La Commission pour les Sciences, les Technologies et l’Industrie de
la défense nationale (Administration nationale de l’astronautique)
vient d’annoncer le démarrage en 2003 de l’expertise du programme
de l’exploration lunaire et de l’étude des techniques clés.
Pourquoi la Chine, un pays en voie de développement qui n’a pas
d’abondantes ressources financières, veut-elle mettre à exécution
le programme de l’exploration de la lune ? Quelle en est la
signification ? M. Luan Enjie, membre du Comité national de la
Conférence consultative politique du peuple chinois, vice-président
de la Commission pour les Sciences, les Technologies et l’Industrie
de la défense nationale et président de l’Administration nationale
de l’astronautique, a accordé une interview à l’agence de presse
Xinhua (Chine nouvelle). En voici le contenu :
Journaliste : A la fin des années 1990, l’exploration de la lune a
connu une deuxième vague. Voulez-vous nous dire où en est-on dans
l’exploration de la lune ?
Luan Enjie : A la fin des années 1950, les Etats-Unis et l’ancienne
Union soviétique se sont livrés à une course spatiale centrée sur
l’exploration de la lune. C’en était la première vague. De 1958 au
mois d’août 1976, les deux pays ont lancé 45 sondes lunaires. En
juillet 1969, le vaisseau spatial Apollo des Etats-Unis s’est posé
sur la lune, pour la première fois dans l’histoire de l’humanité.
Les échantillons, les données et les expériences de valeur
inestimable obtenus par les sondes des Etats-Unis et de l’ancienne
Union soviétique ont amélioré considérablement notre connaissance
de la lune, de la terre et du système solaire, encouragé et stimulé
la rénovation et le développement des sciences fondamentales, des
sciences et technologies, donné le jour à de nombreuses industries
de haute technologie et produit de notables rentabilités sociales
et économiques. A partir de 1977, les Etats-Unis et l’ancienne
Union soviétique ont effectué l’exploration de l’espace profond, en
envoyant des sondes vers Mars, Vénus et Saturne. A la fin des
années 1990, les principaux pays ou organisations astronautiques
ont avancé d’ambitieux programmes de l’exploration de la lune, qui
a ainsi connu un regain de ferveur. En 1995, les Etats-Unis ont
lancé un programme nouveau et complet sur l’exploration de la lune,
destinée au XXIe siècle. En 1994, l’Agence spatiale européenne a
formulé un plan détaillé de retour sur la lune et d’établissement
de bases lunaires, et lancera en 2003 le premier satellite lunaire
et mettra en place la base de recherches scientifiques sur la lune.
Le Japon a aussi dressé un plan systématique de l’exploration de la
lune, lancera en 2003 Lunar-A, et en 2004 une sonde lunaire, et en
2015 établira une station d’observation sur la lune. L’Inde a
formulé aussi son projet d’exploration de la lune, et lancera
autour de 2006 une sonde lunaire.
Journaliste : Par rapport à la première vague internationale de
l’exploration de la lune, quelles sont les caractéristiques de la
deuxième vague ?
Luan Enjie : Les plans des différents pays pour explorer la lune,
aller sur la lune et y établir des bases sont maintenant plus
précis, plus ambitieux et impliquent un plus plus grand nombre de
pays. Les raisons en sont les suivantes :
L’exploration de la lune est l’aboutissement naturel du
développement des sciences et technologies, et du développement de
l’exploration de l’espace. Le programme de l’exploration de la lune
des années 1960 montre que l’exploration spatiale est un projet de
hautes technologies et de haut rapport économique. Sa valeur réelle
est de loin supérieure à la réalisation du programme. L’exploration
de la lune peut être l’incubateur de sciences et technologies, et
rénover et révolutionner les technologies concernées de
l’économie.
Après l’effort de ces dernières décennies, et l’assimilation des
technologies des premières tentatives de l’exploration de la lune,
les pays astronautiques ont mis sur pied une industrie et un
système d’exploitation astronautique complets, avancés et
pratiques. Les vols habités et les systèmes d’aller-retour dans
l’espace ont déjà atteint le mûrissement sur le plan technique et
sont faisables sur le plan économique. Les techniques de
construction de bases permanentes sur la lune approchent le stade
d’application.
Le
retour sur la lune et la création de bases permanentes lunaires
constituent le premier pas de l’humanité pour mettre en valeur les
ressources extra-terrestres et élargir l’espace de son existence.
Ce programme lui permet d’apprendre comment quitter le village
terrestre, et établir un foyer extra-terrestre autonome, comme
l’établissement des bases de recherches permanentes en Antarctique,
pour développer des industries extra-terrestres. Les beoins
croissants des applications et des sciences spatiales, comme les
recherches scientifiques en micro-gravité et la production en série
des produits biologiques spétiaux, demandent que tout ce travail se
fasse dans un « laboratoire spatial » aussi grand que la lune. Les
perspectives de l’exploitation des ressources minérales et de
l’énergie potentielles de la lune permettent à l’humanité d’avoir
des ressources en réserve essentiels pour son développement
durable. Ce facteur est le principal moteur du retour à la
lune.
Journaliste : Quelle signification l’exploration de la lune revêt
pour le développement des sciences et technologies, et de
l’économie chinoises ?
Luan Enjie : Le lancement de satellites artificiels de la terre,
les vols habités et l’exploration de l’espace profond constituent
les trois domaines de l’activité spatiale de l’homme. Le retour à
la lune, l’exploitation des ressources lunaires et l’établissement
de bases sur ce satellite naturel sont devenus la tendance
inéluctable de l’activité spatiale du monde et le centre de
rivalité de divers pays. Après avoir lancé des satellites
artificiels et réalisé le vol habité, la Chine opte nécessairement
pour l’exploration de la lune, qui fait partie de l’exploration de
l’espace profond. C’est aussi le besoin du développement durable de
l’activité astronautique chinoise. L’exploration de la lune sera le
premier pas franchi par la Chine dans l’exploration de l’espace
profond. La lune est déjà devenue le point crucial de la lutte des
principaux pays aérospatiaux pour les ressources stratégiques,
parce que ce satellite naturel possède des ressources spéciales qui
constituent le complément et les réserves des ressources de la
terre, et revêtent une importance lointaine pour le développement
durable de la société humaine. L’Hélium-3 contenu dans le sol
lunaire sera le carburant idéal des futures centrales nucléaires à
fusion, et modifiera ainsi la structure de l’énergie de la société
humaine. Un gramme d’or coûte 11 dollars, mais un gramme de
l’Hélium-3 coûte 400 dollars. Au XXIe siècle, les pays du monde
manifesteront un intérêt croissant pour les ressources lunaires.
L’exploration de la lune nous permettra de mieux connaître ce
satellite naturel et de renforcer notre capacité à exploiter les
ressources lunaires. En outre, elle aidera à élever le niveau de
nos technologies astronautiques et à développer les sciences et les
applications spatiales de notre pays. Elle marquera de troisième
jalon le développement des sciences et des technologies spatiales
de la Chine, sera un grand bond et un nouveau point de départ de
nos technologies astronautiques, favorisera l’application du
principe du développement du pays par les sciences et l’éducation,
stimulera le développement des nouvelles et hautes technologies,
notamment des technologies astronautiques, informatiques et
photoélectriques, et encouragera l’innovation et l’expansion des
sciences spatiales, de l’astronomie, des sciences de la vie et des
sciences des matériaux. Nous devons saisir l’occasion où le
programme de retour à la lune n’est pas appliqué de façon
généralisée pour accélérer la réalisation de notre programme de
l’exploration de la lune et de nous assurer une place dans ce
domaine sur le plan international.
Journaliste : Vu notre niveau des sciences et technologies
astronautiques, avons-nous déjà réuni les conditions de
l’exploration de la lune ?
Luan Enjie : Après un demi-siècle d’effort, la Chine a déjà mis sur
pied un système d’industries astronautiques capables de fabriquer
et de mettre au point toutes sortes d’astronefs et de fusées
porteuses, possède des terrains de lancement d’astronefs comme
satellites et vaisseaux spatiaux habités, et un réseau de poursuite
et de contrôle, plusieurs systèmes d’applications et d’exploitation
des satellites et le système de recherches sur les sciences
spatiales. Ces conditions constituent la base matérielle nous
permettant d’explorer la lune. Nous avons formulé à cette fin,
selon nos conditions réelles, le principe suivant : Réalisation par
étapes et développement soutenu, en coordonnant et planifiant nos
efforts et en unissant les objectifs à bref et à long délai. Nous
suivrons le principe de « rapidité, qualité et économie », et
utiliserons nos technologies mûres, en nous inspirant des succès
obtenus sur le plan international dans l’exploration lunaire, de
l’objectif stratégique et du plan de réalisation de divers pays, et
en tenant compte de notre niveau scientifique et technique, de
notre force et de notre stratégie globale du développement. Le
satellite d’exploration lunaire utilisera le plate-forme du
satellite Dongfanghong-3, et les sous-systèmes utiliseront aussi
les technologies mûres des autres satellites. Le lanceur CZ3-A peut
répondre aux conditions de lancement du satellite d’exploration
lunaire. Avec la coordination du réseau de mesure astronomique
VLBI, le réseau actuel de poursuite et de contrôle astronautiques
de bande S est capable d’accomplir les tâches de la première phase
de l’exploration de la lune, de mesure, de poursuite et de
contrôle. L’Académie des sciences de Chine possède la capacité
préliminaire de recevoir, de traiter et d’interpréter les données
de l’exploration de la lune.
Journaliste : Quelles sont les caractéristiques du programme
chinois de la première phase de l’exploration de la lune, par
rapport aux explorations initiales de la lune par les Etats-Unis et
l’ancienne Union soviétique ?
Luan Enjie : L’objectif de la première phase du programme chinois
de l’exploration lunaire consiste à obtenir l’image
tridimensionnelle de la surface lunaire, à en analyser la teneur
des éléments utiles et les caractéristiques de la distribution des
matériaux, à mesurer l’épaisseur du sol lunaire et à explorer et
mesurer l’environnement spatial terre-lune. Ce programme dépasse
les étapes de l’alunissage et du passage à côté, effectuées
auparavant par les Etats-Unis et l’ancienne Union soviétique, et
accède à l’étape de l’exploration par le vol autour de la lune.
L’orbite choisie permet d’explorer toute la surface de la lune.
Aucun autre pays n’a jamais effectué le sondage de l’épaisseur du
sol lunaire et du volume de l’Hélium-3. Quant à l’image
tridimensionnelle et à la distribution des éléments utiles,
l’exploration a été limitée à une partie de la lune.
|