Le Premier Ministre Wen Jiabao répond aux questions des journalistes à l'issue de la 5e Session de la XIe Assemblée populaire nationale
Le 14 mars 2012, dans la matinée, à l'issue de la 5e Session de la XIe Assemblée populaire nationale, s'est tenue au Grand Palais du Peuple une conférence de presse durant laquelle le Premier Ministre Wen Jiabao, à l'invitation du porte-parole de la présente session Li Zhaoxing, a rencontré des journalistes chinois et étrangers et répondu à leurs questions.
Premier Ministre Wen Jiabao : Chers amis journalistes, c'est la dernière fois que je rencontre la presse après les sessions de l'APN et de la CCPPC. Je voudrais, à cette occasion, vous remercier pour l'attention que vous portez sur la réforme et le développement en Chine.
Cette année pourrait être l'année la plus difficile, mais aussi l'année la plus prometteuse. Le peuple attend du gouvernement le calme, le courage et la crédibilité, et le gouvernement, de son côté, espère que le peuple lui donne la confiance, le soutien et l'assistance. Face à la propagation et à l'aggravation de la crise financière internationale et de la crise de la dette européenne, nous devons surtout bien faire notre travail. Durant la dernière année de mon mandat, je « remplirai infailliblement mes fonctions, avec une foi inébranlable dans la noble cause du peuple », comme le dit un adage chinois, et je serai toujours avec le peuple.
Maintenant, je voudrais répondre à vos questions.
Agence Xinhua : Bonjour, Premier Ministre. Je suis journaliste de l'Agence Xinhua et de la CNC. Au moment où le gouvernement actuel entre dans la dernière année de son mandat, comment voyez-vous le travail que vous-même avez accompli ?
Premier Ministre Wen Jiabao : Cela fait neuf ans que je suis Premier Ministre. Ces neuf années écoulées ont été difficiles et hors du commun. J'ai souvent l'impression qu'il me reste encore beaucoup à faire et à améliorer et qu'il y a pas mal de regrets. Je sais que tout pouvoir du gouvernement est conféré par le peuple, et je n'ai fait que mon devoir. Je suis très heureux d'avoir pu servir le peuple et travailler pour le peuple. J'espère sincèrement que les gens oublieront moi et tout ce que j'ai fait de bien pour eux et le laisseront disparaître dans leur mémoire le jour où je ne serai plus de ce monde.
A cause des limites de mes compétences et pour des raisons institutionnelles et autres, mon travail est encore loin d'être satisfaisant. Certes, je n'y ai commis aucune erreur par manquement au devoir. Or, en tant que chef de l'organe exécutif suprême du pays, j'assume la responsabilité pour tous les problèmes survenus dans l'économie et la société chinoises au cours de mon mandat. J'en suis vraiment désolé.
Durant la dernière année de mon mandat, je continuerai à travailler sans relâche, tout comme un cheval attelé, et je m'efforcerai de compenser les insuffisances du travail par de nouveaux succès, de sorte que le peuple me comprenne et me pardonne. Comme le dit un premier ministre de la Chine ancienne, « au travail, on accomplit son devoir avec dévouement et diligence; au repos, on examine sa conscience avec modestie et sérieux. » Je m'en tiendrai à ce principe de bonne conduite, tout en plaçant mes espoirs sur les prochaines générations, car j'ai confiance qu'elles vont faire mieux que moi.
Dans l'esprit de l'adage chinois « pour celui qui s'est décidé à servir l'Etat sans se soucier de sa vie, il n'est pas du tout question de reculer devant un malheur », j'ai servi le pays tout au long des 45 ans écoulés. J'ai consacré toute ma passion, toutes mes énergies et toutes mes forces au pays et au peuple, et je n'ai jamais poursuivi des gains personnels. Je n'ai pas peur de me placer devant le peuple, et devant l'histoire. « Des gens apprécient ce que j'ai fait, mais d'autres me critiquent. En fin de compte, l'histoire aura le dernier mot. »
NBC News : La Chine a connu sa plus forte croissance économique durant les dix dernières années grâce en partie à un environnement et à un système commercial internationaux favorables. Monsieur le Premier Ministre, pendant la dernière année de votre mandat, s'il y a une chose que vous pouvez faire pour rééquilibrer la relation économique américano-chinoise et créer des emplois pour les Américains, que feriez-vous ? D'autant que l'Association internationale des Dockers vous a décerné récemment un prix à Boston. Envisagez-vous de réformer le régime commercial chinois qui, selon certains critiques américains, a faussé la concurrence internationale au profit de la Chine ? Merci.
Premier Ministre Wen Jiabao : Récemment l'Association internationale des Dockers des Etats-Unis m'a décerné le prix du « Meilleur Ami des Travailleurs américains ». J'y vois plus une preuve du caractère mutuellement bénéfique des relations économiques et commerciales sino-américaines qu'une récompense pour moi-même.
Si je peux faire une chose pour réduire le déséquilibre commercial sino-américain, que ferais-je ? En fait j'y ai réfléchi depuis longtemps et j'ai eu deux fois des discussions très approfondies sur ce sujet avec le Président Barack Obama respectivement en 2009 et 2011. Je pense toujours qu'il faut trouver par la coopération une solution au déséquilibre commercial sino-américain ainsi qu'aux difficultés et frictions qui en résultent. C'est la raison pour laquelle j'ai fait un ensemble de propositions qui visent à renforcer la coopération sino-américaine dans les domaines économique, commercial, financier et de l'investissement. Ces propositions sont les suivantes : Premièrement, accroître encore davantage les échanges commerciaux dans les deux sens. Cela implique que la Chine augmente ses importations en provenance des Etats-Unis, mais aussi que les Etats-Unis lèvent les restrictions sur les exportations. Deuxièmement, promouvoir les investissements croisés. Les deux pays devront à cet effet créer des conditions favorables et protéger les investissements. Troisièmement, ouvrir de nouveaux chantiers de coopération en travaillant ensemble et plus énergiquement dans les secteurs des nouvelles énergies, des nouveaux matériaux, de l'économie d'énergie, de la protection de l'environnement, de l'espace et de l'aéronautique. Quatrièmement, renforcer la coopération dans la construction d'infrastructures en l'associant à la coopération financière. C'est-à-dire que la Chine est prête à investir dans le secteur américain des infrastructures et à contribuer par là à créer plus d'emplois pour les travailleurs américains. Voilà qui pourrait profiter à nos deux pays.
Le Président Obama attache une grande importance à mes propositions. Les deux parties ont d'ors et déjà lancé des études là-dessus. Je suis sûr que la coopération vaut toujours mieux que la confrontation et que si on continue à travailler dans ce sens, les relations économiques et commerciales sino-américaines s'engageront certainement dans une voie de développement sain et durable.
Concernant votre question sur la réforme du système commercial chinois qui intéresse beaucoup les Etats-Unis, elle implique en clair trois points. Premièrement, c'est la question d'un équilibre global entre l'importation et l'exportation. Je peux vous dire très clairement qu'en 2011, le solde du compte courant chinois représente seulement 2,8 % du PIB, soit inférieur au niveau universellement acceptable de 3 %. Cela signifie que la Chine a atteint pratiquement l'équilibre en ce qui concerne la balance des paiements internationale et le commerce de marchandises. Deuxièmement, c'est la question du taux de change du RMB qui retient beaucoup l'attention des Américains. Depuis la mise en œuvre de la réforme du système de change du RMB en 2005, le taux de change effectif réel du RMB a augmenté de 30 %. J'attire aussi votre attention sur le fait que depuis septembre dernier, on a constaté des fluctuations dans les deux sens sur le marché NDF de Hong Kong. Cela signifie que le RMB pourrait avoir probablement déjà atteint son niveau d'équilibre. Nous continuerons à approfondir la réforme du régime de change, en permettant notamment des fluctuations plus importantes de la monnaie chinoise. Troisièmement, nous continuerons à œuvrer pour la réalisation des objectifs des négociations du cycle de Doha pour promouvoir le libre-échange et combattre le protectionnisme.
China Times : Les « trois liaisons directes » ont été établies entre les deux rives du détroit de Taiwan depuis quatre ans. Les circulations de personnes et les échanges économiques et commerciaux entre les deux parties ont atteint un record historique. Les médias taiwanais disent que les quatre dernières années ont été probablement la période la plus stable et la plus pacifique dans le développement des relations inter-détroit depuis 60 ans. Et cette dynamique pourrait être maintenue durant les quatre ans à venir. Qu'attendez-vous des échanges culturels entre les deux rives durant la dernière année de votre mandat ? Que ressentiez-vous quand la peinture Habitation dans les monts Fuchun dont vous avez parlé a été exposée à Taiwan en juin dernier ? Nous aimerions savoir si vous viendrez à Taiwan pour un voyage touristique après votre départ en retraite en mars prochain.
Premier Ministre Wen Jiabao : C'est la dixième année consécutive que j'aborde la question de Taiwan en cette occasion. Et chaque fois je ressens une émotion très forte. Je suis heureux de voir que depuis un an, entre les Chinois des deux rives du détroit de Taiwan, les échanges se sont intensifiés et les liens se sont resserrés et que le « consensus de 1992 » et les relations inter-détroit reposent désormais sur une base politique, économique, culturelle et populaire plus solide. Si mon gouvernement peut faire quelque chose de concret pendant la dernière année de son mandat pour promouvoir le développement pacifique des relations, surtout intensifier les échanges économiques et commerciaux entre les deux rives du détroit de Taiwan, c'est avant tout d'accélérer les négociations de suivi de l'ECFA (Accord-cadre de coopération économique). Nous accorderons une attention particulière aux intérêts des PME, des industries fragiles et des couches populaires de Taiwan, surtout des Taiwanais du centre et du sud. Par ailleurs, nous allons promouvoir la coopération financière inter-détroit, notamment en ce qui concerne le système de règlement bancaire et l'encouragement des prises d'actions mutuelles entre les banques des deux côtés afin que la finance joue tout son rôle dans le soutien à la coopération économique et commerciale inter-détroit. Nous serons également très attentifs au développement des entreprises taiwanaises implantées sur le Continent et les accompagnerons dans leurs efforts de modernisation, de reconversion et de conquête du marché local.
J'ai évoqué l'histoire de la peinture Habitation dans les monts Fuchun ici même en 2010. J'ai toujours cru qu'avec une grande sincérité, aucun obstacle n'est insurmontable. Et je suis heureux d'apprendre que les deux parties de cette peinture, séparées depuis si longtemps, ont pu enfin se retrouver et être exposées à Taipei. Cela montre que la culture chinoise a une force considérable de rassemblement et d'inspiration. J'aurais tellement aimé me rendre à cette exposition et voir la peinture de mes propres yeux. Et je me demande souvent comment la richesse de notre culture commune plusieurs fois millénaire ne peut pas effacer les querelles politiques de quelques décennies. Je souhaite de tout mon cœur que les échanges culturels et humains entre les deux rives du détroit puissent se renforcer davantage.
Vous m'avez demandé si je voudrais faire un voyage à Taiwan en touriste après ma retraite, sincèrement j'aimerais bien le faire si les conditions sont réunies. Je vous prie de bien vouloir transmettre à nos compatriotes de Taiwan mes salutations. Je me souviens en ce moment d'un poème de Lin Chaosong, poète originaire du centre taiwanais, qui écrivit au lendemain de la cession de Taiwan sous les Qing : « Il n'existe aucun moyen pour guérir la plaie dans mon cœur, mais il y aura un jour où la demi-lune deviendra à nouveau pleine ». Je suis convaincu que la réunification du pays et le renouveau de la nation chinoise se réaliseront tant que tous nos compatriotes travaillent ensemble dans ce sens. Et ce sera une grande fierté de tous les Chinois.
Lianhe Zaobao : Ces dernières années, vous avez évoqué, à maintes reprises et à différentes occasions, la réforme du système politique, suscitant beaucoup d'attention du public. Pourquoi cette évocation répétée de la réforme du système politique ? Quelles sont les difficultés que rencontre la Chine dans la promotion de cette réforme ?
Premier Ministre Wen Jiabao : C'est vrai que ces dernières années, j'ai parlé maintes fois de la réforme du système politique. Et j'ai livré ma vision de ce dossier de façon complète et détaillée. Si vous me demandez pourquoi je tiens tant à cette question, je peux vous dire que c'est par mon sens des responsabilités. Après l'écrasement de la « Bande des quatre », notre parti a adopté la Résolution sur certaines questions dans l'histoire du Parti depuis la fondation de la République populaire de Chine, et a lancé la politique de réforme et d'ouverture sur l'extérieur. Pourtant, les séquelles de la « Révolution culturelle » et les impacts du féodalisme ne sont pas totalement éliminés. En plus, avec le développement économique, de nouveaux problèmes sont apparus : disparité des revenus, manque de crédibilité, corruption, etc. Je suis pleinement conscient que pour régler tous ces problèmes, il faut non seulement réformer le système économique, mais aussi le système politique, et surtout le système de direction du Parti et de l'Etat.
Aujourd'hui, la réforme en Chine arrive à un stade crucial. Sans une réforme du système politique réussie, la réforme du système économique n'irait pas jusqu'au bout, nous risquerions de reperdre les acquis que nous avons obtenus dans la réforme et le développement du pays, les nouveaux problèmes apparus dans la société ne pourraient pas être fondamentalement réglés, et les tragédies historiques du genre de la « Révolution culturelle » risqueraient de se reproduire. Tout membre responsable du Parti et tout cadre dirigeant responsable doivent avoir le sens de l'urgence.
Je comprends bien que la réforme est difficile, et que la réforme, pour être réussie, a besoin de la prise de conscience, du soutien, de l'enthousiasme et de la créativité du peuple. Pour conduire la réforme dans un grand pays comme la Chine, peuplé de 1,3 milliard d'habitants, nous devons garder toujours à l'esprit notre réalité nationale et développer, étapes par étapes, la démocratie socialiste. Ce n'est pas chose facile. Mais en matière de réforme, nous ne pouvons qu'avancer, nous ne pouvons pas faire du surplace, et encore moins revenir en arrière, puisque cela conduira forcément à l'impasse.
Je sais que les gens regardent non seulement ce que je dis et ce que j'ai comme idéal et conviction, mais aussi et surtout ce que je pourrais réaliser à travers mes efforts. Je peux vous dire que pour la cause de la réforme et de l'ouverture de la Chine, je militerai jusqu'au dernier souffle.
Quotidien du Peuple : On accorde beaucoup d'attention à la dernière série de mesures de régulation du marché immobilier. Le gouvernement central est bien déterminé, et a pris des mesures fortes. Dans certaines villes, les prix immobiliers ont commencé à baisser. J'aimerais savoir, M. le Premier Ministre, à quel niveau les prix immobiliers devraient baisser pour qu'on puisse dire que les objectifs de régulation soient atteints. Par ailleurs, face au ralentissement de la croissance économique et à la pression que subissent les finances locales, est-il possible que les mesures de régulation immobilière soient abandonnées à mi-chemin ?
Premier Ministre Wen Jiabao : Par sens des responsabilités, j'ai récemment passé attentivement en revue les mesures de régulation immobilière que nous avons lancées depuis 2003. En fait, nous avons déjà introduit en 2003 six mesures pour réguler le marché immobilier, suivies de huit mesures adoptées par le Conseil des Affaires d'Etat en 2005, et de six autres prises en 2006. Mais pourquoi ces mesures tardent-elles à produire des effets ? Le public se plaint que plus on régule le marché, plus les prix immobiliers augmentent, et que les politiques ne franchissent pas les murs de Zhongnanhai. Je suis navré d'entendre tout cela. En fait, à mon avis, le marché immobilier concerne nos politiques fiscales, financières et de la terre, touche au rapport entre le gouvernement central et les collectivités territoriales et aux intérêts des entreprises financières et des promoteurs immobiliers. Nos efforts de régulation ont ainsi rencontré de fortes résistances.
Si depuis deux ans, malgré les difficultés, nous avons quand même vu des lueurs d'espoir et réalisé des progrès dans la régulation du marché immobilier, c'est d'abord parce que nous avons une ferme détermination, ensuite, c'est parce que nous avons saisi la clé du problème, à savoir, juguler la spéculation et la demande pour motif d'investissement, et pris des politiques et mesures ciblées.
J'ai une analyse fondamentale concernant le marché financier : En Chine, pays peuplé de 1,3 milliard d'habitants qui se trouve dans un stade de développement rapide de l'industrialisation et de l'urbanisation, les demandes de logement sont incompressibles et resteront durables. Pourtant, quand on dit que chacun doit avoir un logement, cela ne veut pas dire que chacun est propriétaire de son logement. Nous devons encourager davantage de personnes à louer leurs logements.
Concernant le développement du marché immobilier, j'aimerais faire trois observations : Premièrement, il faut assurer le développement stable, sain et de long terme du secteur immobilier. Un développement aveugle du secteur produira des bulles, qui, une fois explosées, affecteront non seulement le marché immobilier, mais handicaperont également l'économie nationale. Deuxièmement, que veut dire amener les prix immobiliers à un niveau raisonnable ? A mon avis, un niveau raisonnable des prix immobiliers doit être adapté aux revenus des ménages et au coût de construction, et les profits doivent aussi être raisonnables. Je peux ici vous dire clairement que dans certaines villes, les prix immobiliers sont encore loin d'atteindre le niveau raisonnable. C'est pourquoi nous ne pouvons pas nous relâcher dans la régulation. Sinon, tous nous efforts seraient anéantis, la marché immobilier deviendrait chaotique. Ce n'est pas dans l'intérêt du développement sain, stable et de long terme du secteur immobilier. Troisièmement, pour développer le marché immobilier, il faut sans aucun doute faire pleinement jouer le rôle fondamental du marché dans l'affectation des ressources. C'est-à-dire, il faut utiliser pleinement la « main » du marché. Mais en même temps, la « main » du gouvernement est aussi indispensable, car elle aide à assurer la stabilité et à promouvoir l'équité.
TVB de Hong Kong : M. le Premier Ministre, vous avez visité Hong Kong en 2003. Depuis lors, Hong Kong a connu beaucoup de changements, et d'autres changements nous attendent encore. Que pensez-vous de l'actuelle élection du Chef de l'exécutif de Hong Kong ? A part les défis qu'apportent le changement du gouvernement et la crise de la dette en Europe, quels sont, d'après vous, les questions profondes restant à résoudre pour Hong Kong ? Quels sont vos vœux pour l'avenir de Hong Kong ?
Premier Ministre Wen Jiabao : Moi, j'aime Hong Kong. Durant ma visite à Hong Kong en 2003, j'ai cité une phrase de Huang Zunxian pour exprimer ce que je ressentais à Hong Kong : « Chaque pouce des rivières et des montagnes est aussi précieux que l'or ». Hong Kong est retourné à la mère patrie depuis 15 ans. Ce qui s'est passé à Hong Kong au cours de ces 15 ans a montré que les principes d'« un pays, deux systèmes », de la « gestion de Hong Kong par les Hongkongais », et d'« un haut degré d'autonomie » possèdent une grande vitalité.
Pendant ces 15 ans, Hong Kong, frappé par deux crises financières, a eu un parcours extraordinaire. Cependant, sous la conduite du gouvernement de la Région administrative spéciale, et grâce aux efforts conjugués des Hongkongais, Hong Kong a réussi à vaincre les crises et à maintenir son statut de centre financier international et son système d'économie de marché hautement libre. En 2011, le PIB par habitant de Hong Kong a atteint le niveau historique de 34 200 dollars US, et la situation d'emploi y est aussi positive. Hong Kong est aujourd'hui confronté à la fois à des difficultés et à des opportunités. D'un côté, les impacts et pressions de la crise financière et de la crise de la dette européenne persistent, de l'autre, Hong Kong fait face à la double pression du ralentissement de la croissance économique et de l'inflation. Dans ces conditions, Hong Kong doit nécessairement développer l'économie, améliorer la vie de la population, faire avancer la démocratie et préserver l'harmonie de la société, en veillant notamment à bien régler les questions d'importance majeure telles que l'équité sociale, la stabilité des prix, le logement des habitants, l'éducation et la santé.
Maintenant, Hong Kong est en train d'élire son 4e Chef de l'exécutif. Je suis convaincu qu'en respectant les principes de la transparence, de la justice et de l'équité, et en suivant strictement la procédure légale, Hong Kong pourra certainement élire un Chef de l'exécutif soutenu par la majorité des Hongkongais.
C'est vrai que Hong Kong fait face à des difficultés. Mais je pense à une phrase de Deng Xiaoping : « Il faut avoir la confiance dans la capacité des Hongkongais de bien gérer leur région. »
J'aimerais bien avoir l'occasion de revisiter Hong Kong, pour rendre visite aux habitants d'Amoy Gardens, et pour rencontrer les étudiants de l'Université de Hong Kong. Je vous prie, Monsieur le journaliste, de transmettre mes salutations à nos compatriotes de Hong Kong.
Washington Post : Il y a un an, un de mes collègues journalistes vous a posé une question sur l'élection directe en Chine, et vous lui avez répondu que le processus devrait être progressif en indiquant que c'était d'abord aux populations locales de prouver leur capacité de bien administrer un village qu'elles pouvaient ensuite bien gérer graduellement les affaires d'un canton, d'un district. Cette année, dans beaucoup de pays du monde, les peuples vont élire leurs dirigeants par suffrage direct. On ne peut donc s'empêcher de s'interroger quand les Chinois peuvent élire leurs dirigeants par ce genre d'élection concurrentielle au scrutin direct.
Premier Ministre Wen Jiabao : C'est vrai que j'ai évoqué plus d'une fois la nécessité d'appliquer fermement l'autogestion par les villageois et de protéger les droits légitimes des villageois à l'élection directe. Aujourd'hui, beaucoup de pratiques des comités des villageois ont démontré le succès de l'élection directe de ces derniers par les villageois, qui, fort enthousiastes, avaient élaboré de strictes méthodes d'élection conformément à la loi organique du comité des villageois.
Aujourd'hui encore, je suis toujours de cet avis, à savoir : si les populations locales peuvent bien gérer un village, elles pourront alors bien gérer les affaires d'un canton ; si elles peuvent bien gérer un canton, elles pourront donc bien gérer les affaires d'un district. Nous devons, dans cet esprit, les encourager à se livrer à des pratiques audacieuses pour qu'elles puissent s'aguerrir en la matière. Je suis convaincu que la démocratie en Chine avancera progressivement en fonction des réalités du pays, et aucune force ne saura empêcher ce processus.
Caijing : Le taux de croissance pour cette année est fixé à 7,5 %, en baisse par rapport à l'année dernière. Je voudrais savoir s'il s'agit d'un ralentissement provisoire ou d'une pratique permanente. L'économie chinoise en a-t-elle déjà fini avec la phase d'une haute croissance ? La communauté internationale a placé en quelque sorte son espoir de surmonter la crise économique dans la forte croissance de l'économie chinoise, quelles seront alors les conséquences qui découleront aujourd'hui de la croissance chinoise revue à la baisse sur la reprise de l'économie mondiale ?
Premier Ministre Wen Jiabao : Après la publication du Rapport d'activités du gouvernement, ce qui a suscité la plus grande réaction des médias dans le monde est justement le rythme de croissance de l'économie chinoise. Je crois qu'ils ont touché le vif du problème. Cette année, si nous avons baissé à 7,5 % les prévisions de croissance de l'économie chinoise qui étaient fixées à 8 % pendant plusieurs années, c'est principalement pour fonder réellement la croissance économique sur les progrès technico-scientifiques et l'amélioration de la qualité des travailleurs, pour réaliser une authentique croissance de qualité, pour favoriser vraiment la restructuration économique et la transformation du mode de développement, pour permettre à l'économie chinoise de s'affranchir bel et bien de sa dépendance excessive à la consommation des ressources suivie de la pollution de l'environnement afin de s'engager sur une bonne voie d'économie des ressources, de réduction de l'intensité énergétique, et de protection de l'écosystème, et pour faire bénéficier véritablement au peuple des acquis du développement.
Cette détermination est prise lors de l'élaboration du 12e Plan quinquennal, qui a prévu un objectif de croissance de 7 %. Le taux de 7,5 % fixé pour cette année permet donc de mieux coordonner avec les exigences du 12e Plan quinquennal. Je dois en même temps vous dire que le ralentissement est le résultat de notre initiative de régulation. Il faut reconnaître que l'économie chinoise fait face à la pression baissière vu la crise de la dette européenne et le rétrécissement du marché extérieur. Cela étant dit, cette révision à la baisse vise notamment à réajuster la structure.
J'aimerais vous dire que nous avons, après l'annonce de cet objectif, des échos favorables des milieux économiques, des experts et intellectuels et des médias de beaucoup de pays, qui le jugent essentiellement bénéfique. Au fond, la voie de développement privilégiant la qualité de croissance, celle que la Chine empruntera réellement en surmontant les manques d'équilibre, de cohésion et de durabilité de son économie, profite au développement de l'économie mondiale.
A l'heure actuelle, il nous convient de bien gérer les rapports entre un développement régulier et relativement rapide de l'économie, la restructuration économique et la maîtrise des anticipations inflationnistes. Le volume économique de la Chine a déjà atteint 47 000 milliards de yuans, et une croissance de 7,5 % sur cette base ne serait pas faible. Et ce serait d'autant moins un taux faible que si l'on arrive à maintenir ce rythme dans un contexte de croissance continue du volume global de l'économie. En outre, nous avons à chercher par tous les moyens à réaliser une plus grande rentabilité économique avec un même taux de croissance, de sorte à assurer plus d'avantages réels au peuple. Nous y arriverons certainement. Tel est notre objectif.
CCTV : Ces dernières années, vous avez évoqué à plusieurs reprises la nécessité de promouvoir l'équité et la justice sociales, mais des phénomènes d'injustice sociale continuent aujourd'hui à focaliser les attentions du public. Que comptez-vous faire pour promouvoir l'équité et la justice sociales durant le reste de votre mandat ? Par ailleurs, nous savons que vous surfez souvent sur Internet, vous y trouvez des commentaires positifs et des éloges sur les activités du gouvernement et vous-même, mais aussi des critiques. Comment voyez-vous ces critiques ?
Premier Ministre Wen Jiabao : Comme je l'ai dit, l'équité et la justice sont plus éclatantes que le soleil. Elles sont les caractéristiques intrinsèques du socialisme. Objectivement parlant, depuis neuf ans, nous avons déployé des efforts énormes pour réaliser l'équité et la justice sociales. Et ces efforts doivent être reconnus. D'abord, sur le plan juridique, nous avons révisé la constitution en y inscrivant le respect et la protection des droits de l'homme. Nous avons élaboré la loi sur les droits réels pour que la propriété privée légale soit protégée juridiquement. Nous avons révisé la loi électorale pour assurer l'égalité de droit aux électeurs urbains et ruraux. Nous avons aboli la réglementation relative à l'hébergement et à la reconduite pour permettre aux agriculteurs le libre accès au travail en ville. En l'espace de quelques brèves années, le taux d'urbanisation en Chine a dépassé 50 %. Deuxièmement, dans les régions rurales, nous avons supprimé résolument l'impôt agricole pour alléger ainsi les charges irrationnelles des paysans. Troisièmement, dans le domaine de l'éducation, nous avons appliqué l'enseignement obligatoire gratuit de neuf ans, assuré aux enfants à la campagne la gratuité d'accès à l'école professionnelle, mis en œuvre le système de bourse pour les élèves de l'enseignement secondaire de deuxième cycle dans les régions rurales et les étudiants d'universités du pays, et accordé des aides aux pensionnaires ruraux dans les régions difficiles. Quatrièmement, nous avons établi et amélioré le système de protection sociale couvrant les branches comme vieillesse, chômage, maladie et minima sociaux. Le régime d'assurance maladie pour les employés des entreprises, le régime d'assurance maladie pour les citadins et le nouveau régime de mutualité médicale rurale ont déjà couvert les 1,3 milliard d'habitants. Ce sont des avancées institutionnelles que nous avons réalisées pour promouvoir l'équité et la justice sociales. Cela dit, je suis bien conscient des plaintes contre l'inégalité dans la redistribution sociale et les injustices du système judiciaire. Nous devons donc poursuivre notre travail dans divers domaines pour promouvoir la justice sociale.
Au cours de la dernière année de mon mandat, le gouvernement va accomplir quelques tâches difficiles, nous devons le faire, nous nous efforçons de bien le faire, au lieu de laisser les problèmes à nos successeurs. Premièrement, nous devons élaborer un plan global sur la réforme du système de répartition des revenus. Deuxièmement, nous devons élaborer et lancer la réglementation sur l'expropriation et l'indemnisation des terres collectives rurales pour garantir réellement le droit de la propriété conféré par la loi aux paysans. Troisièmement, nous allons réaliser la couverture totale de l'assurance-vieillesse dans les régions urbaine et rurale. Quatrièmement, nous devons promouvoir sur tous les plans la lutte contre la pauvreté dans les zones défavorisées groupées conformément aux nouvelles normes en la matière. Cinquièmement, ayant déjà prévu 4 % du PIB à l'éducation dans le projet budgétaire, nous devons nous efforcer d'atteindre cet objectif et assurer une utilisation rationnelle des fonds alloués.
Tout pouvoir du gouvernement est conféré par le peuple. Nous devons créer des conditions pour permettre au peuple de donner son opinion et de critiquer le travail du gouvernement. Je ne suis donc pas surpris d'entendre des critiques sur Internet, ce qui est normal à mon avis. Beaucoup de critiques des masses méritent les sérieuses réflexions du gouvernement, et beaucoup de questions majeures qui ont retenu une haute attention du gouvernement trouvent souvent leur origine dans les critiques des masses. J'ai même pensé à inviter à Zhongnanhai des représentants de ceux qui critiquent souvent le gouvernement afin d'écouter leurs vues face à face. Si vous étiez assez attentifs, vous devriez découvrir les essais que nous avons menés en consultant l'opinion publique sur le présent rapport d'activités du gouvernement, mais notre démarche dans ce domaine laisse encore à désirer.
Pendant mon mandat de Premier ministre, il est vrai que des calomnies contre moi n'ont jamais cessé. Je ne me laisse pas perturber, mais j'éprouve inévitablement une certaine douleur au fond du cœur. Ce n'est pas la douleur d'un homme intègre et loyal qui est soupçonné et à qui on fait du tort, mais celle de voir ma personnalité indépendante sans avoir gagné la compréhension des gens. Je me fais donc du souci pour la société. Avec le courage de ne pas craindre les rumeurs et les calomnies, je continuerai d'aller de l'avant dans mon travail sans esprit de retour.
Al Jazeera : L'amitié entre la Chine et les pays arabes et du Moyen-Orient ne date pas d'aujourd'hui. La Chine a toujours œuvré avec la communauté internationale à trouver des solutions aux problèmes relatifs à cette région. Cependant, sur la question du Moyen-Orient, notamment sur le dossier syrien, il semble qu'il y a un grand décalage entre la position de la Chine et celle de nombreux autres pays. Quelle est la position précise de la Chine sur la question syrienne ? Et quelles sont les considérations derrière les efforts chinois sur cette question ? Comment la Chine voit-elle les revendications démocratiques des peuples arabes ? Est-ce que la Chine redoute que ses relations avec les peuples arabes ne soient compromises ?
Premier Ministre Wen Jiabao : Sur la question syrienne, la Chine n'a aucun intérêt égoïste, ni ne cherche à protéger aucune partie, y compris le gouvernement syrien. Elle tire ses propres conclusions et détermine sa position en se basant sur les faits. La position chinoise sur la Syrie se résume en quatre points : Primo, il faut garantir la sécurité des citoyens. Toutes les parties en Syrie doivent cesser immédiatement les meurtres de civils innocents. Secundo, la Chine respecte les justes revendications du peuple syrien pour la réforme et la protection de ses intérêts. Tertio, la Chine soutient les efforts de médiation politique de l'émissaire de l'ONU et de la Ligue arabe pour la Syrie. Quarto, la Chine exprime toute sa sympathie au peuple syrien qui subit des souffrances humanitaires. Nous avons participé à l'assistance humanitaire internationale à la Syrie et continuerons à le faire. Nous avons travaillé de notre propre manière et déployé d'intenses efforts auprès des différentes parties syriennes pour l'ouverture rapide du processus de dialogue politique. Les revendications pour la démocratie des peuples arabes doivent être respectées et faire l'objet d'une réponse effective. Je pense que cette tendance vers la démocratie ne peut être freinée par aucune force.
Les échanges amicaux entre la Chine et les pays arabes sont millénaires. La Chine a pris une position constante, à savoir : respecter la civilisation islamique et soutenir la juste cause des peuples arabes. Nous avons développé une coopération fructueuse avec les pays arabes dans de nombreux domaines. Peu avant, j'ai visité l'Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Qatar. Mon impression générale, c'est que la Chine et les pays arabes, y compris les pays du Golfe, ont des terrains d'entente et que la coopération est l'aspect dominant de leurs relations. Dans le processus de changement dans le monde arabe, la position chinoise gagnera la compréhension et la confiance de tous les pays arabes, et nos relations avec le monde arabe s'en trouveront consolidées.
Radio nationale de Chine : Récemment, l'affaire de Wu Ying au Zhejiang attire une grande attention du public. Pensez-vous que la condamnation de Wu Ying à la peine de mort soit justifiée ? Que pensez-vous des difficultés d'accès au marché d'investissement et de financement pour le capital privé ?
Premier Ministre Wen Jiabao : J'ai remarqué que ces derniers temps, l'affaire de Wu Ying fait l'objet d'une grande attention du public. Sur cette question, je tiens à souligner les points suivants : Primo, il est nécessaire de faire des études approfondies sur l'aspect juridique et les principes de gestion du financement privé pour l'encadrer clairement sur le plan juridique. Secundo, il faut traiter cette affaire sur la base des faits et en conformité avec la loi. J'ai noté que la Cour populaire suprême a déjà publié une circulaire exigeant le traitement des litiges liés au financement privé de manière correcte et en stricte conformité avec la loi et qu'elle adopte une attitude très prudente sur l'affaire de Wu Ying. Tertio, cette affaire montre que le financement privé ne peut pas encore répondre à la demande du développement socio-économique du pays. Le problème actuel est que d'un côté, les entreprises surtout les petites et micro-entreprises ont une demande de financement considérable à laquelle les banques ne sont pas en mesure de répondre et que de l'autre côté, il existe pas mal de fonds privés. Devant cette situation, nous devons faire un travail d'orientation, permettre au capital privé d'entrer dans le secteur financier, et de le rendre ouvert et régularisé. Il nous faut encourager son développement et renforcer sa supervision. J'aimerais vous informer que la Banque populaire de Chine et la Commission de supervision bancaire de Chine envisagent favorablement de lancer une réforme intégrée du financement privé à titre expérimental dans certaines régions dont la ville de Wenzhou.
AFP : Depuis l'année dernière, on a observé une série d'immolations de Tibétains dans des régions de peuplement tibétain en Chine. Est-ce que vous êtes personnellement préoccupé par ce phénomène ? D'après vous, que doit faire le gouvernement ? Quel est le meilleur moyen d'y remédier pour votre gouvernement ?
Premier Ministre Wen Jiabao : Ces derniers temps, il y a eu des immolations de moines dans des régions de peuplement tibétain. Nous sommes contre ces actes extrêmes qui perturbent et compromettent l'harmonie de la société. Les jeunes moines sont innocents. Nous sommes affligés par leurs comportements. Je tiens à souligner clairement que le Tibet et les régions de peuplement tibétain dans quatre autres provinces font partie intégrante du territoire chinois. Le soi-disant gouvernement tibétain en exil basé à Dharamsala en Inde, sous le contrôle direct du Dalaï Lama ou sous son influence indirecte, est de nature théocratique. Son but est de séparer le Tibet et les régions de peuplement tibétain de la mère patrie. Sur cette question, nous sommes fermes dans notre position et nos principes.
Le Tibet où est appliqué le système d'autonomie régionale des minorités ethniques a connu un grand développement socio-économique ces dernières années. Mais pour parler en toute franchise, nous devons reconnaître qu'il reste sous-développé par rapport à d'autres régions chinoises. C'est pourquoi le gouvernement central a pris des mesures énergiques, y compris l'élaboration et la mise en œuvre d'un nouveau plan de développement accéléré du Tibet. L'objectif principal en est d'élever le niveau de vie des agriculteurs et éleveurs au Tibet. En favorisant le développement économique, nous devons veiller à protéger les écosystèmes et les traditions culturelles du Tibet. Nous respectons la liberté de croyance de nos compatriotes tibétains. Cette liberté est d'ailleurs garantie par la loi. Nous devons faire preuve d'égalité et de respect vis-à-vis de nos compatriotes tibétains et améliorer constamment notre travail.
Premier Ministre Wen Jiabao : Si vous n'êtes pas fatigués, vous pouvez encore me poser deux questions.
China News Service : Nous savons que la croissance vigoureuse de l'économie chinoise pendant toutes ces dernières années est accompagnée d'une fracture sociale grandissante. Ces dernières années, dans les rapports d'activités du gouvernement, vous avez mentionné à maintes reprises la nécessité de remédier au problème de l'accroissement de l'écart des revenus. Quelles mesures prendra le gouvernement chinois pour résoudre ce problème afin que davantage de personnes puissent bénéficier des fruits de la réforme et du développement ?
Premier Ministre Wen Jiabao : Concernant la question de réduire l'écart dans la répartition des revenus, la solution comporte quatre points essentiels : Primo, augmenter les revenus des urbains et des ruraux et rehausser le niveau des salaires minimum pour que les revenus des habitants en ville et dans la campagne soient en adéquation avec la croissance économique et l'amélioration de la productivité. Secundo, réajuster la répartition des revenus. A savoir : limiter les très hauts revenus, y compris les revenus des cadres supérieurs dans les entreprises d'Etat et les entreprises financières publiques, et accroître le poids des revenus moyens. Tertio, perfectionner la protection sociale. Quarto, protéger les revenus légaux et lutter contre les revenus illégaux.
A mon avis, dans la répartition des revenus, il y a trois choses qui sont primordiales : Premièrement, créer des conditions pour que chacun ait un accès égal à l'éducation, à l'emploi et à l'entreprenariat et assurer l'égalité des chances. Deuxièmement, se soucier des plus démunis. Seule l'amélioration de la vie des plus démunis permet l'amélioration de la vie de la population tout entière. Troisièmement, accorder de l'importance à la réforme budgétaire et à la réforme de la répartition des revenus pour asseoir la prospérité commune sur des fondements institutionnels.
Reuters : J'ai deux dernières questions. Premièrement, comment voyez-vous le problème des dettes des collectivités locales que vous avez évoqué dans le Rapport d'activités du gouvernement ? Quelle est l'ampleur globale de ces dettes à l'heure actuelle ? Et selon vous, comment faudrait-il gérer ce problème ? Combien de dettes feront-elles l'objet d'une restructuration ? Est-ce qu'il y aura un rééchelonnement ? Est-ce que de nouvelles politiques seront adoptées pour faire face à ce problème ? Ma deuxième question porte sur l'affaire Wang Lijun de la ville de Chongqing, affaire qui attire une grande attention du public. Les départements compétents de l'autorité centrale ont déjà lancé une enquête après l'entrée de Wang Lijun dans le Consulat américain. Quelle est votre opinion personnelle sur cette affaire ? Pensez-vous qu'elle affectera la confiance du gouvernement central sur la direction du gouvernement local et du Comité du PCC pour la municipalité de Chongqing ?
Premier Ministre Wen Jiabao : Concernant la question des dettes des gouvernements locaux, je voudrais vous dire clairement ce qui suit : premièrement, à l'heure actuelle, les taux d'endettement et de déficit du gouvernement chinois sont relativement faibles, ils sont tous inférieurs à ceux de nombreux pays développés et pays émergents. Deuxièmement, la dette gouvernementale de la Chine se situe à un niveau contrôlable et sûr. En 2010, nous avons organisé un audit sur les dettes locales. Le volume total de ces dettes était de 10 700 milliards de yuans RMB. Il n'a augmenté que de 300 millions de yuans en 2011, année au cours de laquelle les gouvernements locaux ont contracté 2 153,6 milliards de yuans de dettes nouvelles et remboursé 2 153,3 milliards de yuans de dettes anciennes. Troisièmement, s'agissant de la gestion des dettes locales, nous allons bien gérer les dettes existantes tout en contrôlant strictement le lancement de nouveaux emprunts. Les dettes existantes seront gérées selon les principes de la catégorisation, du traitement différentié et du remboursement progressif. Dans le même temps, toute dette nouvellement contractée sera inscrite dans le budget du gouvernement local et soumise au contrôle de l'assemblée populaire du même niveau. Quatrièmement, concernant le paiement des dettes locales, il faut savoir que la plupart des dettes émises ont permis de créer des actifs de qualité qui peuvent générer des flux de trésorerie et des bénéfices. Ce genre de dettes seront remboursées avec le rendement qu'elles génèrent. Quant aux dettes contractées pour financer des projets d'intérêt public, elles seront payées par le gouvernement, dont l'Etat central et les autorités locales. Je peux vous dire en toute responsabilité que l'année dernière, nous avons déjà remboursé les dettes de tous les établissements d'enseignement obligatoire. Mais bien sûr, nous allons aussi faire jouer le rôle du marché, en recourant à la cession d'actifs, de projets ou d'actions. En un mot, nous allons traiter la question des dettes locales avec tout le sérieux qui s'impose pour éviter qu'elle ne vienne perturber le développement de la Chine.
En ce qui concerne l'affaire Wang Lijun, elle a attiré une grande attention tant en Chine qu'à l'étranger. Le gouvernement central y a attaché une grande importance et a tout de suite demandé aux départements compétents de mener une enquête, qui d'ailleurs a déjà enregistré des progrès. Nous allons traiter l'affaire de manière rigoureuse en prenant les faits pour fondement et la loi comme critère. Les conclusions de l'enquête et la manière dont cette affaire sera traitée seront communiquées au peuple et doivent pouvoir résister à l'épreuve de la loi et de l'histoire.
Depuis de nombreuses années, les gouvernements municipaux successifs et la population de Chongqing ont déployé de grands efforts pour la réforme et le développement de cette ville. Des résultats tangibles ont été obtenus. Mais le Comité du PCC et le gouvernement municipal actuels doivent réfléchir sérieusement pour tirer des leçons de l'affaire Wang Lijun.
Je voudrais encore dire quelques mots là-dessus. Depuis la fondation de la Chine nouvelle, sous la direction du PCC et du gouvernement, notre pays a réalisé des progrès considérables sur la voie de la modernisation. Nous avons aussi connu des revers et appris des leçons. Mais depuis la 3e Session du Comité central issu du XIe Congrès du PCC, et notamment depuis l'adoption par le Comité central de la Résolution sur certaines questions dans l'histoire du Parti depuis la fondation de la République populaire de Chine, nous avons fait de l'émancipation de l'esprit et de la recherche de la vérité dans les faits la ligne de pensée de notre Parti et défini la ligne directrice de nos actions. Nous avons fait le choix de la réforme et de l'ouverture, choix historique déterminant pour l'avenir et le destin de la Chine. Ce qui s'est passé montre que tout ce que nous faisons doit servir l'intérêt du peuple, se baser sur les expériences et les leçons du passé et résister à l'épreuve de l'histoire et de la réalité. Je crois que c'est un avis partagé par le peuple tout entier et je suis confiant en l'avenir.
J'ai répondu sérieusement à toutes vos questions, et aucune de mes réponses n'a été de pure forme. Cela fait déjà trois heures et je pense que nous pouvons en rester là. Merci de votre attention et au revoir. |