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Avec l’augmentation des coûts d’importation, la stratégie de Washington nuit aux consommateurs, mettent en garde des experts américains.
L’escalade des tensions commerciales des Etats-Unis avec la Chine, exacerbée par les droits de douane récemment mis en place et les menaces sur de nouveaux droits additionnels, pourrait s’accompagner d’un coût politique, frappant l’économie et l’emploi aux Etats-Unis. De fait, l’administration Trump devrait faire « marche arrière », affirment certains experts et dirigeants d’entreprises.
« Lorsque les droits de douane augmentent, leur impact sur l’économie augmente lui-aussi », souligne Nicole Kaeding, la vice-présidente des projets fédéraux et spéciaux pour le groupe de réflexion Tax Foundation basé à Washington.
Selon elle, les nouveaux droits de douane mis en place par l’administration Trump représentent une augmentation fiscale de 70 milliards de dollars (62,8 milliards d’euros) par an sur les consommateurs aux Etats-Unis, engendrant une hausse des prix pour un certain nombre de produits.
« Ces droits de douane, s’ils sont maintenus, vont réduire la taille de l’économie américaine et l’emploi. [...] Il est à espérer que l’administration [Trump] fasse marche arrière et supprime ces droits de douane, et que le gouvernement chinois fasse de même », explique-t-elle.
A l’instar des premiers cycles de droits de douane, qui se concentraient davantage sur les produits industriels et agricoles, la dernière menace d’imposer 25 % de droits de douane sur approximativement 300 milliards de dollars de marchandises importées de Chine − si elle devait se réaliser − concernerait principalement les produits de consommation, incluant les jouets, les vêtements, le mobilier et les chaussures.
D’après Gary Hufbauer, un chercheur et expert commercial à l’Institut Peterson pour l’économie internationale (PIIE) à Washington, les droits de douane américains − incluant la dernière augmentation de 10 % à 25 % sur 200 milliards de dollars d’importations chinoises − coûteront près de 1000 dollars par an pour les foyers américains avec un enfant.
La menace d’augmenter les droits de douane sur 300 milliards de dollars de marchandises chinoises ferait passer ce coût à 2200 dollars annuels.
« A un moment, les consommateurs se rendront compte de l’augmentation des prix sur les produits importés. Les petites entreprises dépendantes d’importations intermédiaires cruciales devront licencier et les exportateurs américains perdront des ventes. Tous ces effets auront un coût politique », explique M. Hufbauer.
Ces commentaires font écho à une étude publiée au mois de février par le cabinet de conseil américain Trade Partnership, qui estime que l’imposition de droits de douane de 25 % sur l’ensemble des importations depuis la Chine, combinée aux effets des mesures chinoises de représailles, mettrait en péril plus de 2 millions d’emplois aux Etats-Unis et réduirait le PIB américain de 1 %.
« La poursuite de cette escalade serait contre-productive. Elle entraînerait uniquement une guerre froide économique entre les Etats-Unis et la Chine au moins jusqu’en 2021, et peut-être pendant bien plus longtemps. Il s’agirait d’une proposition perdant-perdant », souligne M. Hufbauer.
Pour sa part, Beijing a clairement exprimé sa position dans ce conflit commercial: « Si vous souhaitez discuter, la porte est ouverte. Si vous voulez vous battre, nous nous battrons jusqu’au bout », selon une déclaration diffusée le 13 mai par la China Central Television (CCTV).
D’après M. Hufbauer, il devrait y avoir de nombreuses rencontres au cours du mois prochain pour désamorcer cette escalade, qui serait « extrêmement mauvaise » pour les deux pays et pour l’économie mondiale.
Cal Jillson, un professeur en sciences politiques à l’Université méthodiste du Sud à Dallas, estime toutefois que ce conflit commercial pourrait se prolonger.
Il note que le président Donald Trump a pris des mesures pour soulager les difficultés rencontrées par les agriculteurs et les fabricants américains. « Néanmoins, avec la survenue prochaine des élections présidentielles en 2020, il sera attentif à toute perte de soutien au sein des circonscriptions dont il aura besoin pour être réélu », explique-t-il.
Donald Trump a fait le pari que l’augmentation des prix à la consommation ne contrariera pas les électeurs grâce à une croissance économique forte et au taux de chômage le plus faible de ces 50 dernières années. Toutefois, l’augmentation des prix pourrait compliquer la situation pour le président lorsque la campagne battra son plein, rapportait vendredi dernier le site d’information politique The Hill.com.
« Nous savons que l’emploi est bon actuellement, mais si les entreprises sont contraintes de licencier des employés, cela pourrait donner à l’économie une autre orientation », note Ed Weinstein, le vice-président des affaires fiscales et gouvernementales pour la chaîne américaine de vente au détail Jo-Ann Fabric.
« A 25 %, nous devrons transférer cette augmentation des prix sur nos consommateurs. [...] Cette augmentation pourrait entraîner une réduction des profits, ce qui engendrerait la fermeture de magasins et le licenciement d’employés », explique-t-il.
Source:french.china.org.cn |