Pourquoi cette baisse soudaine des taux d'intérêt ?

Par : Lisa |  Mots clés : taux d'intérêt,fonds, immobilier,dépôt
French.china.org.cn | Mis à jour le 30-01-2015

Pourquoi cette baisse soudaine des taux d'intérêt ?

Siège de la Banque populaire de Chine.

XIE JIU*

Le 21 novembre 2014, la Banque centrale a annoncé une baisse assez forte de ses taux directeurs. Pour une fois, elle a adopté des mesures asymétriques : tandis que les taux de référence s'appliquant aux crédits sur un an baissent de 0,4 point à 5,6 %, les taux de base des dépôts sur un an reculent de 0,25 point à 2,75 %. Dans le même temps, pour faciliter la réforme visant à déréguler les taux d'intérêt, elle a ajusté le plafond de la marge d'intérêts des institutions financières de 1,1 fois à 1,2 fois.

Remédier aux coûts élevés frappant les entreprises pour lever des fonds

En général, la Banque centrale préfère recourir à des instruments quantitatifs avant de manier les instruments de prix, c'est-à-dire réduire d'abord le taux des réserves obligatoires avant de toucher aux taux d'intérêt. L'abaissement des taux d'intérêt est souvent considéré comme l'arme de dernier recours de la Banque centrale. Pourtant cette fois, si la Banque centrale chinoise s'est gardée de faire baisser les réserves obligatoires, c'est qu'elle considère que le secteur bancaire ne manque pas de liquidités, et que le plus urgent est de faire baisser le coût de la levée de fonds pour les entreprises, qui est trop élevé. C'est pour cela qu'elle se montre prudente vis-à-vis d'une libération des liquidités par la baisse du niveau des réserves obligatoires. Dans ce contexte, elle a décidé d'agir vigoureusement en abaissant les taux.

Au moment où la croissance de l'économie s'est ralentie, s'attaquer aux coûts de la levée de fonds dont souffrent les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) devient la priorité économique pour l'année 2014. Il convient de mentionner que depuis juin dernier, le Conseil des affaires d'État a émis plusieurs documents sur la question. En août dernier, il a encore publié un avis en dix articles préconisant de faire baisser les coûts de revient de la levée de fonds dans les entreprises. Dans le même temps, il a promis à plusieurs reprises qu'il n'y aurait pas de recours à des stimulations d'envergure et qu'il s'opposerait à une politique monétaire visant à accroître les liquidités. Ceci a constitué défi assez difficile pour la Banque centrale.

Dans ce contexte, la Banque centrale a mis en place plusieurs instruments monétaires innovants, dont la baisse limitée des réserves obligatoires et des taux d'intérêt, ainsi qu'un outil appelé Pledged Supplementary Lending (PSL), dans le but de fournir des fonds à bas coût pour la reconstruction des quartiers insalubres. Par ce moyen, elle s'est efforcée à la fois de maintenir une certaine abondance des agrégats de liquidité et de guider les taux d'intérêt sur les marchés, toujours pour faire baisser le coût du capital pour les entreprises. Ces mesures ont été suivies de résultats positifs. Au troisième trimestre, le taux moyen pondéré des crédits offerts par les établissements non financiers et d'autres acteurs du marché s'est établi à 6,97 %, soit une baisse de 0,23 % sur la fin de l'année précédente. Pourtant, ces outils dits innovants sont pour la plupart des produits structurels qui ont normalement une échéance à court et moyen terme, et qui par conséquent ne peuvent résoudre durablement le problème des entreprises, et notamment des PME.

Le 19 novembre, lors d'une réunion exécutive du Conseil des affaires d'État, il a été décidé de prendre de nouvelles mesures pour remédier à ce problème. Dix mesures ont été envisagées, parmi lesquelles on peut citer l'accélération de la réforme de libéralisation des taux d'intérêt, l'établissement d'un système d'autodiscipline dans la fixation des prix, l'orientation des institutions financières vers un réajustement des taux d'intérêt « anormalement élevés » de certains crédits.

Conséquences sur le marché immobilier

Par rapport aux outils monétaires mis en place en 2014 par la Banque centrale, la baisse des taux d'intérêt traditionnels est évidemment une arme puissante pour abaisser le coût du capital. Mais comme toujours, la Banque centrale ne s'est pas résolue facilement à recourir à cette pratique. D'une part, parce qu'elle craint de donner l'impression de revenir vers des pratiques autoritaires : la question d'abaisser ou non les taux d'intérêt a toujours été un sujet sensible pour l'économie chinoise, et il a régulièrement fait l'objet de débats houleux. D'autre part, les inquiétudes sont fortes de voir se développer une bulle dans le secteur immobilier, et c'est là un autre facteur important. En 2009 et en 2012, on a vu deux fois le marché immobilier renaître de ses cendres. Cela est dû à l'annonce d'une politique monétaire d'assouplissement quantitatif. Mais cette fois, en annonçant de nouvelles baisses des taux d'intérêts dans un contexte de chute des prix de l'immobilier, aggravera-t-on l'effet de bulle ? Cette question a constitué l'une des principales inquiétudes de la Banque centrale dans la mise au point de sa politique monétaire.

C'est à la veille de la Fête nationale (le 1er octobre) que la Banque centrale a brusquement annoncé une nouvelle mesure visant les crédits immobiliers, stipulant que les familles demandeuses de crédits en vue d'acquérir un premier logement doivent verser un apport minimum de 30 % de la somme du crédit demandé. Dans le même temps, le taux d'intérêt minimum se situe à 0,7 fois le taux de base. Les familles propriétaires d'un premier logement et ayant déjà remboursé leur crédit y afférant bénéficient des conditions s'appliquant au premier logement. Ceci dénote un changement d'attitude progressif du gouvernement vis-à-vis du secteur immobilier. Au moment où le taux de croissance économique affiche un tassement, le secteur immobilier est chargé de stabiliser celle-ci.

La succession des annonces de la nouvelle mesure envers le crédit immobilier et des baisses généralisées des taux d'intérêt est sensée avoir un effet apaisant sur le marché immobilier, fût-ce pendant une courte période. Mais compte tenu de la tendance au ralentissement de la croissance au niveau macroéconomique et du changement au niveau de la demande de logements, l'apparition d'un nouveau cycle de hausse du marché immobilier reste frappée d'une grande incertitude. Par le passé, la Banque centrale avait imposé un taux d'intérêt minimal à 0,7 fois le taux de base. Désormais, dans le contexte de la libéralisation des taux d'intérêt, les coûts bancaires sont de plus en plus élevés. Le taux de référence moins 30 % implique des pertes pour le secteur bancaire. Par conséquent, pendant les deux mois qui ont suivi la publication de la nouvelle mesure, aucune banque n'a réellement offert les taux d'intérêt minimaux imposés par la Banque centrale. Si la Banque centrale a annoncé cette fois une baisse des taux d'intérêt, c'est dans une certaine mesure pour punir les banques commerciales qui n'ont pas agi pour soutenir la politique précédente.

Ne pas compter uniquement sur la responsabilité des banques

Cette fois, ce sont peut-être les banques qui sont les principales victimes de la baisse des taux d'intérêt annoncée par la Banque centrale. Comme ces baisses sont asymétriques, le taux d'intérêt des dépôts sur un an est tombé de 3 % à 2,75 % tandis que la marge d'intérêt des dépôts s'est accrue de 1,1 fois à 1,2 fois. Même si les banques appliquent la marge maximale des taux d'intérêt sur les épargnes, le taux d'intérêt sur un an n'est que de 3,3 %, c'est-à-dire le même qu'auparavant. En revanche, les taux d'intérêt des crédits ont reculé de 0,4 %, ce qui génère une grande pression sur les banques qui vivent de la marge d'intérêt entre les dépôts et les crédits.

Certes, les banques commerciales ne sont pas dépourvues de tout recours. De fait, à partir du 20 juillet 2013, le contrôle des taux d'intérêt des crédits des institutions financières intérieures a été abandonné. La libéralisation complète est désormais effective. Bien que les taux d'intérêt directeurs élaborés par la Banque centrale servent de guide, les banques commerciales peuvent décider de leur propre chef des taux d'intérêt sur les crédits immobiliers. Cette mesure risque de relancer le traditionnel problème du marché du crédit chinois. En ce qui concerne l'accès au crédit, les grandes entreprises d'État disposent d'avantages déloyaux envers les PME. Dès lors que les prix sont fixés par l'offre et la demande du marché du crédit, le problème des coûts élevés pour les PME se posera toujours, même après l'annonce des baisses des taux d'intérêt. C'est pourquoi la réaction des banques est au centre de l'attention publique. Celles-ci peuvent choisir de supporter le choc de la réduction de leur marge d'intérêt et de répondre à l'appel de la Banque centrale, mais également de transférer ce coût. Dans ce cas, la mesure de la Banque centrale imposant une baisse des taux d'intérêt se trouverait vidée de son sens.

Après son annonce de baisse des taux d'intérêt, la Banque centrale a vivement souligné la nécessité pour les institutions financières de faire preuve de responsabilité sociale : « Tout en publiant cette mesure, la Banque populaire de Chine a demandé aux institutions financières de prendre en considération la situation générale de promotion du développement socio-économique. Nous espérons qu'elles assumeront réellement leur responsabilité sociale, qu'elles comprendront le fait que les finances doivent servir l'économie réelle, et qu'elles appliqueront efficacement les orientations du contrôle macroéconomique de la Banque centrale, en fixant un niveau de taux d'intérêt des crédits suivant le réajustement des taux d'intérêt de base, et abaisseront les coût de levée de fonds par l'intermédiaire du système d'autodiscipline dans la fixation des taux d'intérêt par le marché. » Mais il est évident qu'il sera difficile pour les institutions financières d'y parvenir uniquement en misant sur leur responsabilité sociale. Pour s'assurer que les capitaux des institutions financières ne seront pas réservées aux grandes entreprises d'État souvent peu rentables, mais iront également vers les PME plus dynamiques, on ne pourra pas faire l'économie d'une réforme plus approfondie du système financier.

*XIE JIU est éditorialiste de Life Weekly

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Source: La Chine au Présent
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