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L’opération transparence d’Emmanuel Macron secoue la politique française

French.china.org.cn | Mis à jour le 01. 09. 2017 | Mots clés : Emmanuel Macron, politique française, Shen Xiaoquan

Le nouveau président français Emmanuel Macron a brandi l’étendard de la réforme au palais de l'Élysée. Immédiatement après sa prise de fonctions, il a lancé une campagne ambitieuse de transparence gouvernementale pour remédier aux abus de la vie politique française, en élaborant rapidement un projet de loi. Plusieurs hauts responsables politiques ont dû quitter leurs fonctions, et le monde politique est désormais parcouru par un certain sentiment d’effroi.

Au début de la campagne présidentielle de 2017, le candidat du parti Les Républicains François Fillon était le favori des sondages, avant qu’un scandale d’emplois fictifs ne signe sa chute. Il a été accusé, pendant les années où il était député, d’avoir rémunéré son épouse Penelope un total de 900 000 euros pour un emploi d’assistante parlementaire, alors que celle-ci n’avait jamais été aperçue dans les couloirs de l’Assemblée. Il a également été soupçonné d’avoir profité de ses responsabilités et contacts étatiques en tant que député puis premier ministre en créant un cabinet de conseil privé qui facturait ses conseils à de grandes entreprises comme l’assureur Axa.

Juste après ces révélations, l’autre favorite, la candidate d’extrême droite Marine Le Pen, a été visée par des allégations similaires. Sur les vingt-trois membres que compte son groupe Front national au Parlement européen, le Parlement a estimé que vingt travaillaient en réalité au siège du parti à Paris, sans jamais participer au travail du Parlement à Strasbourg, ce qui représenterait sur la période de 2010 à 2016 une perte de 7,5 millions d'euros de fonds publics européens.

Ces scandales ont suscité une forte réaction de l’opinion publique pendant la campagne. La majorité des électeurs ont exprimé leur dégoût envers les politiciens qui font de grands discours tout en utilisant les failles de la loi pour tirer profit de leur position d’autorité, et Fillon a subi une défaite cuisante.

Au premier tour de scrutin, le Parti socialiste et le parti Les Républicains, qui occupaient le centre de la vie politique depuis de nombreuses années, ont tous deux été éliminés, du jamais vu dans l'histoire de la Ve République. Cela montre l’indignation profonde du public français à l’égard du grand nombre de politiciens corrompus. Leur bulletin de vote a servi à exprimer leur fort désir de changement du statu quo de la politique française.

Emmanuel Macron a clairement perçu cette demande, ainsi que la crise actuelle de la démocratie française, et il a fait de la réforme politique une priorité. Dans un premier temps, il veut redéfinir l'image de la politique par des actions audacieuses et décisives qui devraient redonner confiance aux gens.

Loi sur la moralisation de la vie politique

Le 9 août dernier, l'Assemblée nationale a adopté la « loi sur la moralisation de la vie politique » avec une majorité écrasante. Cette loi interdit aux ministres, aux parlementaires et aux élus locaux de recruter des membres de leur famille en tant qu'assistants, encadre strictement les frais, supprime la réserve parlementaire qui permettait jusqu’ici aux députés d’attribuer des subventions, pour éviter les « dérives clientélistes », et stipule que le patrimoine des candidats à l’élection présidentielle sera vérifié, que les conflits d’intérêts potentiels et les activités dont ils tirent profit devront être déclarés.

Les intentions de cette loi sont claires. Premièrement, de réparer les failles de la législation et des règlements administratifs existants, afin d'empêcher les fonctionnaires à tous les échelons, les parlementaires et les élus de tirer profit d’emplois fictifs d’assistants. Deuxièmement, de mettre fin aux relations de profit entre les parlementaires et les représentants locaux. Et troisièmement, d'éliminer l’image de libre circulation de l’argent public dans le monde politique.

La chute d’alliés et de proches du président

Le 22 juin, à peine un mois après sa prise de fonctions, Emmanuel Macron a exclu du gouvernement son ami Richard Ferrand, ministre de la Cohésion du territoire, pour montrer que les exigences de moralité s’appliquaient en premier lieu à son groupe. Richard Ferrand avait été au cœur de l’équipe de campagne et était vu comme un proche du président. Lors de la formation du gouvernement, il avait été remercié par un important poste ministériel.

Il a été congédié parce que lorsqu’il était directeur général des Mutuelles de Bretagne, une société immobilière appartenant à son épouse avait été choisie pour la location de locaux commerciaux. En outre, durant son mandat de député, il aurait employé son fils comme assistant parlementaire. Lorsque le scandale a éclaté au mois de mai, juste après l’élection, la nécessité de son départ est vite devenue évidente.

Au même moment, la ministre des Armées Sylvie Goulard et la ministre des Affaires européennes Marielle du Sarnez ont été prises dans le tourbillon des soupçons d’emplois fictifs du parti MoDem (Mouvement démocratique) d'assistants au Parlement européen. On accuse le parti d’avoir financé ses activités grâce aux fonds européens destinés aux assistants. Les accusations sont exactement les mêmes que celles visant Marine Le Pen, et les deux ministres ont dû quitter le gouvernement.

En décidant de se séparer de ces ministres, Macron a pris un grand risque, car le MoDem a été son seul allié politique durant la campagne, et la contribution du parti à sa victoire ne peut être niée. Le président du MoDem François Bayrou a également annoncé sa démission du poste de ministre de la Justice. Bien qu’il ne fasse pas l’objet d’accusations, en tant que président du parti pris dans la tempête, sa présence au ministère de la Justice était intenable. Il aurait été dans l’incapacité de défendre le texte de loi sur la moralisation de la vie politique, et n’avait donc d’autre choix que celui du départ.

La première équipe gouvernementale d’Emmanuel Macron a ainsi connu quatre départs sur un total de seize membres dans le cadre du scandale des emplois fictifs. Son action forte pour avoir un gouvernement propre et sa volonté de faire appliquer les règles de moralité à tous ceux autour de lui ont provoqué une réaction considérable et ont semé la crainte dans les cercles politiques.

Un autre personnage politique s’étant retrouvé dans la tourmente est Michel Mercier, ancien ministre de la Justice de 2010 à 2012 durant la présidence de Nicolas Sarkozy. Sénateur durant dix-neuf ans, aujourd’hui à l'âge de la retraite à soixante-dix ans, il était bien parti pour accéder au Conseil constitutionnel, dernier pas glorieux d’une longue carrière. Lorsque sa nomination a été annoncée à la fin du mois de juillet, les médias ont révélé qu’il avait employé deux de ses filles comme assistantes au Sénat entre 1995 à 2009 et qu’il était soupçonné d’emplois fictifs. Pour ne rien arranger, alors que sa fille recevait un salaire d’assistante à Paris, elle vivait à Londres.

Sous la forte pression de la campagne de moralisation de la vie politique, le Conseil constitutionnel a publié un communiqué rappelant « l’obligation générale de ses membres de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre l’indépendance et la dignité de leurs fonctions ». Michel Mercier a rapidement décidé, au vu de l’opinion publique, de renoncer à son ascension.

De Fillon à Mercier, le scandale des emplois fictifs a fait tomber bien des têtes. Que cette habitude tacite de longue date signe aujourd’hui la chute de si nombreux responsables politiques illustre la détermination et la force d’intimidation de l’opération de moralisation de la vie politique française.

(Traduction en français d’un article rédigé par Shen Xiaoquan, maître de recherches au Centre de recherche sur les problématiques mondiales de l’agence de presse Xinhua.)

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Source:french.china.org.cn