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« Hier Alstom, aujourd’hui Huawei. Et demain ? »

French.china.org.cn | Mis à jour le 23. 07. 2019 | Mots clés : Alstom, Huawei




Les États-Unis utilisent une stratégie très similaire à celle utilisée contre Alstom pour déstabiliser et faire pression sur Huawei, le géant chinois des télécoms, a confié dans une interview exclusive récemment accordée à Xinhua par Frédéric Pierucci, un ancien cadre d’Alstom.

 

Alors président de la division « chaudière » d’Alstom, il a été arrêté par le FBI en avril 2013 à son débarquement à l’aéroport JFK de New York pour une affaire concernant un contrat de centrale électrique en Indonésie, qui aurait été remporté par Alstom grâce à des pots-de-vin. Un an plus tard, Alstom a été obligé par les États-Unis de payer la plus gigantesque amende jamais infligée pour enfreinte à la loi extraterritoriale américaine dite Foreign Corrupt Practice Act (FCPA) et partiellement racheté par General Electric, son principal concurrent américain.


« À l’époque, j’avais travaillé sur ce dossier (...) Mais ces faits remontent aux années 2003 et 2004 et le contrat indonésien a été signé en 2005. Ces négociations sont vieilles de presque dix ans (...) Et surtout, j’ai été blanchi par un audit interne », lit-on dans son livre Le Piège américain, écrit avec l’aide du journaliste Matthieu Aron et consacré à cette affaire.


« J’ai longtemps hésité avant de publier ce livre, mais maintenant je ne le regrette pas. En toute modestie, je pense qu’il contribuera à une prise de conscience des employés, des dirigeants d’entreprise et des politiques à ce sujet. »


M. Pierucci raconte que le ministère américain de la Justice (DOJ) l’avait mis en examen en novembre 2012 pour avoir enfreint le FCPA, loi sur les pratiques de corruption à l’étranger, sans cependant l’en avertir. Il l’a notamment accusé d’avoir participé à des pratiques de corruption menées par Alstom en 2003-2004 en Indonésie.


« Mon livre décrit ma descente aux enfers, et montre comment le DOJ s’est servi de moi pour faire payer à Alstom la plus grosse amende de son histoire pour avoir enfreint le FCPA (772 millions de dollars en 2014). Cela a facilité le rachat de 70 % d’Alstom par General Electric, empêchant par la même occasion le rapprochement entre Alstom et Shanghai Electric Company », indique-t-il.

 

Ces poursuites ont pour lui été un cauchemar. « En tout, lors de deux ‘‘séjours’’ effectués à trois ans d’intervalle, j’ai passé plus de 25 mois en prison aux États-Unis, dont 14 dans des quartiers de haute sécurité. Je n’ai pu voir ma femme que deux fois à travers une vitre blindée et je n’ai pas pu voir mes quatre enfants pendant ces périodes. À la demande du DOJ, j’ai aussi été licencié par Alstom pour “abandon de poste” pendant que j’étais incarcéré. Ma carrière a été détruite », explique-t-il.

 

Interrogé sur la nature exacte de ce « piège américain », il assure qu’une analyse précise et détaillée des faits et de la jurisprudence montrent clairement que les États-Unis utilisent leur système judiciaire comme une arme de guerre économique dans le but d’affaiblir leurs concurrents, allant parfois jusqu’à les racheter à bon compte.

 

« En rachetant Alstom, les États-Unis ont mis la main sur la maintenance de toutes les centrales nucléaires françaises, qui produisent 75 % de l’électricité produite dans le pays », souligne l’ancien cadre.

 

Récemment, les États-Unis ont également décidé d’interdire à l’entreprise chinoise Huawei de faire des affaires aux États-Unis. M. Pierucci constate que les États-Unis ont recouru à cette occasion à une stratégie très similaire à celle utilisée contre Alstom, en mettant en examen la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, afin de faire pression sur le groupe et de le déstabiliser.

 

« En toile de fond, il y a bien sûr la guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis, notamment en matière de technologie 5G, sur laquelle tout le monde sait que Huawei a pris de l’avance par rapport à ses concurrents. L’avantage est que maintenant, le président américain ne s’en cache plus. La vérité est étalée au grand jour et plus personne ne peut ignorer que les États-Unis utilisent le droit comme arme de guerre économique », note-t-il.

 

Tous les pays du monde devraient s’unir pour contrecarrer l’unilatéralisme des États-Unis, qui ne veulent pas d’un monde multipolaire. « Hier Alstom, aujourd’hui Huawei. Et demain ? Il est grand temps pour l’Europe et la Chine de réagir. »

 


Par TANG JI et YING QIANG, journalistes de l’agence de presse Xinhua.


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Source:french.china.org.cn