La Chine s'efforce actuellement de remettre à jour le Dazangjing (ou Tripitaka), gigantesque collection de tous les écrits bouddhiques qui joue un rôle décisif dans l'existence et dans l'évolution de la religion. Le recueil exerce en fait une influence immense sur des domaines tels que la philosophie, l'histoire et la nation, la linguistique, l'écriture, la littérature, l'art, l'astronomie, l'élaboration des calendriers, la médecine et la pharmacologie, l'architecture ou les relations internationales.
Imprimé officiellement pour la première fois sous la dynastie des Song (960-1279), le Tripitaka a été édité en mandarin (incluant des versions au Japon et en Corée), mais aussi en tibétain, mongol et manchou ; au total, une trentaine de versions s'étalent sur plus de 2 000 ans… mais dont aucune n'avait jamais été ponctuée ! Le monde académique utilise en général la version japonaise connue sous le nom de Taisho Shinshu Daizôkyô - laquelle ne peut plus satisfaire aux besoins de la recherche contemporaine - sans compter les manuscrits bouddhiques et les soutras gravés sur les plaques de pierre récemment mis à jour à Dunhuang et à Fangshan mais non inclus dans la collection. De ce fait, il est apparu hautement urgent à la Chine de rédiger une nouvelle version modernisée et capable de représenter le niveau académique contemporain.
Dans les années 1960, le département des sciences philosophiques et sociales de l'Académie des Sciences de Chine a nourri l'ambition de rassembler et publier le Tripitaka chinois dans une optique de sauvegarde du patrimoine culturel. Vers le début des années 1980, Li Yimang, chef du groupe de révision des livres anciens relevant du Conseil des affaires d'État, a chargé le professeur Ren Jiyu, directeur de l'institut des Religions mondiales, de reprendre le travail de compilation. Divisée en trois parties, dont la première comprenait 10 000 volumes et 1 939 titres, la collection en 106 tomes a été achevée en 1994 et publiée par Chinese Classics - Zhong Hua Books. Mais, souffrant d'un manque de ponctuation qui rendait difficile la lecture, le corpus des écrits n'a pas été beaucoup utilisé par les spécialistes.
Dans les années 1990, un groupe spécial a été établi pour préparer la révision d'une nouvelle version du Tripitaka. Grâce à la participation des bouddhistes et moines de haut rang, plusieurs soutras ont été révisés et publiés, tels que le Canon Qianlong, le Tripitaka Koreana, ou le Canon de l'édition Qisha rédigé sous la dynastie des Song ; des règles de présentation ont aussi été élaborées.
La nouvelle version vise à catégoriser systématiquement tous les écrits bouddhiques d'avant 1950, lesquels regroupent 25 000 volumes et 5 600 titres, soit deux fois la quantité de soutras recueillis dans la version japonaise. Tous les écrits en chinois insérés ou non dans les quelque 20 éditions précédentes, les commentaires de bon niveau, les soutras traduits à l'époque moderne du tibétain, du pali ou du sanscrit, ainsi que les canons récemment découverts, seront inclus dans la nouvelle édition. C'est notamment le cas des manuscrits mis à jour à Dunhuang, dont certains ont été calligraphiés en chinois au recto et au verso, en langue originale comme le sanscrit ou le pali.
Le principe de la nouvelle version est de maximiser l'insertion de documents originaux tout en s'adaptant aux lecteurs contemporains ; elle consiste aussi à uniformiser le format, à réimprimer en caractères traditionnels chinois, à bien subdiviser les textes et enfin à les ponctuer, afin de moderniser et rendre plus accessible cette quintessence de la culture traditionnelle chinoise.
Un comité de rédaction ayant à sa tête Tenzin, vice-secrétaire du Comité provincial du Parti communiste chinois du Yunnan, a été fondé pour achever cet ouvrage gigantesque de 300 millions de caractères divisés en 300 tomes. Une centaine de spécialistes et de moines érudits venus de différentes régions du monde, comme Feng Qiyong, Fang Litian, Huang Xinchuan, ou encore Fu Xuancong, se sont ainsi réunis pour garantir l'assimilation des acquis académiques récents. Selon les estimations, la nouvelle collection, qui est aussi l'une des plus grandes publications au niveau national, sera achevée d'ici cinq ans et publiée aux Éditions du peuple.
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