Le chef de la coalition principale
de l'opposition en Egypte a appelé mercredi à une réunion d'urgence
avec le président, après avoir rejeté un dialogue national proposé
par ce dernier. des analystes considèrent cet appel comme un
changement important de l'attitude de l'opposition, qui pourrait
éventuellement apporter des changements à la scène politique du
pays.
Mohamed ElBaradei, chef du Front du
salut national (FSN), a appelé sur son compte Twitter à "une
réunion d'urgence avec le président Morsi, les ministres de la
Défense et de l'Intérieur, le Parti de la Liberté et de la Justice
(PLJ) des Frères musulmans (FM), et les dirigeants des partis
salafistes ainsi que le FSN pour discuter de l'escalade d'actes
violents dans les rues".
L'appel de M. ElBaradei intervient
après que le président Morsi a proposé un dialogue national en
réponse aux affrontements récents entre manifestants et forces de
sécurité, qui ont coûté la vie à plus de 60 personnes et en ont
blessé environ 2 000 autres jusqu'à maintenant.
Comme conditions préalables au
dialogue, le FSN a entre autres exhorté la formation d'un nouveau
gouvernement et d'une commission chargée d'amender la Constitution,
demandes ignorées par le président.
Cependant, mercredi, alors que le
président était en visite en Allemagne, l'opposition a appelé à une
réunion avec le président Morsi en présence des ministres de la
Défense et de l'Intérieur ainsi que des principaux partis
islamistes.
Ali Hassan, analyste politique et
rédacteur en chef adjoint de l'agence de presse officielle MENA, a
indiqué à Xinhua que l'opposition s'était peut-être rendu compte
que l'absence de dialogue et de compromis plongerait l'Egypte dans
un chaos plus profond et qu'elle pourrait être accusée d'avoir
contribué aux turbulences par le boycott du dialogue.
"Le FSN a pris conscience du poids
important de la responsabilité qu'il assume, il a donc assuré être
disposé à dialoguer avec le gouvernement malgré un rejet
précédent", a poursuivi M. Hassan.
Il a ajouté que le pays s'orientait
lentement vers un état de chaos politique, économique, social et
sécuritaire, soulignant que le dialogue sincère était la seule
façon de sortir de la crise actuelle.
Le FSN a également tenu des
pourparlers avec le Parti salafiste Al-Nour, arrivé deuxième aux
dernières élections parlementaires derrière le Parti de la Liberté
et de la Justice (PLJ). La réunion a fait écho aux peurs liées à la
tentative des FM, dont est issu le président Morsi, de dominer les
institutions d'Etat.
Malgré son accord avec le FSN sur
la formation d'un nouveau gouvernement de coalition, le Parti
salafiste Al-Nour appartient au même mouvement islamiste que le
PLJ.
La réunion entre le Parti salafiste
Al-Nour et le FSN montre une division avec le FJP, a analysé M.
Hassan, ajoutant qu'après la réunion, le chef d'Al-Nour Younis
Makhyoun a déclaré que "la nation ne devrait pas se limiter à une
faction", faisant référence aux FM.
La participation du Parti salafiste
Al-Nour aux pourparlers "reflète une résistance au sein du
mouvement islamiste actuel à l'idée qu'un parti ait le monopole sur
le destin du pays", a-t-il souligné.
Saeed al-Lawindy, expert politique
et chercheur au centre al-Ahram pour les études politiques et
stratégiques, considère l'appel de M. ElBaradei comme "un
changement de position qui met en priorité le bien commun au-dessus
d'intérêts de partis ou personnels".
"Le FSN s'est probablement rendu
compte que l'Egypte est en danger réel", a-t-il indiqué à Xinhua,
reprenant l'opinion de M. Hassan que le dialogue est la seule voie
envisageable pour apaiser la tension et résoudre les problèmes en
cours.
M. al-Lawindy est d'accord avec le
fait que le FSN ne veut pas être accusé pour toute escalade de
violence suite à son rejet de dialogue. "Comme l'a dit l'ancien
président français Nicolas Sarkozy, 'les absents ont tort'."
Concernant la réunion tenue
mercredi entre le Parti salafiste Al-Nour et le FSN, M. al-Lawindy
a noté que la réunion illustrait le mécontentement des Salafistes
vis-à-vis de "la monopolisation et l'exclusion des politiques" de
leurs camarades islamistes des FM.
"Le mouvement islamiste actuel
n'est pas un bloc solide, en particulier lorsque le futur de
l'Egypte est en jeu", a poursuivi M. al-Lawindy, soulignant que la
position d'Al-Nour a été appréciée, même par les laïques et les
libéraux.
Cependant, l'appel de M. ElBaradei
à une réunion d'urgence avec le président Morsi et l'entretien
entre le FSN et le Parti Al-Nour ne signifient pas que le FSN a
renoncé à ses conditions préalables au dialogue, et n'annule pas
leur appel aux manifestations à l'échelle nationale prévues
vendredi contre le gouvernement, indique la militante politique et
membre du FSN Karima al-Hifnawi
"Il y a une différence entre
l'acceptation du dialogue et le renoncement des préconditions au
dialogue", a-t-elle souligné à Xinhua.
Concernant les manifestations de
vendredi, Mme al-Hifnawi a réaffirmé qu'elles seraient pacifiques
et que la police serait responsable de toute effusion de sang
éventuelle.
Faisant l'éloge de la conscience
politique renforcée du peuple égyptien, elle a indiqué que "nous ne
sommes pas suffisamment puissants pour forcer le peuple à
manifester, mais la population est motivée par ses aspirations à un
niveau de vie décent, à la liberté et à la justice sociale,
jusqu'ici insatisfaites.
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