La Chine et les États-Unis ont discuté mardi d'une feuille de route pour la prochaine étape des négociations commerciales, mais certains craignent que l'arrestation de la directrice financière de Huawei, Meng Wanzhou, mette en péril le consensus atteint par les présidents des deux pays.

Les observateurs ont déclaré que les discussions montraient la progression des négociations commerciales et que l'arrestation ne devrait pas faire dérailler le processus, car il s'agit de deux affaires distinctes.

Selon un communiqué publié mardi par le ministère chinois du Commerce, le vice-premier ministre chinois Liu He, qui dirige les négociations, a appelé le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, et le représentant au Commerce, Robert Lighthizer, dans la matinée, pour discuter de la mise en œuvre du consensus atteint par les chefs d’État.

Au cours de cet appel, la Chine et les États-Unis ont échangé leurs points de vue sur un calendrier et une feuille de route pour faire avancer les négociations commerciales. Le communiqué ne donne pas plus de détails sur leur discussion.

Lors de leur dîner en Argentine le 1er décembre en marge du G20, le président chinois Xi Jinping et son homologue américain Donald Trump ont convenu de suspendre les surtaxes douanières, dans l’objectif de parvenir à un accord dans les 90 jours.

L'arrestation de Meng Wanzhou au Canada le même jour, mais qui n'a été rendue publique que le 5 décembre, a ébranlé les marchés mondiaux et a fait craindre un embrasement des tensions entre la Chine et les États-Unis. Mme Meng a comparu devant un tribunal de Vancouver lundi, mais sa mise en liberté sous caution ne lui a toujours pas été accordée.

L'audience sur l’éventuelle libération sous caution de Mme Meng en attendant les procédures d'extradition vers les États-Unis devait se poursuivre mardi, a rapporté CNN.

Mei Xinyu, chercheur à l'Académie chinoise du commerce international et de la coopération économique à Beijing, a déclaré mardi au Global Times que « les États-Unis comptaient peut-être utiliser l'arrestation de Meng Wanzhou pour mettre la Chine à l’épreuve et faire pression sur elle durant les négociations commerciales, mais la réaction indignée de la Chine à l'égard de cette affaire les a fait vaciller ».

Li Haidong, professeur à l'Université des affaires étrangères de Chine, envisage les pourparlers et l'arrestation de manière différente.

« Il devrait être clair que les négociations commerciales et l'arrestation de Mme Meng sont deux affaires distinctes. La conversation téléphonique entre les hauts responsables chinois et américains a montré que les deux parties sont disposées à faire avancer le consensus atteint par les deux présidents en Argentine », a déclaré M. Li au Global Times. 

Tu Xinquan, doyen de l'Institut chinois des études sur l'OMC à l'Université de commerce international et d’économie de Beijing, a souligné que l’arrestation de Meng Wanzhou constituait une affaire diplomatique, pas une question commerciale.

« Cette arrestation met en évidence l’aggravation des conflits fondamentaux entre les deux pays, mais cela n'empêchera pas les États-Unis et la Chine de poursuivre leurs négociations », a-t-il souligné mardi.

Peter Navarro, conseiller commercial à la Maison-Blanche, a affirmé qu'il n'y avait aucun lien entre les négociations commerciales et l'arrestation de la directrice financière de Huawei. « Ce sont deux événements distincts », a-t-il souligné sur la chaîne CNN vendredi, en ajoutant que leur concomitance était une coïncidence.

Wang Yi, membre du Conseil d’État et ministre des Affaires étrangères, a réitéré durant un séminaire diplomatique qui s’est tenu mardi à Beijing qu’une coopération entre la Chine et les États-Unis bénéficierait au monde entier, tandis qu’une confrontation ne ferait que des perdants et serait préjudiciable à tous.

Les États-Unis devraient abandonner leur mentalité de jeu à somme nulle, adopter une vision plus positive du développement de la Chine et ne pas se créer artificiellement de nouveaux adversaires, a souligné M. Wang.

Poursuite des échanges 

L'arrestation de Meng Wanzhou ne semble pas avoir fait dérailler les échanges en cours entre la Chine et les États-Unis.

L'ambassade des États-Unis en Chine a annoncé lundi sur son compte officiel Weibo que David Pekoske, administrateur de l’US Transportation Security Administration, qui relève du département américain de la Sécurité intérieure, se rendrait à Beijing pour rencontrer des responsables de l'administration de l'aviation civile de Chine.

Mei Xinyu lui a adressé un message d’accueil sur le ton de l’ironie. « Nous espérons que vous aimerez la cuisine chinoise et la Chine. Le pays du cérémonial et de l’étiquette ne vous kidnappera pas. »

Bloomberg a rapporté mardi que la Chine avait l'intention d'annoncer ce mois-ci l'achat d’un premier lot de soja américain et que la majeure partie, sinon la totalité de ce lot, serait destinée aux réserves de l'État.

La reprise des achats de soja soulagera un peu les agriculteurs américains qui ont vu leurs exportations vers le plus gros consommateur mondial s’effondrer et leurs stocks s'accumuler, a estimé Bloomberg.

Cependant, les analystes craignent que la colère croissante et le sentiment national de la population chinoise compromettent les négociations commerciales et les relations bilatérales.

Selon un article publié samedi par le Nikkei Asian Review du Japon, le fabricant américain d’équipements de réseau Cisco Systems a demandé à ses employés de ne pas se rendre en Chine en raison du risque de représailles après l’arrestation de la directrice financière de Huawei.

« Les États-Unis devraient faire preuve d’une grande prudence au sujet de l'arrestation de Meng Wanzhou », a déclaré Mei Xinyu.