement sain des relations sino-japonaises en surmontant les obstacles, afin de s'engager sur une voie de l'amélioration et du développement. Très précieux, c'est le résultat des efforts conjoints de deux gouvernements et des peuples des deux pays.
Nous désirons fournir davantage d'efforts, avec le Japon, pour promouvoir le développement sain et stable des relations sino-japonaises. Nous désirons développer activement la coopération amicale et le bon voisinage entre les deux pays, conformément à l'esprit des trois documents politiques (la « Déclaration conjointe sino-japonaise », le « Traité de paix et d'amitié sino-japonais » et la « Déclaration commune sino-japonaise »). Nous désirons renforcer la collaboration avec le Japon en matière d'économie, de sciences et technologies, de protection de l'environnement et d'affaires régionales et internationales, et nous sommes favorables à des consultations avec le Japon sur le problème de la mer de Chine orientale. Nous désirons trouver une solution acceptable pour les deux, transformant la mer de Chine orientale en une mer de l'amitié, de la coopération et de la paix. Nous désirons également voir le Japon tenir un rôle important dans les affaires régionales et internationales.
Vous pensez peut-être à la réforme du Conseil de Sécurité qui est un problème multilatéral. Nous désirons participer, avec toutes les parties y compris le Japon, aux discussions démocratiques. Les ministères des Affaires étrangères de la Chine et du Japon peuvent prendre contact à cet effet.
J'ai récemment visité le Japon où j'ai été chaleureusement accueilli. J'ai confiance dans la prochaine visite au Japon du premier ministre Wen Jiabao.
TVBS (Taiwan) : Le leader taiwanais Chen Shui-bian a prétendu, lors de l'APN et de la Conférence consultative politique du peuple chinois (CCPPC), que Taiwan revendiquerait la rectification de son nom et son indépendance. Du point de vue du continent, est-ce que ces paroles signifient le rejet de son engagement aux « quatre non et un sans » ? Quelles mesures diplomatiques pourra prendre le continent? Monsieur le ministre, vous jouissez d'une bonne réputation à Taiwan et beaucoup de Taiwanais vous intéressent, quel genre de personnalité souhaitez-vous voir poursuivre la politique extérieure de la Chine après votre retraite ?
Li : Le responsable du bureau des affaires de Taiwan du Comité central du Parti communiste chinois (CCPCC) et du bureau des affaires de Taiwan du Conseil des affaires d'État a fait hier une déclaration solennelle et explicité notre attitude sur l'indépendance de Taiwan récemment revendiquée par les sécessionnistes.
J'aime Taiwan, île précieuse de la Chine. Elle me vient à l'esprit où que je sois. Un jour, je me trouvais en mission dans le Qinghai, j'ai visité une montagne qui s'appelle la montagne du Soleil et de la Lune, qui m'a rappelé immédiatement le lac du Soleil et de la Lune à Taiwan. Je les considère comme deux sœurs.
Vous avez évoqué ma retraite. Ce n'est pas un soucis pour moi : les personnes de qualité ne manquent pas en Chine. Beaucoup de gens seront plus qualifiés que moi sur de nombreux points, j'en suis certain. Selon mes idées, la qualité la plus importante pour une personne douée est d'adorer son pays natal comme elle adore sa mère. Celui qui aime son pays peut aimer son peuple, et aimer l'œuvre de l'humanité entière.
AFP (France) : La conférence ministérielle de pourparlers à six se tiendra à Beijing dans 40 jours environ. C'est la première conférence de niveau ministériel dans l'histoire de ces pourparlers à six. Quels progrès sont à attendre ? Et est-ce que les pourparlers à six pourraient devenir un mécanisme pacifique en Asie du Nord-Est ?
Li : La « Déclaration commune » publiée à six le 19 septembre 2005 est un document diplomatique très important. Suivant l'esprit du document, il faut mettre en action la promesse de toutes les parties qui veulent réaliser la dénucléarisation de la péninsule coréenne. C'est très important pour la paix et la stabilité de la péninsule, et bien entendu pour l'Asie du Nord-Est.
Les réunions de la 3e phase des pourparlers à six a fait un pas en avant. Nous espérons que les groupes intéressés puissent se mettre à l'heure au travail et s'efforcer d'obtenir des progrès réels pour réaliser progressivement notre but commun.
China Daily : Avec le regain d'influence internationale de la Chine, de nombreux pays proposent que la Chine assume plus de responsabilités. Qu'en pensez-vous ?
Li : Le gouvernement chinois gouverne le pays conformément aux lois. J'ai apporté trois documents que j'étudie ces jours-ci : la Constitution de la République populaire de Chine, la Charte des Nations unies et les Règlements sur les reportages effectués par les journalistes étrangers durant les Jeux Olympiques de Beijing et la période préparatoire.
Nous adhérons fermement à la Charte des Nations unies et nous nous acquittons sincèrement de nos engagements internationaux. Appliquant une politique étrangère indépendante et autonome, nous sauvegardons nos propres droits et intérêts légitimes et en même temps respectons ceux des autres pays. Nous sommes d'avis de résoudre les divergences à travers les consultations, et d'affronter les défis communs à travers la coopération.
La Chine applique une politique de défense nationale qui est de nature défensive, développe amicalement des échanges militaires avec d'autres pays, relève la transparence militaire, et prend part activement à la coopération internationale en matière de sécurité tel que la lutte contre le terrorisme et la prolifération nucléaire et la maintien de la paix de l'ONU. Avant-hier, Xiong Guangkai, président de la Société chinoise pour les études stratégiques internationales, m'a dit que, ces dernières années, la Chine avait envoyé plus de 5 000 Casques bleus pour 16 opérations de maintien de la paix, ce qui en faisait le premier pourvoyeur d'hommes parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité.
Pendant sa visite d'État au Libéria, le président Hu Jintao a passé en revue les troupes chinoises qui participent à l'opération de maintien de la paix de l'ONU. Nous y stationnons environ 600 Casques bleus, qui ont le moral. C'est une armée puissante et bien disciplinée. Proches du peuple libérien, ils aident souvent les habitants locaux et prennent part à des projets d'assistance aux pauvres. Ils y jouissent d'une large popularité. Pour maintenir la paix, certains Casques bleus chinois se sont sacrifiés héroïquement au cours de leur mission. Ils travaillent pour une cause glorieuse ; leur sacrifice est honorable.
Al-Jazeera (Qatar) : Aujourd'hui, « communauté internationale », « ONU » sont deux termes qui bourdonnent à nos oreilles chaque jour davantage. Mais à mon avis, il n'y a dans ce monde qu'un seul pays qui prend les décisions, parce qu'autrement, comment pouvons-nous expliquer une telle situation dans laquelle la « superpuissance », je veux dire les États-Unis bien entendu, est capable d'envahir un pays souverain, l'Irak ? Ni la communauté internationale ni l'ONU n'ont donné de réponse raisonnable. De plus, comment pouvons-nous expliquer qu'un pays qui essaie de poursuivre l'utilisation pacifique de l'énergie nucléaire, à savoir l'Iran, soit victime de sanctions imposées par la communauté internationale, alors qu'un autre pays - je pense à Israël - développe des armes nucléaires sans attirer un regard. Ces situations sont trop nombreuses, trop répétitives ; ce n'est pas ce que nous voulons faire de la communauté internationale ni de l'ONU. Pourriez-vous m'expliquer la position de la Chine à l'égard de problèmes du Moyen-Orient, le nucléaire iranien, l'Irak ou les conflits entre la Palestine et Israël ? Quel rôle la Chine jouera-t-elle dans la résolution de ces problèmes afin d'équilibrer cet ordre international troublé ?
Li : Personne ne dit qu'aujourd'hui nous avons un ordre politique et économique international parfait. Vos questions mettent en lumière une communauté internationale complexe et pleine de défis. Je pense que notre tâche est, selon les aspirations communes du peuple du monde, de recourir aux moyens diplomatiques pour atténuer les divergences de vues, élargir les points communs, de manière à pousser le monde d'aujourd'hui à être plus raisonnable et plus démocratique, et à apporter plus d'avantages au peuple.
Nous avons besoin de faire face à une telle réalité avec sang froid. Chaque pièce de monnaie a deux côtés : pile et face. Après avoir accompli un progrès, nous devons prendre en considération les difficultés et les défis éventuels à venir. D'une part, parallèlement à la mondialisation de l'économie, la politique connaît une certaine multipolarisation ; d'autre part, quelques régions du monde restent instables et font face à des risques de conflits et même à des guerres locales. L'ordre économique mondial n'est pas raisonnable non plus, et l'écart entre le Sud et le Nord s'élargit. À cela s'ajoute un ordre culturel irraisonnable, parce que certains pays ont des cultures fines, mais d'autres en sont ignorants. Il nous faudra agir de concert pour trouver une solution progressive à ces problèmes.
Tout le monde fait remarquer l'importance des droits de l'homme, lesquels sont pour autant loin d'être raisonnables. En premier lieu, il faut donner la priorité au droit à l'existence. Mais dans le monde d'aujourd'hui, l'espérance de vie varie, d'un pays à l'autre, de 36 à 82 ans ! Si nous voulons construire un monde où chacun naît sur un pied d'égalité, au moins nous devons jouir de la même espérance de vie. Or il me semble que même cet objectif n'est qu'une perspective éloignée.
Il y a plus de mille ans, un célèbre poète qui s'appelait Du Fu a remarqué : « À l'intérieur des maisons magnifiques des dignitaires on trouve des viandes pourries et du vin aigre ; et le long des routes les gens meurent de faim et de froid ». Mais ce phénomène déchirant existe encore dans une certaine mesure dans beaucoup de pays du monde. Notre but est de construire un monde harmonieux caractérisé par la paix, la stabilité et le développement en commun. Notre objectif est clair et bien défini, et notre résolution, dévouée et ferme. Mais elle appelle des efforts inlassables.
La coexistence harmonieuse entre l'homme et la nature a pour condition préalable la protection de l'environnement. Il y a plus de 30 ans, une écologiste américaine avait montré que la pauvreté est la source la plus sérieuse de pollution. Sa remarque est à jamais gravée dans ma mémoire, parce que lorsque j'étais aussi jeune que certains d'entre vous, journalistes, j'ai eu l'honneur d'être membre de la représentation chinoise travaillant avec des délégations d'autres pays sur l'établissement du Programme des Nations unies pour l'environnement (PNUE), établi au Kenya. J'ai été tout particulièrement inspiré par son livre intitulé « Il n'y a qu'une seule Terre ».
La Chine chérit son amitié traditionnelle avec les pays arabes, laquelle se concrétise par un soutien dans leur lutte pour le rétablissement de leurs doits et intérêts légitimes. La coopération mutuellement avantageuse entre la Chine et les pays arabes s'est également développée très rapidement. En 2006, le volume du commerce entre la Chine et 22 pays membres de la Ligue Arabe a atteint 65,5 milliards de dollars. En tant que grand consommateur et producteur d'énergie, la Chine maintient une intense coopération avec les pays du Moyen-Orient. L'année dernière, les importations chinoises de pétrole brut en provenance du Moyen-Orient ont représenté 6 % de la totalité dans cette région.
En ce qui concerne le problème du Moyen-Orient, je crois qu'il est impératif pour la Palestine et Israël d'entamer des négociations politiques basées sur des résolutions appropriées et le principe de l'échange « terre contre paix », en se concentrant sur les intérêts fondamentaux des deux peuples et le maintien de la stabilité et de la paix dans cette région.
Quant à l'Irak, certains rapports étrangers m'ont appris ce matin que jusqu'à hier 3 116 soldats américains étaient déjà morts sur le terrain. Mais ils auraient dû jouir d'une vie humaine et jeune ! C'est pourquoi nous souhaitons voir le plus tôt possible le retour de la paix en Irak et au Moyen-Orient. Nous apprécions les efforts du gouvernement irakien dans la lutte pour la stabilité, la réconciliation ethnique et la reconstruction du pays. Dans ce processus, nous comptons aussi sur la mise en valeur du rôle de l'ONU. La Chine veut également aider l'Irak à se reconstruire dans la mesure du possible.
The Hindu (Inde) : Monsieur le ministre des Affaires étrangères, vous étiez en Inde il y a quelques semaines, où vous avez souligné que les relations bilatérales entre l'Inde et la Chine s'étaient beaucoup améliorées ces dernières années. Cependant, il reste un enjeu de taille, à savoir le problème frontalier. Ma question est : selon la Chine, quel est le plus grand obstacle et quand pensez-vous que nous trouverons une solution ? On évoque aussi le concept de Chindia, qui serait la réunion des deux pays au sein d'un immense ensemble économique et politique. Pensez-vous que cette idée de Chindia puisse être réalisée avant que le problème de frontière soit résolu ?
Li : Je voudrais profiter de cette occasion pour partager avec vous et tous les journalistes ici présents mon bonheur lors de ma visite dans votre pays. Je suis allé à Nalanda, un endroit dont rêve chaque gamin de Chine, où se rendit Husan-Tsang, un éminent moine de la dynastie des Tang. J'y suis resté un jour et une nuit, plein de joie, comme si j'étais redevenu un élève de primaire curieux.
Dans la langue hindi, nalan signifie la fleur de lotus, qui représente la connaissance, alors que da signifie donner ; ainsi, Nalanda est l'endroit où l'on donne la connaissance. Dans l'histoire de la Chine, Husan-Tsang, ce moine de la province du Henan a persévéré jusqu'à ce bel endroit de Nalanda. Il y a étudié et travaillé comme enseignant étranger pendant 12 ans. Il a ainsi joué un rôle de trait d'union et de symbole de l'amitié traditionnelle entre les deux pays.
Dans les années 1950, le premier premier ministre de la Chine nouvelle, Zhou Enlai, et son homologue indien Nehru ont pris la décision que le Hall commémoratif de Husan-Tsang serait érigé à cet endroit. Cette fois-ci, je suis allé en Inde pour assister à la cérémonie de restauration du hall. C'était un grand festival pour les peuples des deux pays. Cette année marque aussi l'Année du tourisme et de l'amitié Chine-Inde, grâce à laquelle devrait être enregistrée des deux côtés une plus forte intensité des arrivées de touristes et des échanges d'étudiants.
À propos du problème frontalier entre la Chine et l'Inde, il a été imposé par les colonialistes occidentaux aux peuples chinois et indien lorsqu'ils n'étaient pas maîtres de leurs pays. Je suis convaincu que les peuples chinois et indien, qui ont gagné la lutte pour la libération nationale, auront la sagesse et la capacité pour trouver une solution convenable à cette question léguée par l'histoire. Des envoyés désignés par les premiers ministres, dont le sous-ministre chinois Dai Bingguo, ont déjà procédé à neuf rencontres et sont parvenus à un consensus sur le principe directeur politique d'une résolution du problème frontalier. La région frontalière entre la Chine et l'Inde continuera à rester pacifique et stable. Orienté par la Déclaration conjointe Chine-Inde, le partenariat stratégique entre les deux pays progresse dans tous les domaines, ce qui crée des conditions favorables au règlement du problème frontalier. Aussi longtemps que les deux parties garderont en mémoire l'amitié sino-indienne, agiront dans un esprit de paix et d'amitié, se consulteront sur un pied d'égalité, avec respect et compréhension mutuelle, nous serons en mesure de trouver une solution appropriée et acceptable.
TV Suède : Le réchauffement climatique global devient de plus en plus grave. À quel degré la Chine est-elle concernée et quelle est sa responsabilité en la matière ?
Li : Le réchauffement climatique global est une question d'intérêt commun. Je me rappelle encore le ciel nocturne en Suède, avec ses milliers d'étoiles, qui m'a beaucoup impressionné lors de ma visite dans votre pays. J'en éprouvais une admiration indicible. Votre exemple nous apprend à s'améliorer et à se compléter l'un l'autre.
La communauté internationale a déjà approuvé la Convention-cadre de l'ONU sur le changement climatique et le Protocole de Kyoto, qui ont formulé les principes fondamentaux en matière de gestion du changement climatique pour les pays développés et en développement, y compris le principe de « responsabilités communes et différenciées ». A présent, les émissions par personne de dioxyde de carbone en Chine représentent moins d'un sixième de celles de certains grands pays. Par ailleurs, les émissions sont en partie le résultat des délocalisations industrielles et de la globalisation économique.
La Chine, en tant que pays en voie de développement souffrant du changement climatique, prend ce problème très au sérieux. Laissez-moi vous citer un exemple qui concerne votre pays et l'honore. En 1972, la première Conférence de l'ONU sur l'environnement et l'homme s'est tenue à Stockholm. Bien que perturbée à cette époque par le mouvement de la Révolution culturelle, la Chine avait envoyé une délégation. Nous apprécions toujours les efforts déployés par la Suède dans la cause environnementale et humanitaire.
Je me rappelle également que Qu Geping, un des membres de la délégation chinoise à la conférence de Stockholm, a obtenu le Prix des Nations unies pour ses efforts dans la protection de l'environnement. Il a servi de directeur pour le Bureau d'État de la protection de l'environnement, et plus tard au sein de l'APN comme responsable des dossiers de protection de l'environnement.
La Chine est attachée à la stratégie de développement durable et s'est fixée pour objectif de réduire de 20 % sa consommation d'énergie par unité de PIB pendant la période 2006-2010. Ce sera la contribution de la Chine pour résoudre la question du changement climatique.
Lianhe Zaobao (Singapour) : Monsieur le Ministre, nous avons tous constaté les progrès énormes que la Chine a accomplis dans son ouverture diplomatique aux pays africains. Cependant, certains évoquent leur inquiétude devant une pratique dite « néocolonialiste » d'une grande puissance émergeante, dans ses rapports avec de petits pays. Comment la Chine mène son approche diplomatique avec les petits pays ? Cette nouvelle pensée s'applique-t-elle aux petits pays de l'Asie du Sud-Est ?
Li : Les deux principes fondamentaux définis dans la première phrase de la Charte des Nations unies concernent, je crois, tous ceux qui sont ici présents. Le premier se traduit par l'égalité entre hommes et femmes ; le second, égalité entre tous les pays, grands et petits.
La Chine est la mieux placée pour connaître sa propre situation. Nous savons que nous sommes le plus grand pays en voie de développement. Nous savons aussi que nous sommes confrontés à nombre de difficultés et défis. C'est pourquoi nous devons nous fixer comme priorité de renforcer la solidarité et la coopération avec tous les pays en voie de développement dans nos efforts diplomatiques.
Nous croyons que le traitement d'égal à égal n'est pas une rhétorique diplomatique. Nous devons le traduire en actions concrètes. C'est justement ce que nous faisons maintenant. Avant d'effectuer sa tournée dans huit pays africains, le président Hu Jintao nous a rappelé que nous devions prendre en compte les difficultés auxquelles nos amis africains sont confrontés, et les aider à améliorer leur bien-être par la coopération gagnant-gagnant. Durant ses visites dans des pays africains, le premier ministre Wen Jiabao nous a également rappelés que nous devions mettre en valeur la tradition chinoise d'amabilité envers les autres. Nous ne devons jamais oublier en toute circonstance quel aide les autres nous ont fournie. Mais nous pouvons oublier nos bonnes grâces envers autrui.
Hu Jintao et Wen Jiabao ont reçu dans ces pays un accueil des plus chaleureux, dont les plus sincères, venus des peuples africains avec leur sueur scintillant sous un soleil ardent mais le sourire sur leurs visages, ont une valeur qu'aucune rhétorique politique ne peut égaler. J'ai rencontré une dizaine de personnes africaines qui, guéries de la malaria, ont été traitées par des médecins chinois avec l'artemisia apicia, un médicament chinois ; toutes m'ont déclaré « ma vie a été sauvée par nos amis chinois ! »
Agence Xinhua (Chine) : En 2006, plus de 34 millions de Chinois se sont rendus à l'étranger. Avec le développement de l'ouverture de la Chine, ce chiffre continue à augmenter. Cependant, les accidents impliquant des ressortissants chinois à l'étranger augmentent également. Quelles mesures le consulat chinois et les autorités concernées pourront adopter pour protéger les droits et intérêts légitimes des citoyens chinois à l'étranger et de la communauté chinoise d'outre-mer, aussi bien que la sécurité de leur vie et de la propriété ?
Li : Le ministère chinois des Affaires étrangères fonctionne avec environ 4 800 fonctionnaires et plus de 240 missions diplomatiques à l'étranger ; tous ont pour responsabilité d'offrir une protection consulaire de manière directe ou indirecte aux ressortissants chinois à l'étranger.
Au fur et à mesure du développement économique chinois, le nombre des ressortissants chinois à l'étranger s'est accru considérablement et leurs intérêts légitimes doivent être protégés. Selon les statistiques, environ 675 000 Chinois travaillent à l'étranger, 40 000 dans l'industrie de la pêche en haute mer et 150 000 marins sur des bateaux outre-mer. Plus de 10 000 entreprises chinoises sont installées à l'étranger. Par ailleurs, de plus en plus de Chinois se rendent à l'étranger pour voyager, étudier ou rendre visite à leur famille. Aujourd'hui, 132 des 190 pays du monde sont devenus des destinations touristiques autorisées pour les citoyens chinois.
En 2006, 34,52 millions de visiteurs chinois se sont rendus à l'étranger. Selon une estimation du Conseil du tourisme international (CTI), plus de 100 millions se rendront à l'étranger en 2020. La Chine a résolu l'année dernière plus de 30 000 affaires consulaires, dont le meurtre de trois employés d'une compagnie chinoise lors d'une attaque terroriste au Pakistan, un grave accident de la route d'un car de touristes Hongkongais en Égypte et deux enlèvements d'ingénieurs chinois par des militants au Nigeria. Nous avons également effectué des évacuations des communautés chinoises dans les îles Salomon, au Timor-Est, au Liban et aux Tonga.
Pour la protection consulaire des Chinois à l'étranger, nous suivrons la politique du « peuple d'abord » et travaillerons diplomatiquement dans l'intérêt des gens. Nos mesures spécifiques : mettre en plein jeu le rôle du mécanisme de coordination de la Conférence inter-ministérielle menée par le ministère des Affaires étrangères pour protéger la sécurité des ressortissants chinois et des établissements chinois à l'étranger; déployer nos efforts consulaires préventifs de protection ; rendre publiques les informations de protection consulaire ; publier un Guide de protection et des services consulaires de Chine et fournir des services consulaires opportuns. Dans le cas d'affaires graves, le ministère réagira immédiatement et enverra sur place des représentants spéciaux ou le groupe de travail gouvernemental pour protéger les droits légitimes des Chinois à l'étranger. La Chine va étudier la législation sur la protection consulaire, avec pour base les motions et propositions soumises par les délégués de l'APN et les membres de la CCPPC.
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