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Shanghai, un centre financier qui ne dort jamais

French.china.org.cn | Mis à jour le 24. 10. 2019 | Mots clés : Shanghai,Wall Street orientale

Depuis les années 1920-1930, la ville de Shanghai a la réputation d’être dynamique même après le coucher du soleil. La nuit y est synonyme non seulement de loisirs nocturnes, mais aussi de valeurs économiques.

Shanghai vient d’entrer dans la dernière ligne droite de sa transformation en centre financier international

Le soir, l’effervescence ne ralentit pas à Lujiazui, le quartier financier de Shang-hai. À ces heures tardives où les flux d’argent fluctuent rapidement et où les indices s’envolent, les opportunités se multiplient. Dans une journée de travail ordinaire, le Shanghai Gold Exchange conclut des transactions portant sur un total de 67 tonnes d’or et atteignant un montant cumulé supérieur à 20 milliards de yuans. Les traders de ce marché nocturne terminent leur travail à 2 h du matin. Quant à ceux qui travaillent au Shanghai Futures Exchange (bourse des contrats à terme), ils continuent d’effectuer des opérations après la fermeture de la bourse à 2h 30 du matin.

Chaque jour, 200 000 agents financiers viennent travailler à Lujiazui dans un des grands immeubles vitrés qui abritent les bureaux de Citigroup, HSBC, Hang Seng, ou ceux du Centre financier international de Shanghai (Shanghai IFC) et du Centre des finances mondial de Shanghai (SWFC). Il s’agit d’une terre recelant des opportunités en or, où sont déjà nées de nombreuses histoires de magnats financiers.

BNY Mellon, à l’affût des opportunités sur le marché chinois

En sortant à la station de métro Lujiazui sur la ligne 2, on peut voir la meilleure plate-forme d’observation de la ville : le passage de Lujiazui. Dans le film futuriste Her, primé à la 86e cérémonie des Oscars, le personnage principal emprunte ce passage chaque jour pour se rendre au bureau.

À 19 h, la Perle de l’Orient, nom de la tour de télévision de Shanghai, s’allume, annonçant la tombée de la nuit. Pourtant, c’est l’heure où Xu Sheng, vêtu de son costume gris foncé, prend sa voiture pour commencer sa « journée » de travail au siège de la Bank of New York Mellon (ou BNY Mellon), installé au 41e étage du bâtiment de la Hang Seng Bank. Il a été nommé président de la région Chine au sein de cette banque le 18 septembre 2018. Auparavant, il a accumulé plus de 20 ans d’expérience à divers postes au sein des banques Deutsche Bank, JPMorgan Chase et Standard Chartered Bank. S’il commence si tardivement le travail, c’est en raison du décalage horaire avec le siège général à New York.

BNY Mellon a ouvert son premier bureau de représentation à Shanghai en 1994, avant d’étendre ses activités à Shanghai et à Beijing en 2000. 20 ans plus tard, cette banque, qui depuis une centaine d’années fournit des services à d’autres institutions bancaires de la région Asie-Pacifique et cible principalement les affaires américaines, se trouve aujourd’hui à un point crucial de son histoire et doit saisir l’occasion qui se présente de gonfler ses activités commerciales. D’après son siège général, il est urgent qu’elle coordonne son développement avec l’essor de la Chine, tout en facilitant la circulation sécurisée des actifs des investisseurs chinois dans le monde entier.

À 21 h, avec son attaché-case noir à la main, Xu Sheng ouvre la porte vitrée de son bureau. Il allume son ordinateur et affirme que durant les cinq années passées, les progrès chinois dans les domaines de la technologie financière et du paiement mobile, auxquels s’ajoutent la hausse des investissements chinois à l’étranger, le lancement de l’initiative « la Ceinture et la Route » et l’ouverture progressive du marché des capitaux et du secteur financier chinois aux organismes financiers étrangers, se sont peu à peu ancrés dans la nouvelle normalité. Il poursuit en précisant que les mesures d’approfondissement de l’ouverture proposées en 2018 fourniront de belles opportunités à BNY Mellon.

Comme BNY Mellon est une banque dépositaire et fiduciaire, Xu Sheng a une nette idée du positionnement qu’il faut lui donner : BNY Mellon doit servir d’intermédiaire entre les clients chinois et les clients étrangers, en leur offrant des services transfrontaliers. À l’heure actuelle, les institutions financières chinoises ont réalisé des économies d’échelle, et dans ce contexte, il est difficile pour les institutions étrangères de surpasser leurs rivales dans la concurrence locale. Afin de s’implanter plus fermement sur le marché, ces agences à capitaux étrangers doivent nouer des liens avec les institutions locales, s’adapter aux différences culturelles et réglementaires, et renforcer leurs avantages compétitifs uniques.

Les transactions des clients ont lieu, non pas au même endroit, mais dans le monde entier. Il est donc impératif de connaître les besoins et les orientations des clients. Prenons l’exemple du gestionnaire de compte client. Il doit non seulement rendre visite à ses clients aux quatre coins du globe et communiquer avec ses collègues répartis dans les succursales à l’étranger, mais aussi soumettre des rapports de recherche en temps réel et les analyser.

À 1 h du matin, les lumières sont encore allumées dans les bureaux de Lujiazui. Le comité exécutif de la BNY Mellon planifie une réunion en visioconférence. Lors de cette rencontre bimestrielle, le président de la région Asie-Pacifique et les directeurs des divers secteurs d’activité dans le monde entier dressent un bilan des deux mois passés, abordant et analysant les stratégies sur le marché, les lois et règlements ainsi que les besoins des clients, puis établissent de nouveaux plans d’action.

Pour Xu Sheng, il est normal de travailler la nuit, selon le fuseau horaire américain. Selon lui, la clé de son travail consiste à mettre en évidence les points forts de la Chine, pour que le groupe reconnaisse l’importance du marché chinois et accroisse ses investissements dans ce pays. « Ce n’est pas une mince affaire. Il faut faire preuve de patience et décrire avec force détails le contexte, car le siège général à New York ne connaît pas très bien la Chine à vrai dire », indique Xu Sheng. Interrogé sur la méthode à suivre pour présenter la Chine, Xu Sheng énonce deux mots-clés : « connaissance » et « recommandation ». D’une part, il faut faire connaître au siège général la situation réelle de la Chine et les opportunités d’investissements qu’elle renferme ; d’autre part, il faut émettre des recommandations et expliquer en quoi elles sont liées à la Chine, en envisageant les types d’investissement et les ressources humaines nécessaires.

Devant un verre de vin blanc, Xu Sheng poursuit, pensif : « Mais je ne dois pas être la seule personne à parler de la Chine en termes élogieux. Ma mission est de faire en sorte que toutes les équipes de direction, quel que soit le secteur d’activité, connaissent aussi bien que moi les possibilités de développement en Chine. Nous devons parvenir à un consensus au sein de la direction et à un alignement stratégique. »

Beaucoup de gens ont l’impression que la banque est un secteur stable, sans grand changement. Mais face au nouveau contexte économique imprévisible, même une agence établie depuis plus d’un siècle est obligée de renoncer à ses idées surannées pour évoluer avec son temps. Telle la devise du directeur général de BNY Mellon, Charles Scharf : « Chaque jour est un point de départ. »

« Wall Street orientale » : la finance décide de l’avenir

« Si Lujiazui est un champ de bataille économique, alors les bâtiments qui s’y dressent sont nos ateliers de production », déclare He Jianmu, fonctionnaire de l’Administration du développement financier de Lujiazui.

Actuellement, 250 immeubles de bureaux de plus de sept étages ont été construits rien que dans le quartier financier de Lujiazui. En outre, Shanghai compte 1 605 institutions financières, totalisant une superficie de 15 millions de mètres carrés, soit plus de 10 fois la surface occupée par tous les bâtiments construits au Bund à Puxi.

Les 200 000 cols blancs travaillant à Lujiazui ont généré des résultats économiques remarquables. En 2018, la Bourse de Shanghai s’est classée au premier rang mondial au regard du volume de transactions portant sur l’or et du volume de transactions liées à plusieurs produits de négociation de contrats à terme standard ; et à l’égard du montant total de financement en actions, elle s’est hissée à la deuxième position du classement mondial. Depuis l’ouverture des canaux d’investissement transfrontalier Shanghai-Hong Kong Stock Connect et de Shenzhen-Hong Kong Stock Connect, la somme des transactions bilatérales a dépassé 14 000 milliards de yuans et le chiffre d’affaires total du marché financier de Shanghai a atteint 1 645 800 milliards de yuans.

2019 est une année particulièrement importante pour Shanghai, qui se trouve aujourd’hui à un nouveau point de départ, prête à accélérer ses pas en prenant appui sur ses résultats et expériences passés. Au-delà des chiffres, il convient d’observer la transformation du rôle des agents financiers et la tendance des capitaux depuis plusieurs années, qui reflètent aussi l’avancement du projet consistant à faire de Shanghai un centre financier international.

Li Yuan, directeur des finances chez Fosun International pour le segment « Innovation en sciences et technologies » continue, à son habitude, d’aller au travail au Bund Finance Center (centre financier du Bund). Toutefois, depuis quatre ans, il a constaté des changements subtils. Vu que la plupart des programmes ont des liens avec l’étranger, les collègues commencent généralement le travail à 15 h. Mais ces dernières années, comme la Chine a accéléré ses fusions-acquisitions à l’extérieur des frontières, elle est progressivement passée d’un statut passif à un statut actif. Dès lors, ce sont les collègues étrangers, venus de France ou d’Allemagne par exemple, qui commencent à se caler sur les horaires chinois.

Xu Sheng nous fait remarquer également un phénomène intéressant : en juin 2019, FTSE Russell, une filiale du London Stock Exchange Group, a officiellement incorporé les actions A chinoises dans ses indices de référence. Parallèlement, son concurrent américain, le fournisseur d’indices MSCI a inclus 12 actions chinoises dans ses indices de référence, avec une pondération de 10 %, suite à sa promesse d’augmenter par étapes la pondération de ces actions de 5 % à 20 %. Ces nouvelles démontrent bien que le marché des capitaux chinois est toujours attractif pour l’étranger.

Néanmoins, selon Zhang Yugui, directeur de la Faculté des finances et du commerce international de l’Université des études internationales de Shanghai, la transformation réussie de Shanghai en « Wall Street orientale » dépendra non seulement de la stratégie chinoise d’internationalisation financière, mais aussi de la capacité de la Chine à briser les obstacles qui empêchent Shanghai de devenir un centre financier mondial. Par exemple, il faudrait apporter des réponses aux questions suivantes : comment faire pour développer les richesses des produits financiers ? Comment faire pour établir le droit de fixing et le droit de parole sur le marché mondial ? Comment faire pour accroître le degré d’ouverture et d’internationalisation, ainsi que pour concentrer un nombre croissant de talents de haut niveau ?

Le 17 janvier 2019, le Plan d’action pour la construction du centre financier international de Shanghai (2018-2020) a été publié. Ce texte fournit d’importantes garanties, orientations et pistes pour ce grand chantier de centre financier international, prévu pour 2020. À l’heure actuelle, Shanghai a convaincu 38 institutions de renommée internationale, spécialisées dans les fonds spéculatifs et la gestion des actifs, de devenir à titre d’essai des partenaires qualifiés à responsabilité limitée en Chine, dans le cadre du programme QDLP. Par ailleurs, plus de 10 des 20 plus grandes sociétés de gestion des actifs au monde se sont installées à Shanghai. Et prochainement, un marché de valeurs d’innovation en sciences et technologies ainsi qu’un système d’introduction à la bourse (IPO) sur la base de l’enregistrement y seront mis en service.

Le 5 juin dernier, prenant en considération la suggestion de Pierre Ducret, co-président de FC4S (réseau mondial des centres financiers pour la durabilité), la cité financière de Lujiazui a décidé d’intégrer les concepts de « protection de l’environnement » et de « développement durable » au secteur financier de Shanghai et de déployer le plan 5G dans le domaine du développement durable. Dans cette démarche, elle attache de l’importance au recrutement et à la formation de jeunes talents, à l’architecture bas carbone, à l’innovation financière et aux conférences mondiales sur Internet.

Un matin de janvier 1991, plus précisément le quatrième jour de l’année selon le calendrier lunaire, Deng Xiaoping contemplait le panorama sur Shanghai depuis le nouvel hôtel Jinjiang, bâtiment de 41 étages qui était alors le plus haut du centre-ville, tout en écoutant attentivement des comptes-rendus sur le développement de Pudong.

28 ans plus tard, d’innombrables agents financiers s’activent dans cette cité financière de Lujiazui qui ne dort jamais, preuve vivante que la finance est très importante. Il s’agit du noyau de l’économie moderne, qui décidera de l’avenir de l’économie.

*WU XUE est journaliste du Xinmin Weekly.


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Source:La Chine au Présent